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Les divertissements de cour sur la scène contemporaine. Rencontres avec Bintou Dembélé et Robyn Orlin (Arras)

Les divertissements de cour sur la scène contemporaine. Rencontres avec Bintou Dembélé et Robyn Orlin (Arras)

Publié le par Marc Escola (Source : Pénélope Dechaufour)

RENCONTRES AVEC BINTOU DEMBÉLÉ ET ROBYN ORLIN

Vendredi 1er février – La Ruche

Salle de spectacle de la Maison de l’Étudiant

Université d’Artois – rue Raoul François, 62000 Arras

Organisation: Marine Roussillon et Pénélope Dechaufour (Projet Merveilles 17)

 

La redécouverte du « baroque » dans la deuxième moitié du XXesiècle s’est présentée comme un mouvement de retour aux pratiques du passé : utilisation d’instruments d’époque, travail sur l’interprétation et l’ornementation en musique, sur la diction et à la gestuelle en théâtre… Nous souhaitons renverser la perspective sur ces pratiques en posant la question de ce qui fait leur actualité, leur pertinence dans notre époque. Pourquoi recréer aujourd’hui des opéras et des ballets des cours de Louis XIV ou Louis XV, qui chantent la gloire de la monarchie française ? Quels sont les enjeux éthiques et politiques des choix esthétiques résumés par la notion de « baroque » ? Que nous dit la vogue du « baroque » de notre présent ? Les chorégraphes Bintou Dembélé et Robyn Orlin s’approprient des œuvres baroques pour questionner les identités et explorer l’altérité. À rebours d’un usage identitaire du passé, qui conjugue idéalisation du « siècle classique » et revendication d’une continuité, il s’agit de mettre en lumière les démarches d’artistes qui convoquent le corps baroque pour donner à voir des failles, des écarts, créer des espaces de jeu avec les identités assignées. 

Programme

9h30. Marine Roussillon, Introduction.

10h-12h30. Autour d’une version krumpdes Indes galantes.

Table ronde avec Bintou Dembélé, chorégraphe (compagnie Rualité) et Sylvie Chalaye, professeure en études théâtrales (Université Paris 3, IRET), animée par Pénélope Dechaufour.

14h – 16h30. Autour de Oh Louis ! et Pygmalion.

Rencontre avec Robyn Orlin, chorégraphe, animée par Marine Roussillon. (Traduction : Pascale Fougère).

16h30. Conclusions : Marine Roussillon, Pénélope Dechaufour.

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LES INTERVENANTES

Bintou Dembélé

Bintou Dembélé est une chorégraphe et danseuse qui se définit « d’origine hip-hop » et est reconnue comme l’une des pionnières dans ce domaine en France. C’est à travers cette culture de la rue et de l’image qu’elle s’est inventée un langage singulier depuis ses débuts en France (1985). Elle danse alors au sein du groupe Aktuel Force, du collectif Mouv’ (qui devient Ykanji) au Théâtre contemporain de la Danse à Paris, pour la compagnie Käfig et MC Solaar, entre autres. En 2002, elle crée sa compagnie appelée Rualité (jeu de mots entre Rue et Réalité) et développe sa démarche chorégraphique. Son travail porte notamment sur la mémoire du corps à travers le prisme de l’histoire coloniale et post-coloniale française.

À travers ses pièces les plus récentes, elle aborde notamment le fait colonial, la notion de rite et le marronnage (Mon appart’ en dit longZ.H.S/T/R/A/T/E/S – Quartet). Elle collabore régulièrement avec d’autres artistes, comme Grand Corps Malade, Sophiatou Kossoko et Clément Cogitore, et avec des chercheurs comme Sylvie Chalaye. Les spectacles de Rualité sont programmés en France et à l’international (récemment en Suède, au Chili, en Macédoine). Bintou Dembélé a formé de nombreux danseurs et danseuses à travers des projets culturels et d’accompagnement à la professionnalisation en Guyane française depuis une douzaine d’années, ainsi que qu’en Birmanie et au Mali plus récemment.

