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Les effets de l'égalité, selon Tocqueville, dans les arts

Les effets de l'égalité, selon Tocqueville, dans les arts

Publié le par Marielle Macé

ARTS & SOCIÉTÉS

Laurence Bertrand Dorléac

Prochaine Séance
Avec le concours de la Fondation de France

13 octobre
17h-19h

LES EFFETS DE L'ÉGALITÉ, SELON TOCQUEVILLE,
DANS LES ARTS

Nouvelle Adresse Sciences Po
Amphi Leroy-Beaulieu
27, rue Saint-Guillaume
75007 Paris

Lucien JAUME

Pour Tocqueville, il y a du sens à parler de « littérature démocratique », par opposition au théâtre, au roman ou à la poésie comme incarnations des valeurs aristocratiques. En effet, dans la mesure où il distingue dans De la démocratie en Amérique (1835-1840) la démocratie comme « état social » (forme de vie sociale, lieu des moeurs, des manières et des croyances) et la démocratie comme régime politique, on comprend qu'il y ait pour lui une sociologie des arts « démocratiques ». La république des Lettres (au sens de Marc Fumaroli) est bien morte, selon Tocqueville, et l'architecture, la peinture, la littérature (il ne dit rien de la musique) doivent faire face à la pression de l'égalité, au moteur de la concurrence entre les créateurs et de la visée d'un « public » ciblé comme un gibier.

La dignité (droits de l'homme, valeur de l'individu) et la petitesse de l'esprit démocratique (« littérature à l'estomac » comme on dira ensuite) se reflètent dans les arts. En fait, Tocqueville suit de près le De la littérature de Mme de Staël qui, déjà, identifiait un type démocratique de littérature et déjà comparait avec le cas américain. Chez Mme de Staël, le terme littérature désignait aussi bien l'historien et le penseur philosophe que l'écrivain, car une même forme d'esprit, pour elle, irrigue les créations d'une société donnée. Tocqueville se montre fort critique envers les oeuvres de son temps et même conservateur, comme son oncle Chateaubriand d'ailleurs : les mêmes causes (l'attachement aux valeurs de l'aristocratie et au spiritualisme chrétien) produisent les mêmes effets. A son tour, la littérature de Tocqueville, homme si soucieux du « bien écrire », est un produit de l'inquiétude démocratique !

Lucien Jaume

Lucien Jaume est agrégé de philosophie, docteur d'Etat en science politique, ancien élève de François Furet, Lucien Jaume est entré au CNRS en1989 comme directeur de recherche (CEVIPOF). Ses travaux (11 livres et quelque 150 contributions en diverses langues) ont porté sur Hobbes (théorie de l'Etat représentatif), sur les Jacobins, les droits de l'homme ; dans une deuxième période, sur le libéralisme (L'Individu effacé ou le paradoxe du libéralisme français, Fayard, 1997) ; ensuite sur l'atelier d'écriture de Tocqueville et le problème de l'autorité démocratique (Tocqueville : les sources aristocratiques de la liberté, Fayard, 2008, prix Guizot de l'Académie française) ; plus récemment, il a publié Qu'est-ce que l'esprit européen ?, ainsi que Les origines philosophiques du libéralisme, tous deux en Champs Essais chez Flammarion (janvier 2010). Membre du comité directeur de publication desOeuvres complètes de Benjamin Constant (Max Niemeyer, puis De Gruyter, 51 volumes prévus). Sujet actuel de recherche : les enjeux républicains de la fondation de la sociologie, en France, par Durkheim et son école. Il enseigne dans l'école doctorale de Sciences Po sur les questions de la légitimité politique et de l'intérêt général, comme concepts philosophiques et comme outils d'analyse (appropriés ou à réviser) de la société actuelle.