Langages de Larbaud
Au lecteur de Larbaud, le pluriel affecté à ce nom, "langage", paraît tout naturel : Larbaud est à lévidence le maître dun langage polyphonique où différents niveaux de discours (paroles de personnages, maniement de lironie, citations, jeux intertextuels de tous ordres) senchevêtrent et se contredisent, non pour rendre luvre illisible, mais pour relancer à linfini le travail de linterprète. Nul doute que la question du monologue intérieur gagnera à être appréhendée dans le cadre dune grammaire énonciative.
Cest là sans doute le premier axe de réflexion qui soffre au lecteur de Larbaud, et en particulier, peut-être, au lecteur stylisticien. Mais ce nest pas le seul. Larbaud est aussi à divers titre lun des plus linguistes de nos écrivains. Quelles conséquences tirer de ce simple constat ? Il sagit tout dabord de mesurer lombre portée par la passion de la langue étrangère et de sa traduction dans luvre même de Larbaud : un imaginaire babélien se déploie dans le concret dun style épris du contact avec la langue de lautre. Mais cette rencontre entre les langues ne produit-elle pas en retour une réflexion dordre métalinguistique, réflexion à la fois discrète et omniprésente, tour à tour sérieuse et ludique ? Reste à confronter cette "linguistique" en acte, cette contamination du romanesque par le discours semi-savant du philologue, avec les pratiques dautres auteurs contemporains de Larbaud (Giraudoux, Morand, etc.) mais aussi (et peut-être même surtout) avec létat de la réflexion linguistique à son époque : un portrait de lécrivain parmi les doctes ne manquerait pas de relief, ni dintérêt.
Ce ne sont là que quelques-unes des pistes qui souvrent à quiconque veut travailler sur la figure de Larbaud amateur de langages, amateur de leur diversité comme de leur opacité entendons par là la résistance intime, féconde, quils offrent à lécrivain. Cette dimension majeure du travail créateur chez Larbaud nest-elle pas la source dune efflorescence de figures qui donnent à luvre son visage attachant, reconnaissable entre tous ?
Les propositions peuvent être envoyées jusqu'au 20 mai 2003.
Stéphane Chaudier
Université Jean Monnet, Saint-Étienne