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Les collaborations entre poètes, médecins et scientifiques

Les collaborations entre poètes, médecins et scientifiques

Publié le par Hugues Marchal

Une terre inconnue ?

Les collaborations entre poètes, médecins et scientifiques (18e-21e siècles)

Journée d'études : 12 juin 2010 - Université Paris Descartes, Paris

Lamodernité s'est construite sur un divorce entre littérature etsciences, un « partage léonin » à partir duquel, au début du 19esiècle, « la société se donne à la raison qui se livre aux sciences quiexpulsent les cultures » (Michel Serres). L'une des victimes directesde ce procès en séparation fut la poésie scientifique, qui chantait lascience en vers, et dont l'agonie semble consommée vers 1900 quand unmanuel tranche : « Ce qui ne peut être littéraire, ne peut êtrepoétique. - Par conséquent, la science, en tant que telle, demeure endehors de la poésie. » Or le genre avait suscité des oeuvrescollaboratives qui déroutent aujourd'hui nos cadres de pensée : dansl'édition originale des Trois Règnes de la nature de Delille (1808),Cuvier et plusieurs autres savants prestigieux n'avaient pas dédaignéprendre leur plume pour fournir au poème une annotation scientifiqueminutieuse, en un livre qui constitue ainsi un texte à plusieurs mains,mêlant prose et vers. De tels exemples de collaboration effectiverestent fort peu documentés. Ils sont pourtant multiples, et n'ont pasdisparu avec le poème scientifique.

André Spire suit lestravaux du laboratoire de phonétique du Collège de France pour élaborersa théorie du vers et publier Plaisir poétique, plaisir musculaire.Michaux teste sous le contrôle de médecins les effets de la mescaline,et la poésie moderne a souvent croisé le pas des scientifiques encherchant à se faire expérimentale ou à s'approprier des inventionsd'origine scientifique comme le gramophone. Le docteur Ferdière arevendiqué un rôle majeur dans les créations d'Artaud interné dans sonservice psychiatrique à Rodez. Des spécialistes ont pu être consultéspar les poètes pour vérifier le sens d'un mot ou la portée d'une thèsescientifique. L'Oulipo a réuni mathématiciens et écrivains ;aujourd'hui, un biopoète comme Eduardo Kac travaille avec desgénéticiens pour créer ses oeuvres hybrides, et d'autres poètes ont éténourris par leurs visites chez les savants, comme Hugo retraçantl'effet des spectacles astronomiques que lui avait offerts Arago.

Maissi ces échanges ont accompagné la genèse des textes, le savant a aussipu être convoqué a posteriori par la critique ou la poétique, pourinterpréter les textes à l'aune de son savoir, qu'il vienne éclairerdes termes rares (comme René Hénane, exégète de Césaire), esquisser undiagnostic ou une analyse des textes en employant ses propres méthodes(qu'on songe aux premiers graphologues), ou jouer, comme le médecin ethomme de lettres Henri Mondor, un rôle de passeur. De leur côté, lespoètes ont mis leur talent au service de la diffusion des sciences etdes techniques, répondant à des commandes ou engageant par eux-mêmesl'éloge, qui d'un Cuvier, qui d'un Pasteur. Enfin, poètes etscientifiques ont fait oeuvre commune à l'Académie, dans des sociétéssavantes ou dans des cercles comme la Commission Internationale deCoopération Intellectuelle à la Société des Nations, et cette liste estloin d'être exhaustive.

Cette journée d'études souhaiteattirer l'attention de spécialistes de littérature et d'histoire dessciences ou de la médecine sur les difficultés que posent de tellescollaborations. Comment expliquer leur faible repérage et la rareté dessources disponibles ? Où chercher des documents pour mieux comprendreleurs enjeux et leur dynamique ? À partir de quelle posturedisciplinaire, ou interdisciplinaire, aborder ces phénomènes de réseau,qui engagent des problématiques liées tout à la fois à la sociabilitéet à la cartographie des pratiques culturelles ? Les propositionspourront être de nature très diverses et porter sur des textes, destravaux, des acteurs et groupements, ou des questions de méthode. Larareté des études disponibles incitera à accueillir des contributionssur des exemples français ou étrangers, des formes et des époquesvariées, du XVIIIe siècle à nos jours. En raison du cadre de la journéed'études, les interventions sur les rapports entre poètes et médecinsseront particulièrement bienvenues.

Organisation

  • Guy Cobolet (Bibliothèque Interuniversitaire de Médecine et d'Ontologie)
  • Laurence Guellec (Université Paris Descartes)
  • Hugues Marchal (Projet ANR « Euterpe », EA 4400 « Ecriture de la modernité », Paris 3-CNRS).

Envoi des propositions (3500 signes maximum) avant le 1er mai 2010.

Contacts : laurence.guellec@parisdescartes.fr ou hugues.marchal@univ-paris3.fr

  • Adresse :
    BIUM - Université Paris Descartes