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Les italiens et la grande guerre 1915-1918 / 2015-2018 : de la guerre des idées à la guerre des hommes

Les italiens et la grande guerre 1915-1918 / 2015-2018 : de la guerre des idées à la guerre des hommes

Publié le par Vincent Ferré (Source : Magni Stefano)

Les Italiens et la Grande Guerre 1915-1918 / 2015-2018

Aix Marseille Université, en partenariat avec l’Université Nice Sophia Antipolis et l’Université Sorbonne Nouvelle – Paris 3, organise le premier colloque d’une série de trois volets sur l’Italie et la Grande Guerre.

Premier colloque: De la guerre des idées à la guerre des hommes - 12,13,14 novembre 2015 - Aix Marseille Université

La situation socio-politique et le débat culturel d’avant-guerre : le nationalisme, l’irrédentisme, l’interventionnisme, le neutralisme, le projet italien d’expansion coloniale, l’entrée en guerre - autant de « phases » critiques de la vie italienne qui verront l’engagement d’artistes et d’intellectuels, dès la fin du XIXe siècle et au-delà de l’éclatement du conflit en Europe (1914). Quelles sont les spécificités de l’Italie et de son absence du théâtre de la guerre à l’été 1914 ? Pourquoi son entrée en guerre en mai 1915 ? Quel impact ont pu avoir sur les masses (ou plutôt : sur le « popolo ») les discours enflammés ou posés des protagonistes de la culture ? Quelle a été la place des œuvres littéraires et plus généralement des œuvres d’art dans l’avant-guerre italien ? Il s’agira d’analyser les écrits publiés dans les principaux quotidiens et dans les revues culturelles, de revenir sur les nombreuses « actions » promues par les artistes de l’avant-garde futuriste (soirées, lectures publiques, happenings divers et variés) et autres agitateurs culturels tels que D’Annunzio, mais également de tenir compte des activités de « communautés » ésotériques et pacifistes qui joueront un rôle non négligeable dans la préparation de l’opinion au conflit.

L’année 1915 étant la limite chronologique fixée pour ce premier colloque, les organisateurs accepteront des interventions consacrées non seulement à l’avant-guerre italienne mais aussi aux premiers mois du conflit (de la déclaration de guerre aux premières batailles de l’Isonzo, où périront des artistes-soldats tels que Renato Serra et Scipio Slataper).

Langues de travail : français et italien

Les propositions de communication devront parvenir à Stefano Magni (stefano.magni@univ-amu.fr) avant le 10 octobre 2014. Elles devront comporter un titre, un résumé de la communication (4000-5000 caractères espaces compris) et une bio-bibliographie (7 lignes maximum). Une réponse vous parviendra début novembre.

 

Colloque n°2           2016 Université Nice Sophia Antipolis

L’histoire et le mythe de la guerre : la Grande Guerre conflit « moderne ».

L’appel à propositions sera diffusé ultérieurement

 

Colloque n°3           2017 Université Sorbonne Nouvelle-Paris 3

Le Traité de Versailles, la « victoire mutilée », les revendications italiennes de l’après-guerre, l’occupation militaire de la ville de Fiume, l’écriture de la guerre a posteriori, le récit de la guerre : le roman à l’épreuve de l’Histoire.

L’appel à propositions sera diffusé ultérieurement

 

Comité scientifique :

Porteur du projet AMU : Stefano Magni

Membres AMU : Bernard Bessière, Yannick Gouchan, Claudio Milanesi, MichelaToppano.

Membres externes : Manuela Bertone, Barbara Meazzi, Serge Milan, Francesca Sensini (Nice), Maria Pia De Paulis-Dalembert (Paris 3), Fulvio Senardi, Fabio Todero (Trieste), Enrico Folisi (Udine), Nicola Turi (Cagliari), Luca Bani (Bergamo), Ugo Perolino (Pescara), Harald Hendrix, Monica Jansen (Utrecht), Alessandro Baldacci, Hanna Serkowska (Varsovie).

Laboratoires de recherche partenaires en France : LIRCES (Nice), CMMC (Nice), LECEMO (Paris 3).

Universités partenaires d’AMU en Europe : Pescara, Utrecht, Varsovie, Bergame.

