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Nouvelle parution
Les écritures théâtrales, (Pratiques, n°119-120, déc 2003)

Les écritures théâtrales, (Pratiques, n°119-120, déc 2003)

Publié le par Marielle Macé (Source : André Petitjean)

PRATIQUES, n° 119-120, décembre 2003, Les écritures théâtrales 256 p.


A la suite des numéros 15/16, 24, 41 et 74 de Pratiques, «Ecritures théâtrales» est la cinquième livraison de la revue consacrée au théâtre et à son enseignement dans le cours de français.
Le pluriel du titre s'explique, en premier lieu, par le fait que le théâtre, qui est à la fois texte et représentation, activité scripturale et pratique scénique, se manifeste sous la forme d'une double écriture (dramatique et scénique), la première étant elle-même stratifiée en deux couches scripturales (les dialogues et les didascalies).
C'est pourquoi le numéro s'ouvre par une série d'articles qui, en fonction d'un point de vue théorique essentiellement sémio-linguistique, s'attachent à décrire des fonctionnements caractéristiques du texte dramatique.
C'est ainsi qu'Alain Rabatel, («Le problème du point de vue dans le texte théâtral»), après avoir défini le point de vue comme l'une des manifestations de la subjectivité d'un énonciateur telle qu'elle s'exprime à propos de la référenciation d'un objet de discours, montre la pertinence de la notion pour rendre compte des phénomènes énonciatifs et de la construction du sens dans un texte dramatique : feuilleté d?énonciateurs, phénomènes de co-énonciation, de sous et de sur-énonciation, modes de dénomination et de désignation dans les dialogues...
Maria Myszkorowska, («Poétique et dramaturgie : les didascalies de personnage. Exemple du théâtre de Georges Feydeau»), de son côté, après avoir rappelé les différents types de didascalies, selon qu'elles sont à fonction diégétique (participation à l'élaboration de la fiction dramatique) et/ou scénique (anticipation possible des conditions de la représentation), s'arrête plus particulièrement sur les didascalies de personnage. Prenant pour illustrer sa réflexion l'exemple de l'écriture dramatique de Georges Feydeau, Maria Myszkorowska propose un classement des didascalies qui contribuent à configurer les personnages, laissant au lecteur de l'article le soin d'apprécier la poétique didascalique propre à Feydeau.
Quant à André Petitjean, («Problématisation du personnage dramatique»), il commence par rappeler certaines des propriétés majeures de la textualité dramatique, (intentionnalité esthétique, feintise ludique, mimésis dialoguée à double destinataire, narration conversationnelle, ellipticité...). Il se livre ensuite, par l'intermédiaire d'une revue de questions des travaux narratologiques et linguistiques, à l'étude des formes de manifestation textuelle du personnage dramatique.
Dans la seconde partie de son article, André Petitjean élargit l'horizon de son investigation à d'autres domaines théoriques et tente un essai de problématisation historique et culturelle, en production et en réception, du personnage dramatique.
Cette diversification des points de vue théoriques caractérisent aussi les deux articles consacrés à la représentation théâtrale.
C?est ainsi que Catherine Treilhou-Balaudé, («Approches de la représentation»), se donne pour objet d?étude, outre l?acte même de représenter, les constituants majeurs de la représentation théâtrale : l?espace (les rapports scène/salle, la scénographie...) ; l?acteur (corporalité, voix, jeu...) ; la transposition scénique du texte dramatique... Pour rendre compte de cette polyphonie de signes en interaction, Catherine Treilhou-Balaudé convoque nécessairement des approche diverses de la représentation (esthétique, sémiologique, phénoménologique...).
Blanche-Noëlle Grunig, («La représentation théâtrale ou le pouvoir du verbal»), de son côté, à partir d?analyses d?ordre linguistique et neuropsychologique, aborde la représentation du point de vue de la réception par le spectateur. Ancrant sa réflexion sur les trois repères énonciatifs que sont le «je» énonciateur, le site spatial et le contexte temporel de l?énonciation, Blanche-Noëlle Grunig s?intéresse à la spécificité de l?énonciation scénique du texte dramatique. Ce faisant, elle avance que dans la conscience réceptrice du spectateur,les imageries mentales induites à partir du verbal ont un empan représentationnel et un degré de saillance supérieur par rapport aux représentations mentales provoquées par la perception sensorielle.
Le pluriel du titre réfère, en second lieu, au fait que l?écriture dramatique, dans le passé comme dans le présent, se concrétise par un foisonnement de genres, de formes et de styles.
C?est ainsi que Jean-Pierre Ryngaert («Ecritures théâtrales contemporaines : état des lieux»), s?attache à décrire l?évolution de l?écriture théâtrale de ces vingt dernières années. Il retient plus spécialement, au-delà de la diversité et de la particularité de chaque auteur, une tendance profonde au métissage ou à la dissolution des formes, à l?ellipticité de la fable, à la fragmentation des dialogues, à l?indécidabilité des points de vue... et subsume l?ensemble de ces phénomènes par l?appellation de «théâtre de la parole». Jean-Pierre Ryngaert montre aussi combien ces innovations dramaturgiques modifient les places respectives de l?auteur et du lecteur-spectateur, sans oublier celle du metteur en scène, comme le signale, de son côté, Catherine Treilhou-Balaudé.
