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Figures de la fiction : rhétorique et textes littéraires en France aux siècles classiques (XVIIe-XVIIIe s.)

Figures de la fiction : rhétorique et textes littéraires en France aux siècles classiques (XVIIe-XVIIIe s.)

Publié le par Marc Escola (Source : Adrienne Petit)

Plusieurs théoriciens contemporains ont mis en évidence l’analogie voire le continuum existant entre la notion de figure de rhétorique et celle de fiction . Ces considérations vont dans le sens d’une conception graduelle de la fiction, échelonnée entre les deux polarités de la figure et du monde fictionnel. De récentes études ont montré combien une telle approche intéressait l’étude de la littérature de l’Ancien Régime, qui affiche bien souvent un va et vient voire une hybridation entre discours référentiel et affabulation.

Nous voudrions nous inscrire dans cette démarche, en interrogeant la textualité de la fiction aux siècles classiques aussi bien dans son rapport au contexte rhétorique et poétique avec lequel elle interagit qu’à partir des nouveaux angles d’analyse offerts par les travaux de la linguistique textuelle et les récentes approches pragmatiques de la figure de rhétorique. Les siècles de la première modernité héritent en effet d’une conception rhétorique de la fiction, qui laisse ouverte la question de sa définition en termes poétiques et stylistiques, l’énoncé fictionnel n’étant pas nettement distingué de l’énoncé figural. Les traités oratoires appellent ainsi fiction une feinte de l’orateur ou du poète, actualisée par un régime ostensiblement figural, tandis que l’expression polysémique de fiction poëtique peut désigner aussi bien des figures comme la prosopopée ou l’allégorie, marquées par une forte saillance discursive, que, par élargissement, le caractère fabuleux d’une invention.

En France toutefois, plusieurs facteurs vont dès la fin du XVIe siècle rendre problématique la parenté de la figure et de la fiction. La réception de la Poétique d’Aristote modifie en profondeur la théorisation de la fable, qui tend désormais à se définir comme une composition organique et vraisemblable. Cette nouvelle conception déplace l’art de la fiction du côté de la cohérence de l’inventio, et non plus de l’elocutio ornée. La promotion d’une esthétique du naturel prescrit d’autre part à tous les genres de discours un usage modéré des artifices oratoires, et repousse comme vices de style les ornements trop saillants. Seul le style véhément peut encore s’appuyer sur des figures d'amplification audacieuses, mais la fonction pathétique traditionnellement attachée à ces dernières se voit de plus en plus contestée à la faveur d'une éloquence du cœur caractérisée par sa simplicité.

On peut toutefois se demander si, dans la pratique, les genres littéraires se départissent de manière univoque d’un fonctionnement figural de la fiction. Plusieurs formes poétiques, comme l’énigme, le sonnet, ou la fable, se construisent sur des patrons discursifs figuraux tels que l’allégorie et la prosopopée. Le genre romanesque affiche quant à lui une prédilection pour les tropes et les figures de dialogisme, tandis que les formes du discours dramatique reposent bien souvent sur la cohésion d’un faisceau de figures. Nous voudrions consacrer cette journée d’étude à l’exploration des usages de la figure de rhétorique aux siècles classique dans le rapport complexe qu’elle entretient avec la notion de fiction : la figure constitue-t-elle un opérateur de fictionalité? S’inscrit-elle dans son contexte discursif comme un procédé structurant ou comme un ornement détachable? Nous souhaitons ainsi encourager un dialogue sur la plasticité des frontières de la fiction et de ses élaborations stylistiques à l’âge classique, en réunissant des jeunes chercheurs dont le corpus de travail puisse instruire cette problématique.

Quelques orientations possibles:

-Quelle(s) relation(s) sémantique(s) le terme de fiction entretient-il avec celui de figure aux siècles classiques?
- En contexte, à quelle échelle les figures fonctionnent-elles ? Sont-elles opérantes à un niveau microstructural ou déterminent-elles la dynamique textuelle au niveau macrostructural ? Quelles relations entre les trois catégories rhétoriques de l’invention, de la disposition et de l’élocution permettent-elles de mettre au jour ?
-Certains genres ou formes se distinguent-ils par l’emploi spécifique de certaines figures de rhétorique?
-Certaines figures constituent-elles des opérateurs de fictionalité, et si oui, grâce à quel fonctionnement en contexte? Comment se définit leur saillance et leur cadrage textuel ? Peuvent elles s’analyser en termes de polyphonie énonciative ? L’énoncé figural suffit il à définir des îlots fictionnels au sein d’un discours référentiel ?
-L’emploi de certaines figures définit il des régimes de fictionalité, et si oui, selon quels critères, quantitatifs ou qualitatifs, de dosage ? De tels régimes présentent-ils un emploi des figures alternatif aux normes stylistiques défendues dans les poétiques et les rhétoriques qui leur sont contemporaines ?

Les propositions de communication, ne dépassant pas 400 mots, seront envoyées à adriennepetit@gmail.com et szduval@gmail.com avant le 8 avril 2014. La journée d’étude se tiendra à la Sorbonne, le 24 mai 2014.

Suzanne Duval et Adrienne Petit (Université Paris-Sorbonne, STIH)