 

Bref rappel du contexte

Dans les premiers jours d’août 1914, alors que l’Allemagne venait de déclarer la guerre à la Russie puis à la France et à la Serbie, l’Italie, alors alliée de l’Autriche-Hongrie et de l’Allemagne, affirma dans un premier temps sa neutralité. Toutefois, le pays était conscient que la collaboration avec l’Autriche ne lui permettrait jamais d’obtenir les terres irridente (de Italia irredenta, « Italie non libérée ») qu’elle réclamait depuis 1870. Dès l’automne 1914, la classe politique italienne se trouva écartelée entre deux camps. D’un côté les « neutralistes », majoritaires dans l’opinion, qui s’opposait à toute participation dans le conflit ; de l’autre le courant « interventionniste » qui était représenté par une alliance hétéroclite : militants de gauche adversaires par principe des monarchies centre-européennes ; nationalistes de Idea nazionale ; pré-fascistes de Michele Bianchi, dont plusieurs représentants rejoindront plus tard le combat anti-fasciste ; enfin exclus du Parti socialiste Italien comme Benito Mussolini qui, à la surprise de beaucoup, réclama en octobre l’entrée en guerre dans un article publié dans Avanti!. Mais c’est le poète Gabriele D’Annunzio qui, dans un discours prononcé le 5 mai 1915 à Quarto, près de Gênes, fédéra le crédo interventionniste.

Le camp des neutralistes perdait peu à peu du terrain dans l’opinion et, après s’être assurés que les promesses territoriales de la Triple-Entente (France, Royaume-Uni, Russie) étaient solides et sincères, la décision d’entrer en guerre, prise le 23 mai 1915, fut portée par le roi Victor-Emmanuel III, son président du conseil Antonio Salandra et son ministre des Affaires étrangères, Sidney Sonnino prirent la décision d’entrer en guerre en mai 1915. Dans les deux premières années de la guerre, les troupes italiennes obtinrent des victoires dont la conquête de la ville de Gorizia. Mais à l’automne 1917, l’Italie subit une lourde défaite à Caporetto- aujourd’hui Kobarid, en Slovénie -, avant d'obtenir la victoire à Vittorio Veneto en novembre 1918, ce qui amena l'Empire austro-hongrois à demander l'armistice qui mit fin au conflit.

L’Italie paya un lourd tribut à cette guerre : 650 000 morts, autant de disparus, un million de blessés. Les conséquences économiques et financières furent dramatiques. Le Traité de Versailles, grâce auquel la classe dirigeante pensait pouvoir reprendre les terres irredentes de Trieste, d’Istrie et de Dalmatie, n’accorda à l’Italie que le Sud-Tyrol et une partie de l’Istrie. Donc à la fin de 1918, la guerre n’était pas tout à fait terminée pour l’Italie car le gouvernement réclamait sans relâche la ville de Fiume, majoritairement italophone. Pour les interventionnistes démocrates, en revanche, ces acquisitions étaient suffisantes et Giolitti signa en 1920 le Traité de Rapallo en renonçant aux prétentions sur la ville de Fiume. Ce résultat apparut en revanche comme très décevant pour les nationalistes, d’où le thème rebattu de la « victoire mutilée » qui servira de slogan à un courant qui se divisera en diverses factions : les partisans de l’Idea nazionale ; les émules de Papini et de Prezzolini, les futuristes regroupés autour de Marinetti, enfin les partisans de Mussolini après la fondation du Parti national fasciste en 1921.

 

Commentaire et projet de colloque

On le voit, l’Italie des années 1914-1920 fut profondément divisée, morcelée même, en divers courants divergents, tantôt concurrents, tantôt adversaires. Par-delà les politiciens professionnels qui, par définition, aspiraient au pouvoir, les intellectuels, écrivains, peintres, musiciens, hommes de science, furent partie prenante de ces conflits, comme on le voit avec D’Annunzio ou Marinetti, ce qui fait du cas italien un terrain original d’affrontements par rapport au contexte français ou allemand des deux premières décennies du XXe siècle.

