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Les contributions d’écrivains à la presse musicale (XXe – XXIe siècles)

Les contributions d’écrivains à la presse musicale (XXe – XXIe siècles)

Publié le par Vincent Ferré (Source : Timothée Picard)

Les contributions d’écrivains à la presse musicale

(XXe – XXIe siècles)

 

Université Paris – Sorbonne,

Jeudi 21 novembre 2013

Salle des actes

 

Journée d’études en partenariat

Paris – Sorbonne (OMF)

Grenoble 3 (Traverses – E.CRI.RE)

Rennes 2 (CELLAM – groupe Phi / IUF)

 

Cette journée d’études repose sur une double interrogation : pourquoi une revue musicale recherche-t-elle la collaboration d’un écrivain ? Comment un écrivain parle-t-il de musique dans un périodique spécialisé – par exemple Camille Mauclair pour Le Courrier musical ou Le Mercure musical, de diverses manières, Paul Claudel, André Gide, André Suarès, ou Paul Valéry dans La Revue musicale, ou encore, aujourd’hui, dans un tout autre contexte éditorial, Dominique Fernandez dans Classica ? Symétriquement, du côté cette fois de la presse non spécialisée, de telles questions peuvent également être posées  pour les collaborateurs des revues littéraires, artistiques, et intellectuelles ayant une page de chronique musicale ou évoquant substantiellement la musique : ainsi d’Andreï Bielyï et Aleksandr Blok intervenant dans les revues symbolistes russes comme La Balance ou La Toison d’or, de Jacques Rivière, Charles-Albert Cingria, Pierre Jean Jouve ou Louis-René Des Forêts à la Nouvelle Revue Française, d’Alberto Savinio à Domus, ou, plus proche de nous, de Richard Millet s’exprimant sur la musique contemporaine dans la Revue des Deux Mondes. Elles peuvent surtout être étendues aux figures intervenant dans des organes de presse généralistes accordant une place régulière à la musique : tout au long du XXe siècle, ce sont Willa Cather pour le New York Times, George Bernard Shaw pour The World, Alberto Savinio pour La Stampa, Eugenio Montale pour le Corriere della Sera, Alessandro Baricco pour La Repubblica ou La Stampa, etc.

Les analyses des écrits littéraires sur la musique ne manquent pas, et l’intérêt pour la presse et les revues connaît actuellement un grand développement, tant chez les littéraires, les historiens, que chez les musicologues : voir, pour ne citer qu’eux, les travaux de Marie-Ève Thérenty, d’Emmanuel Reibel, de Rémy Campos pour le XIXe siècle, fort utiles pour l’étude du siècle suivant, de Cécile Leblanc, de Michel Duchesneau, de Valérie Dufour, ou encore du « Collectif de Recherche sur la Presse Musicale Française » de l’Observatoire musical français, etc. En croisant les deux approches, on souhaiterait réfléchir à la relation qui se noue entre un objet (la musique), une écriture (littéraire) et un mode de diffusion (la revue, l’hebdomadaire ou le quotidien) – étant entendu qu’un tel sujet pose plusieurs difficultés de définitions concernant l’objet étudié, la langue pratiquée, la culture sollicitée, les types de musique évoqués, ou encore la qualité des auteurs engagés – au double sens institutionnel et axiologique du terme.

Pour définir le statut d’écrivain, on se réfèrera d’abord à la réception et à l’usage (voir les noms précédemment cités), sans s’interdire d’ouvrir le propos à des figures contemporaines moins évidemment consacrées (André Tubeuf chroniqueur au Point, Benoît Duteurtre à Marianne), ou encore, éventuellement, à des écritures ou des figures prestigieuses mais reçues de manière plus incertaine du point de vue de l’ancrage disciplinaire ou de la qualification institutionnelle (« intellectuels » comme Barthes ou Lévi-Strauss, « philosophes » comme Deleuze ou Jankélévitch, etc.). Une communication pourra d’ailleurs s’employer à interroger la catégorie même d’écrivain, à partir du moment où le champ de la critique musicale pourrait la rendre problématique. Plus que les classements établis par les histoires littéraires, c’est peut-être un type d’écriture dit littéraire (ou poétique) qui intéresse davantage les revues et journaux, soucieux de faire entendre une voix non spécialiste, de proposer un autre discours que celui du musicien et du musicologue (voir Bernard Sève, L’Altération musicale, 2002). Depuis l’exemple célèbre de Willy et de Colette, au tournant du siècle (mais on pourrait remonter au moins à Théophile Gautier), la pratique littéraire s’accompagne parfois d’une valorisation de la figure du dilettante, voire de l’amateur, au détriment d’une analyse trop technicienne, réputée insensible au caractère supposément ineffable de la musique. Pour autant, avec le développement de l’esthétique musicale, il arrive aussi que l’on s’insurge contre les travers de l’impressionnisme métaphorique dans lequel tomberaient parfois certains écrivains : voir, à ce titre, les propos cinglants tenus par Boris de Schlœzer contre Jouve ou Jankélévitch.

Cette journée d’études ne souhaite pas davantage réduire le champ esthétique et géographique de la recherche. Ainsi, aux revues et à la presse françaises, il sera pertinent de comparer les expériences proposées en Italie, en Allemagne, en Grande-Bretagne et, plus généralement, dans l’ensemble du monde occidental. On se demandera en particulier si les pratiques varient en fonction des aires culturelles et de la chronologie, s’il est des pays et des époques qui pratiquent plus que d’autres ce type de collaborations, selon quels critères et pour quelles raisons. Les études des critiques musicales de figures jouant un rôle majeur dans des organes de presse extrémistes seront également les bienvenues (voir plusieurs écrivains italiens compagnons de route du fascisme, les collaborations de Lucien Rebatet à L’Action française, Radio-Magazine, Candide, La Revue universelle, Le Jour, etc.). Par ailleurs, si la musique dite « savante » ou « classique » s’impose par son importance historique, le champ de recherches s’ouvrira le cas échéant aux contributions d’écrivains concernant d’autres formes de création : jazz (Boris Vian, Philip Larkin, Jacques Réda, Haruki Murakami, Josef Škvorecký, Alain Gerber, etc.), « musiques actuelles » (Nick Hornby), musiques extra européennes, etc.

Seront privilégiées les approches qui présenteront un caractère synthétique ou porteront sur des corpus multiples (panorama sur une revue, un pays, une époque, comparaison de différentes écritures littéraires, intérêt pour un genre comme le jazz ou l’opéra) ; mais les monographies sur tel ou tel écrivain ne sont nullement exclues, à la condition toutefois qu’elles s’imposent particulièrement, qu’elles soient mise en perspective, et que les objets « journal » et « revue » ne soient pas perdus de vue. Enfin, toutes ces communications devront contribuer à une meilleure compréhension historique et théorique de la pratique de la critique musicale en général ; elles ne pourront faire entièrement l’impasse sur l’approche proprement littéraire (étude des styles, des formes, etc.) ; et seront particulièrement attentives à tous les propos de type « métacritique » (propos sur la critique tenus par le critique lui-même).

 

Les propositions de communication seront envoyées simultanément à Claude Coste (coste.claude@wanadoo.fr), Danièle Pistone (pistone@noos.fr) et Timothée Picard (timothee.picard@gmail.com) avant le 15 juin 2013. Ce projet s’inscrit dans le cadre d’un programme sur « La critique musicale au XXe siècle » (Institut universitaire de France). On trouvera un descriptif des journées d’études passées ou à venir sur le site du CELLAM (www.cellam.fr/). Les communications feront l’objet d’une publication en fin de programme.