L?éclairage qu?apporte Julie Sermon («Le personnage contemporain et ses états (de paroles)»), confirme ce renversement de tendance d?une dramaturgie de l?action à celle de la parole. Pourvu d?une intégralité fictive réduite ou déconstruite, le personnage s?affirme essentiellement comme un être de langage, soumis aux variations et aux fluctuations d?une parole en acte. Comme le souligne Julie Sermon, ce nouveau mode d?être dramaturgique du personnage affecte son passage à la scène et nécessite un effort d?accommodation esthétique de la part du lecteur ou du spectateur.
Marie Bernanoce, («Le répertoire théâtral contemporain pour les jeunes : panorama et pistes ouvertes»), apporte la preuve que la diversité des écritures n?est pas moins grande dans ce champ de la production dramatique par rapport à son homologue tout public. Il ressort aussi de l?article de Marie Bernanoce, outre le constat d?une expansion relativement récente du répertoire théâtral pour la jeunesse, l?affirmation que, dans ce champ comme dans l?autre, les écritures qui comptent sont celles qui allient un propos sur le monde à un travail sur la langue.
Le pluriel du titre renvoie, en troisième, lieu au fait que l?écriture théâtrale se prête aux différentes formes de la réécriture : reprises, adaptations, parodies...
C?est ainsi que Michel Corvin («L?adaptation théâtrale : une typologie de l?indécidable»), entreprend d?élucider le phénomène complexe de l?adaptation. Selon une perspective à la fois historique et typologique, il montre que l?adaptation est une réalité textuelle d?une grande diversité. Variété qu?il est possible, cependant, de décrire à l?aide de paramètres du type contexte historique et enjeux culturels de l?adaptation, statut de l?adaptateur, type de texte-source... Variété que l?on peut décrire aussi à partir des opérations que réalise l?adaptateur (collage, montage, ajout, suppression, déplacement...), selon que sa pratique est assimilable à un geste d?imitation, de traduction ou de création.
Martine de Rougemont («Esquisse d?une histoire de la parodie théâtrale en France») propose, pour sa part, un panorama historique de la parodie théâtrale, du XVIIe siècle à nos jours. Dans la mesure où elle affecte à la parodie théâtrale le statut d?un genre textuel, Martine de Rougemont en décline les différents aspects, qu?ils soient d?ordre institutionnel, intentionnel, énonciatif, formel, thématique... Elle achève son article en faisant quelques hypothèses sur les raisons qui ont provoqué la disparition du genre au cours du XXe siècle.
Le numéro s?achève par la partie plus spécifiquement consacrée au théâtre et à son enseignement.
Certes, les nouveaux programmes du primaire, des collèges et des lycées modifient la perception scolaire du théâtre (objectifs, contenus, activités...). Néanmoins, comme le souligne Marie Bernanoce, dans la première partie de son article, l?écriture dramatique n?occupe toujours pas la place qui devrait être la sienne dans l?enseignement du français.
En ce sens, Daniel Bessonnat, («Jouer, lire, écrire du théâtre au collège»), dans son compte-rendu d?une expérience menée dans une classe de Troisième apporte la preuve qu?il est possible de permettre aux élèves de se familiariser avec cet objet multiforme qu?est le théâtre, sans renoncer à la transmission du patrimoine des classiques. Cela implique, outre des activités de jeu dramatique, un apprentissage organisé de la lecture des ?uvres dramatiques et une confrontation avec l?écriture dramatique.
André Petitjean, («Elaboration didactique du personnage dramatique»), se focalise sur les problèmes que pose la lecture d?une fiction dramatique compte tenu des propriétés particulières d?un texte dramatique. Restreignant ensuite sa réflexion au personnage dramatique, il propose des activités destinées à des élèves de collèges, susceptibles d?aider ces derniers à mieux lire les textes dramatiques, voire à modifier leur regard de spectateur.
Daniel Lemahieu, («Des ateliers d?écriture»), propose une réflexion portant sur les ateliers d?écriture dramatique en situation scolaire et universitaire (enjeux, dispositifs, formes, contenus...). Analyse qui devrait entrer en résonance avec l?écriture d?invention du lycée, si elle n?était pas réduite à une épreuve du baccalauréat.
Il en va de même des articles de Michel Corvin et de Martine de Rougemont qui ne sauraient manquer d?enrichir la rubrique des réécritures littéraires, au programme des classes de Première L.
Nous conclurons cette présentation en disant que le personnage constitue indéniablement un second fil rouge qui relie la majorité des articles du numéro. On le trouve, en effet, successivement problématisé sous sa forme dramatique ou scénique, particularisé dans son aspect didascalique, spécifié dans les dramaturgies contemporaines, impliqué dans les réécritures et faisant l?objet des réflexions didactiques.


André PETITJEAN, Jean-Pierre RYNGAERT


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