Axes de travail du projet quadriennal 2015-2018

La situation socio-politique : l’interventionnisme

 

Se considerato è come crimine l’incitare alla violenza i cittadini, io mi vanterò di questo crimine, io lo prenderò sopra me solo. Se invece di allarmi iop otessi armi gettare ai risoluti, non esiterei; né mi parrebbe di averne rimordimento. Ogni eccesso della forza è lecito, se vale a impedireche la Patria si perda. Voi dovete impedire che un pugno di ruffiani e di frodatori riesca a imbrattare e a perdere l’Italia. Tutte le azioni necessarie assolve la legge di Roma. Ascoltatemi. Intendetemi.

C’est en ces termes que D’Annunzio mobilisait la foule pendant les radiose giornate di maggio de 1915. Ses propos n’étaient pas isolés. Le courant interventionniste se manifestait déjà depuis plusieurs mois dans certains milieux de la culture italienne. Dans des revues comme Lacerba ou La Voce, cette question devint centrale. Après avoir salué dans un tout premier temps la neutralité du gouvernement italien, ces revues prônent un engagement de la nation à côté de la Triple-Entente. Lacerba a été également l’expression du groupe avant-gardiste des futuristes qui manifestait activement son engagement en faveur de l’interventionnisme. De plus, depuis la guerre de Lybie, l’avant-garde décrivait avec enthousiasme la guerre comme « hygiène du monde » (Marinetti, 1911). Cette position annonçait déjà ses incitations de 1914 au bain de sang et à l’attaque à la baïonnette contre l’ennemi autrichien (Lacerba, 1914). D’autre part, cette position nous rappelle que la guerre n’avait pas seulement un caractère de libération nationale, en tant que fin du processus du Risorgimento, mais qu’elle visait à une expansion coloniale en Méditerranée avec des prétentions territoriales qui allaient bien au-delà de seules frontières géographiques et ethniques des terres irredente. L’idée coloniale est également défendue par la revue La Voce qui redécouvre l’oeuvre et la pensée, en partie oubliées, d’Alfredo Oriani. Dans Lotta politica (1892) notamment, Oriani exaltait déjà l’expansion coloniale comme étape d’une phase historique nécessaire. L’Italie devait en effet assumer le rôle d’une puissance internationale pour s’affirmer et se consolider dans le panorama international. En actualisant la pensée risorgimentale et mazzinienne, – et tout en se rapprochant du langage et de l’imaginaire socialiste (L’Italie vue comme « la grande prolétaire ») –, Oriani avait influencé ou séduit de nombreux intellectuels de gauche comme de droite.

Il nous appartiendra, par conséquent, de chercher les racines de la Grande Guerre italienne dans le phénomène plus complexe du colonialisme. D’autre part, le front conservateur chérissait l’idée d’une guerre de grande ampleur car, comme le disait Vilfredo Pareto, elle aurait pu endiguer la vague déferlante du socialisme international ainsi que les revendications syndicales du prolétariat : «se c’è una grande guerra europea, il socialismo è ricacciato indietro almeno per un mezzo secolo, e la borghesia è salva per quel tempo» (V. Pareto, Il Regno, 1904).

Ainsi faut-il comprendre que si D’Annunzio et les futuristes ont exprimé les manifestations de pointe d’un phénomène plus large, d’autres intellectuels ont soutenu l’entrée en guerre de l’Italie : Benedetto Croce, lui, y voyait la suite des luttes du Risorgimento et une phase importante pour le sentiment d’appartenance patriotique. Loin de faire de la guerre une motivation anti-germanique, Croce perçoit le conflit comme moyen d’affirmation de la nouvelle nation italienne. Mais d’autres motivations poussent les Italiens à la guerre : Renato Serra affirme qu’il faut absolument participer au conflit car c’est toute la civilisation italienne qui est en jeu. L’intellectuel romagnol meurt en 1915 sur le mont Podgora, après avoir rappelé dans son carnet de guerre la différence entre l’idéalisation de la guerre et sa concrétisation.

Ainsi, l’année 1915 signifie-t-elle non seulement le début du conflit, mais également la fin de beaucoup d’espoirs. Avec la stratégie du général Luigi Cadorna, la guerre devient une lente agonie de tranchée. A la fin de l’année, l’Italie compte déjà 230 000 morts, donc autant de familles touchées, et cette réalité s’impose aux soldats comme aux civils et aux hommes politiques. Toujours sur le mont Podgora, meurt également il soldato irrendento Scipio Slataper, au cours d’une de ces batailles secondaires qui, pour leur faible intérêt stratégique, furent souvent dénoncées par la suite. Est-ce le signe de la fin d’un rêve ? Derrière la lente et épuisante guerre de tranchée s’envole une partie des espoirs des Italiens irredenti d’annexer rapidement Trento et Trieste.

