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Les Intraduisibles en poésie

Les Intraduisibles en poésie

Publié le par Julia Peslier (Source : Jessica Wilker)

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Appel àcommunication

« LesIntraduisibles en poésie »

Université Lille 3

Symposium international, du 7 au 9 octobre 2010

(Martin Schäfer,Jessica Wilker)

Le Vocabulaire européen des philosophies (sous la direction de Barbara Cassin, éditions duSeuil/Le Robert, 2004) propose des entrées de dictionnaire de quinze languesdifférentes pour des notions philosophiques, dont la signification diffèred'une langue à l'autre. Le symposium « Les Intraduisibles en poésie »s'inscrit dans la même problématique en la transposant dans le domaine de lapoésie (et dans un sens plus large de la langue littéraire) et s'interrogeégalement sur les problèmes théoriques fondamentaux d'une telle transposition.

La question centrale est donc celle de l'intraduisible.Notre point de départ est une observation simple : il existe des mots, dessyntagmes et des expressions qui, dans une langue cible, n'ont pasd'équivalent, parce qu'ils sont propres à telle ou telle langue source etexpriment une vision du monde qui est propre à cette langue ou au momenthistorique dans lequel ils s'insèrent. Nous partirons donc du constat d'uneasymétrie fondamentale des langues, qui ne découpent pas l'univers de la mêmemanière. Concrètement, on peut évoquer des mots comme, par exemple,« leise », « Schweigen » ou « Sehnsucht » enallemand, « spleen » en anglais, « MIR » en russe,« saudade » en portugais, etc. La véritable gageure de la traductionconsiste alors dans le fait qu'il ne s'agit pas d'effectuer de simples« collages », qui se contentent d'insérer les mots ressentis commeintraduisibles tels quels dans un texte (généralement en italiques et/oupourvus d'une note en bas de page pour signaler leur caractère intraduisible,proposer une paraphrase pour expliquer leur sens approximatif), mais des'interroger sur les solutions trouvées par différents traducteurs pours'approcher le plus possible d'un sens qui se dérobe.

Au-delà de ces questions pratiques et de ces cas précis,nous serons amenés à nous interroger sur la question théorique de la relationentre l'intraduisible et la nécessité d'un traduire sans fin. Barbara Cassinprécise dans sa préface que « Parler d'intraduisibles n'implique nullementque les termes en question, ou les expressions […] ne soient pas traduits et nepuissent pas l'être – l'intraduisible, c'est plutôt ce qu'on ne cesse pas de(ne pas) traduire. ». Si (presque) tout est intraduisible, cela signifieaussi que rien ne l'est et la même remarque peut s'appliquer au rapport entredicible et indicible au sein d'une même langue.

La notion d'intraduisible peut donc être mise en liaisondirecte avec celle d'indicible, théorisée surtout à partir du romantismeallemand. Cela signifie-t-il que la littérature est l'expression de ce qui nepeut être dit directement ou autrement que par elle, que l'art exprime ce quela langue ne dit pas (comme l'écrit Goethe dans une célèbre maxime :« La symbolique transforme le phénomène en idée, l'idée en image, et detelle sorte que l'idée reste toujours infiniment active et inaccessible dansl'image et que, même dite dans toutes les langues, elle resteindicible. » ) ? Ou bien (pour reprendre Foucault) quel'impression d'une insondable profondeur derrière la langue n'est qu'un effetépistémologique des limites du dicible, que l'intraduisible révèle ?

La littérature – surtout la poésie, mais cela concerne aussila Dichtung dans le sens plus large delittérarité - apparaît ainsi souvent comme ce qui, à l'intérieur du langage,permet de transmettre l'indicible et comme ce qui permet de prendre consciencedes traces de l'indicible ou de l'intraduisible dans la langue. On pourraitpoursuivre cette idée et affirmer que seulement plusieurs langues prisesensemble peuvent donner une idée de ce que l'on veut dire (cf. Benjamin, Latâche du traducteur). Les langues neseraient donc pas isolées, mais formeraient une constellation, marquée d'embléepar le rapport entre traduisible et intraduisible d'un côté et de dicible etd'indicible de l'autre.

Enfin, la question de cette constellation linguistique del'intraduisible peut ouvrir une autre question, plus large, s'interrogeant surles formes médiales et culturelles de la transmission – et de ses perturbations.Cette question sera au centre du deuxième symposium qui aura lieu à Erfurt enjanvier 2011.

Quelques pistes de réflexion :

Questions générales :

- théorie de l'intraduisible

- l'indicible

- (in)traduisible et littérature mondiale

Questions pratiques :

- l'emploi d'équivalents, d'approximations, d'analogues parles traducteurs

- les mots réputés intraduisibles et propres à telle outelle langue

- la présence de « mots-fétiches »/ d'un lexiquede prédilection chez un auteur particulier et les problèmes de traduction posépar l'emploi fréquent de ces mots

- le ton (ou le style) idiomatique

Langues de communication : français, allemand,anglais,

Ce colloque sera suivi d'un deuxième colloque organisé àl'université d'Erfurt (Allemagne) en janvier 2011(« L'Intransmissible : Limites et perturbations des processus detransmission linguistique, médiatique et culturelle »)

Bibliographie indicative :

  • Benjamin, La tâche du traducteur in Oeuvres I, Gallimard, « folio essais », 2000.
  • Benveniste, Le Vocabulaire des institutions indo-européennes, Éditions de Minuit, 1969.
  • Barbara Cassin, Vocabulaire des philosophies, éd. Seuil/Le Robert, 2004.
  • Goethe : textes sur le symbole, par exemple dans l'édition facilement accessible suivante : Maximes et réflexions, trad. Pierre Deshussens, éd. Rivages poche.
  • Humboldt : Sur le caractère national des langues et autres écrits sur le langage, trad. D. Thouard, Points/Seuil, 2000.
  • Kant, Critique de la faculté de juger, trad. Philonenko, Vrin, 1993.
  • Franz Rosenzweig : « L'Écriture et Luther » dans L'Écriture, le Verbe et autres essais, trad. J.-L. Evard, PUF, 1998.
  • Schleiermacher : Des différentes méthodes du traduire, trad. A. Berman et C. Berner, Points/Seuil, 1999.

Les propositions de communication (avec l'indication d'un titre), accompagnées d'un bref CV d'une page, seront envoyées au plus tard le 20 octobre 2009 à jessica.wilker@univ-lille3.fr.