Après avoir contribué à chorégraphier le court-métrage Les Indes galantesde Clément Cogitore pour la 3escène de l’Opéra de Paris (https://www.operadeparis.fr/3e-scene/les-indes-galantes), elle travaille actuellement avec le même metteur en scène à une version intégrale de l’opéra-ballet de Rameau, qui sera créée à l’Opéra Bastille en septembre 2019.

Sylvie Chalaye 

Anthropologue des représentations coloniales et spécialiste des dramaturgies contemporaines d’Afrique et des diasporas, Sylvie Chalaye est professeur et directrice de recherche en Études Théâtrales à la Sorbonne Nouvelle-Paris 3. Au sein de l’Institut de Recherche en Études Théâtrales qu’elle co-dirige, elle a créé le laboratoire « Scènes francophones et écritures de l’altérité » (SeFeA) dont le programme est consacré aux dramaturgies traversées par l’histoire coloniale et l’histoire des migrations. Elle s’intéresse depuis plusieurs années au travail de Bintou Dembélé qui est fréquemment invitée à collaborer aux activités du SeFeA. Son dernier ouvrage, Corps marron. Les Poétiques de marronnages des dramaturgies afro-contemporaines, propose de découvrir cet « autre » théâtre et ouvre quelques entrées théoriques pour en appréhender les enjeux esthétiques, politiques et philosophiques. Elle collabore aux travaux du groupe ACHAC et a donc contribué au récent Sexe, race et colonie.La domination des corps du XVe siècle à nos joursparu en grand format aux éditions La Découverte. 

Elle a publié plusieurs essais consacrés aux théâtres afrodescendants et afro-contemporains, et a dirigé de nombreux ouvrages collectifs et numéros de la revue Africulturesdont elle est, par ailleurs, co-fondatrice : Du Noir au nègre : l’image du Noir au théâtre de Marguerite de Navarre à Jean Genet (1550-1960), coll. « Images plurielles », L’Harmattan, Paris, 1998, (Prix Georges-Jamati 1996) ; L’Afrique noire et son théâtre au tournant du XXe siècle, coll.« Plurial », Presses Universitaires de Rennes, Rennes, 2001 ; Afrique noire et dramaturgies contemporaines : le syndrome Frankenstein, coll. «Passages francophones », Théâtrales, 2004 ; Nouvelles dramaturgies d’Afrique noire francophone, Presses Universitaires de Rennes, 2004 ; Culture(s) noire(s) en France : la scène et les images, Africultures la revue, n°92-93, 2013 ; Ecriture et improvisation : le modele jazz ?, coll. « Esthétique(s) jazz : la scène et les images », Passage(s), Caen, 2016. (en coll. avec Pierre Letessier).

Pénélope Dechaufour

Docteure en études théâtrales, Pénélope Dechaufour est enseignante chercheure contractuelle en Arts du spectacle à l’Université d’Artois et chargée de cours à l’Université Sorbonne Nouvelle-Paris 3 où elle fut ATER, ainsi qu’à l’Université de Caen. Elle travaille sur les écritures afro-contemporaines en interrogeant les enjeux du corps et de la figure au sein de ces poétiques mémorielles marquées par le trauma. Elle a soutenu sa thèse de doctorat en y théorisant la notion de « drame figuratif » dans le théâtre de Kossi Efoui. Elle est membre de l’équipe « Praxis et esthétique des arts » du Centre de recherche Textes et Cultures (Univ. d’Artois) et chercheure associée du laboratoire SeFeA de l’Institut de Recherche en Études Théâtrales (Paris 3). Elle a notamment dirigé l’ouvrage collectif Afropéa, un territoire culturel à inventer, en collaboration avec Sylvie Chalaye (Africultures n°99-100, Paris, L’Harmattan, 2015), dans lequel Bintou Dembélé livre un témoignage sur sa pratique et revient sur son parcours. Pénélope Dechaufour a également co-réalisé trois documentaires scientifiques.