On pourra d’ailleurs se demander si ce rêve relevait véritablement d’un patrimoine culturel collectif. En effet, cette donnée fut très largement mise en valeur, mais – comme l’a déjà rappelé Mario Isnenghi – les dizaines de soldats irredenti qui traversèrent la frontière pour se battre sous l’uniforme italien ne compensèrent pas les milliers d’Italiens restés dans les rangs de l’Empire austro-hongrois. Ces derniers, envoyés pour la plupart sur le front oriental, représentaient également la fine fleur de la marine militaire autrichienne. Notre colloque pourrait aussi étudier le sort de tous ces Italiens qui se sont battus du côté autrichien, parmi lesquels un certain nombre choisit de se rendre à l’ennemi. La question nationale italienne au-delà de la frontière était d’une importance capitale. Motivation essentielle de la guerre, elle avait rassemblé les Italiens irredenti autour de plusieurs points comme la demande d’ouverture d’une université italienne en terre étrangère, requête que le gouvernement autrichien avait refusée peu avant le début de la guerre.

Le neutralisme

On l’a vu, toute l’Italie n’était pas favorable à l’entrée en guerre. Les classes populaires prônaient le pacifisme, ce qui avait été clairement mis en évidence par un référendum informel organisé par le journal Avanti en septembre 1914. Une année plus tard, d’ailleurs, des rapports fournis par les préfets au ministre de l’Intérieur Salandra renouvelaient les mêmes positions dans l’opinion publique.

Y compris à l’intérieur du groupe des futuristes, des individualités invoquaient la neutralité de la péninsule. Ainsi, Aldo Palazzeschi prit-il ses distances par rapport aux autres avant-gardistes. Le libertaire Gian Pietro Lucini, qui avait été également à l’origine de la révolution futuriste, préconisait la paix entre les nations, mu par le plus pur esprit anarcho-socialiste. A cet égard, il faut rappeler l’importance qu’eut la pensée de Bakounine en Italie, ainsi que celle de la pensée socialiste européenne de l’époque, de Georges Sorel à Augustin Hamon. Cette pensée de gauche rend plus nuancées les positions des intellectuels. En réalité, à l’intérieur du groupe des futuristes, les positions individuelles sont nuancées et complexes et il est difficile de distinguer des secteurs bien définis. De plus, tous les poètes ayant adhéré au mouvement ont été très sensibles à la thématique sociale : c’est le cas de Buzzi, Cavacchioli ou Folgore.

Mais l’engagement ne concernait pas seulement le monde des Lettres. Les peintres avant-gardistes ont montré dans leurs tableaux des images accusatoires d’une société injuste. Balla a maintes fois représenté la vie des pauvres, comme dans les tableaux Il lavoro (1902), La giornata dell’operaio (1904). En 1911, Carrà peint I funerali dell’anarchico Galli, dans lequel il retranscrit les émotions qu’il a ressenties lors de l’enterrement du syndicaliste tué en 1904. La même année, Boccioni achève Il lavoro (tableau également connu sous le titre La città sale) et Russolo termine La rivolta. Ces oeuvres dénoncent les injustices sociales et préconisent également la lutte, sous l’influence de la pensée syndicaliste radicale qui progressait en Italie. Avant de fonder le futurisme, Marinetti lui-même avait écrit une tragédie sociale dans laquelle il dénonçait les complots du pouvoir et montrait une vision nihiliste de la vie. Ce texte, Le Roi Bombance (1905), fut cité par Arturo Labriola dans l’Avanti!. Et, de Labriola à Bissolati, un certain nombre d’hommes politiques ont soutenu la neutralité de l’Italie. Notre colloque se propose aussi de relire les positions souvent figées, mais en réalité bien plus complexes, de l’avant- guerre italien.

Le mythe et l’Histoire de la guerre

L’année 1915 a exprimé une fracture culturelle importante. Or, les opinions stéréotypées ont souvent mené à des visions simplistes de la guerre, facilitées par la dimension mythique que cet événement capital de la modernité a acquise. Notre colloque entend également considérer l’héritage mythique de cette épopée de héros pour comprendre comment la collectivité, le monde politique, les militaires ont saisi la spécificité de cette guerre. On raconte, par exemple, que dans les villages des montagnes de la Carnia, toutes les cloches des églises se sont, comme par miracle, mises à sonner dans la nuit du 23 mai 1915, annonçant la tragédie à venir. Cet aspect mythique a été entretenu par les carnets de guerre, les mémoires, les journaux des soldats écrits dans les tranchées et qui ont raconté l’horreur, exprimant aussi une nouvelle réalité politique et identitaire. C’était en effet la première fois que les Italiens des différentes régions se côtoyaient.

De même, de nouvelles idées politiques circulaient dans les tranchées. Ces récits personnels se mêlent aux documents officiels de l’Histoire - bulletins de guerre, journaux de l’époque -, mais également à l’iconographie de la guerre : dessins pour le public bourgeois, photos officielles, images de la satire. Notre colloque s’intéressera aussi aux mémoires de la guerre, aux lettres des soldats et aux poèmes conçus sur le front. Nous prendrons en compte les textes non-littéraires mais également ceux de nombreux intellectuels partis au front : de Comisso, Soffici, Jahier, etc. Le fait d’analyser la lecture qui a été faite de l’année 1915 nous permettra de mieux comprendre comment, dans les années suivantes, la Vittoria mutilata ou l’impresa di Fiume deviendront des mythes collectifs.

Modernité de la Grande Guerre

Au moment de son entrée en guerre, l’Italie souffre d’un important retard militaire par rapport aux grandes armées européennes. Ce type de questionnement nous conduira à considérer un autre aspect primordial de la Grande Guerre : sa « modernité ». On sait que les frontières issues du Traité de Versailles ont modifié l’Europe. Mais la Première Guerre mondiale a également posé les bases économiques du XXe siècle : des entreprises, telle FIAT, se sont développées dans l’élan de la guerre. L’évolution des armes, de la façon de combattre, l’utilisation des gaz, la mort de masse, sont des aspects liés au conflit qui marquent hélas un passage à la modernité. D’autre part, pendant le conflit, la condition féminine a évolué rapidement, car la femme est devenue irremplaçable dans les usines de guerre, anticipant ainsi son émancipation. Dans L’Âge des extrêmes. Histoire du court XXe siècle, Eric Hobsbawm définit l’espace temporel qui va de 1914 à 1945 comme étant celui de « l’âge de la catastrophe ». A son avis, l’époque où la civilisation occidentale que le XIXe siècle nous avait léguée, a été brisée. Faut-il accepter cette hypothèse ?

Ainsi, ce colloque mettra en exergue ces premières années afin de lire le XXe siècle d’un point de vue politique, économique et culturel. Il vérifiera dans quelle mesure l’année 1915 a constitué une année clé pour l’avenir de la société italienne.

Raconter la guerre

Il sera pertinent de mesurer l’impact que l’idée de la guerre et la guerre elle-même ont eu sur la littérature et d’autres formes d’art avant, pendant et après le conflit. D’un côté, il existe des œuvres qui contournent et évitent la guerre. D’un autre côté, nombreuses sont les œuvres qui font de la guerre un contenu, un thème, un motif, parfois, pour en exalter les instants glorieux, comme le fait Marinetti dans L’alcova d’acciaio. Romanzo vissuto (1921) ou pour marquer le traumatisme du début, comme le fait Giuseppe Antonio Borgese dans Rubé (1921), ou des combats, comme dans les peintures de Ardengo Soffici. D’autres phases clé du conflit seront privilégiées dans Vent'anni (1930) de Corrado Alvaro, dans La mia guerra (1931) de Elio Vittorini ou encore dans Oggi domani e mai (1932) de Riccardo Bacchelli. Plutôt que d’opposer ces deux tendances divergentes, ce colloque s’efforcera de comprendre si et comment l’entrée en guerre modifie la conscience des intellectuels et des artistes ainsi que leur façon de concevoir la création.