Robyn Orlin

Chorégraphe controversée et provocante originaire de Johannesburg, Robyn Orlin n’a cessé de repousser les limites de la performance et de la danse au cours de ses vingt années de création. Bien que jadis marginalisé en Afrique du Sud, le City Theatre and Dance Groupfondé par Robyn Orlin reçoit désormais le soutien du Conseil National des Arts. Cet accompagnement facilite le développement des activités pédagogiques de la compagnie en lui permettant de proposer des ateliers permanents pour développer et améliorer les compétences artistiques des jeunes danseurs et les former aux pratiques de la performance. 

Robyn Orlin a travaillé à la fois dans les champs du théâtre, de la danse et de l’opéra en tant que chorégraphe mais aussi pour le cinéma ou la télévision en tant que productrice. Artiste internationale de renom, elle est sollicitée par les plus grandes institutions. Elle travaille en favorisant l’immersion des publics et en réfléchissant à notre environnement immédiat, qui lui sert de tremplin pour aborder des questions relatives à la culture, à l’histoire et à l’identité. 

Dans la société sud-africaine où elle a grandi, la culture classique occidentale était emblématique du colonialisme et de l’Apartheid. Avec Oh Louis… We move from the ballroom to hell while we have to tell ourselves stories at night so that we can sleep…, elle s’attaque au mythe de Louis XIV, le roi danseur mais aussi le premier souverain à légiférer sur l’esclavage, dans une performance provocante.Lorsqu’elle chorégraphie des opéras baroques, comme L’Allegro, il Penseroso e il Moderatode Haendel pour l’Opéra de Paris en 2007 ou Pygmalionde Rameau pour les opéras de Dijon et de Lille aujourd’hui, elle en cherche la pertinence pour notre présent.

Marine Roussillon

Marine Roussillon est maîtresse de conférences en littérature française à l’université d’Artois et membre du centre Textes et Cultures. Après une thèse consacrée à l’imaginaire médiéval de l’âge classique (2011), elle fait porter ses recherches sur les usages politiques des lettres et des arts au XVIIe siècle, notamment dans le cadre des fêtes de cour. Elle est responsable du projet « Merveilles de la cour: techniques, esthétique et politiques des divertissements de cour au XVIIe siècle » (MESHS, projet émergent), qui interroge l’admiration suscitée par ces divertissements en étudiant d’une part leur fabrication textuelle, technique et institutionnelle, et d’autre part leur réception, du XVIIe siècle jusqu’à aujourd’hui. Elle a publié plusieurs articles sur la fête des Plaisirs de l’île enchantéeet contribué au chapitre « Écrits de Versailles » de l’ouvrage collectif du GRIHL,Écriture et action(Éditions de l’EHESS, 2016). Elle dirige un dossier de la Revue d’Histoire du Théâtresur la réception des fêtes de cour qui paraîtra en 2019.

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MANIFESTATIONS LIÉES

30 janvier- Master classe de Bintou Dembélé

31 janvier, 19h30 à La Ruche. Le Syndrome de l’initié [Les damné.e.s de la terre],spectacle de Bintou Dembélé et de la Compagnie Rualité. Entrée libre sur inscription.

14 juin – Journée d’études. Le corps baroque : actualité et altérité

Pourquoi mettre aujourd’hui sur scène des spectacles créés pour divertir la cour, glorifier la monarchie et légitimer l’impérialisme français ? Qu’est-ce qui peut fonder l’actualité de telles œuvres, et quel sens peut-on leur donner qui nous parle encore ? Nous tâcherons de répondre à ces questions à partir d’appropriations qui utilisent les divertissements de cour pour travailler sur des formes d’altérité : comment les corps baroques permettent-ils de poser la question du genre ? Comment s’inscrivent-ils dans une réflexion sur les corps racisés ? La dimension politique des divertissements de cour, inscrite dans leur esthétique, resurgit ainsi comme support à une réflexion sur la violence et le pouvoir.L

Crédits : Benjamin Pech danse le rôle de Louis XIV dans Oh Louis! de Robyn Orlin. Photographie de Jérôme Séron.