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Les chantiers de la création en milieu migratoire

Les chantiers de la création en milieu migratoire

Revue Horizons maghrébins - le droit à la mémoire -

Programme des publications de 2009

Les chantiers de la création en milieu migratoire. Migrance, errance, exil...

Responsable : Mohammed Habib Samrakandi

Introduction

Dans une première phase qui fut celle de la colonisation, ce sont les Occidentaux qui quittèrent leurs pays pour aller imposer ailleurs une nouvelle organisation politique et économique. À l'issue des deux guerres mondiales, on a fait appel pour la reconstruction de l'Europe, particulièrement en France, à des migrants originaires de ces pays qui furent employés comme simples travailleurs ou comme main-d'oeuvre bon marché.

À partir de la fin des années 1970, on voit certaines personnes des pays de la rive sud de la Méditerranée entrer en résistance en réaffirmant leur identité religieuse et culturelle pour lutter, en partie, contre une mondialisation envahissante.

Par ailleurs, les nouvelles élites portées au pouvoir après les indépendances n'ont pas produit la réalisation des rêves nationalistes. Il y eut, en conséquence, de nouveaux départs de migrants, pour des raisons économiques, mais également politiques, dans certains cas pour des motifs existentiels. Ces réfugiés politiques, ces migrants économiques ou ces hommes attachés à leurs rêves de découverte d'autres modes d'existence ont été d'abord identifiés par des termes souvent dévalorisants, puis par leur nationalité, plus récemment par leur appartenance religieuse, réalité qui n'était pas perçue auparavant et qui n'est qu'une variable, parmi bien d'autres, d'une identité composite et surtout sans cesse mouvante. En effet, les identités réelles, imaginaires et idéales, autoperçues et hétéroperçues, en interaction permanente entre elles, sont en permanence recomposées.

Les nouveaux migrants vont structurer leur identité sur la base des imaginaires disponibles, qui traduisent la relation de chacun d'entre eux aux réalités effectives du monde qui les entoure. L'identité du migrant varie en réponse aux stratégies d'intégration qu'il développe et selon le milieu qu'il fréquente.

Ces imaginaires collectifs vont se refléter dans les créations artistiques, qui peuvent être extrêmement diverses et plus ou moins métissées d'un créateur à l'autre. Les artistes peuvent évoluer entre le refus complet de toute forme d'occidentalisation culturelle et d'ouverture complète à la société d'accueil. Ils peuvent aussi produire des formes métisses, mais aussi inventer des formes nouvelles.

Comme grille de lecture des créations en milieu migratoire, nous proposons un classement selon quatre imaginaires :

Le quatrième imaginaire, le plus important au moins pour certains groupes, selon Olivier Roy, est ce qu'il appelle la Oumma virtuelle qui s'est créée sur internet. Dans cette Communauté idéalisée, des idéologues prennent le contre-pied de la mondialisation occidentale et ils diffusent une thèse radicalement nouvelle d'une pureté identitaire ou d'une essence intemporelle qui est aussi l'outil de leur résistance. Ils vont alors s'inspirer de l'image plus ou moins déformée de leur « patrimoine », de leurs « traditions », toutes produites dans le présent, sans aucun lien réel avec l'histoire réelle comme dans le second cas.

Les migrants ont toujours le choix d'interpréter les situations qu'ils vivent, selon le principe de réalité ou non, dans des situations locales mouvantes et selon des éléments empruntés à l'un ou l'autre de ces quatre imaginaires, tous construits selon les besoins du moment.

Des concepts pour nommer des territoires de création

Cet appel à contribution a pris forme à partir des expériences de créations initiées par le secteur « Cultures du Monde » du service Art et culture du CIAM de l'Université de Toulouse II-Le Mirail. Les spectacles proposés ont permis de rendre compte de la diversité créatrice et non pas faussement « reproductrice ». Nous avons cherché à présenter des exemples d'hybridation, de métissages, de créolisation ou des synthèses originales.

Pour ce faire, nous nous sommes adressés à des créateurs produisant des oeuvres « glocalisées », à la fois globales et locales, parfois simultanément sédentaires et nomades, « sédentinerrantes » ont pu dire certains, et relevant donc de ce que Jean-Claude Charles appelle l'« enracinerrance ». En effet, sont apparues des créations qui ne sont pas liées à un espace social déterminé et qui se fabriquent en situation de migration, voire de déplacement permanent. Il existe aussi une écriture de la migrance qui se situe entre l'histoire et le corps, l'écriture de « l'Histoire » et celle du sujet. Cette écriture peut prendre le parti des hommes et des femmes qu'on empêche de circuler, qu'on arrête, qu'on refoule ou qu'on enferme, bref de ceux qui souffrent de l'écart entre leurs rêves et les réalités ou des réelles injustices qu'ils peuvent également subir.

Plusieurs des concepts proposés sont délibérément des oxymores. Ils revendiquent cette ambiguïté qui est aussi celle de ceux qui ont perdu leurs racines en situation d'errance et qui se fabriquent de nouveaux imaginaires mixtes. Ils disent à la fois la construction mémorielle plus ou moins approximative des origines et les réalités nouvelles de la migration. Jacques Derrida propose et utilise un autre concept, dans sa recherche autobiographique, celui de « destinerrance ». Il entend par là qu'il peut exister, pour certains, un destin d'errance. Toutes ces notions se démarquent d'autres expressions qui ont été abondamment utilisées et qui continuent à l'être comme celles de « l'écrivain, citoyen du monde », « l'écrivain cosmopolite » ou « l'écrivain sans frontières ». Mais en changeant les paradigmes, on veut simplement signifier qu'il y a, au moins chez certains, une mise en mouvement, dans le langage artistique, des lieux traversés, des cultures rencontrées, des langues données, acquises ou apprises, mais aussi des langues abandonnées ou perdues.

Entre ses racines, réelles ou imaginaires, et l'errance, la langue n'a pas peur des mots des autres. Elle peut s'en saisir en les modifiant dans des flux d'écritures, de signes ou de sons.

Il y a donc des parts variables accordées à l'imaginaire du pays de résidence et à celui du pays d'origine, ce qui se traduit par une plus au moins grande agrégation, donc par une tolérance, ou, à l'inverse, par une séparation ou une fragmentation, par des synthèses plus ou moins résolues ou simplement des juxtapositions hétérogènes, dans une articulation d'échelles entre des plans microsociaux (l'individu et ses groupes de proximité…) et les multiples plans macrosociaux.

Ces plans, selon Amselle, sont en permanente interaction dans l'esprit des individus selon les processus de choix qui indiquent leur plus ou moins grande autonomisation. Dans cette perspective, il est essentiel de noter que l'influence n'est pas à sens unique. Elle est loin d'aller seulement de la culture dominante aux cultures dominées. Et ces effets en retour sont aussi des faits majeurs, même s'ils ne sont pas toujours spontanément visibles. Occasionnellement, nous les mettrons en évidence.

Ce premier dossier sur les créations artistiques en milieu migratoire sera enrichi par un autre consacré à la problématique de la psychologie interculturelle. Cette rubrique fera l'objet d'un appel à contributions prises en charge et sous la responsabilité de nos collègues du département de psychologie.

Les réponses à cet appel doivent parvenir à :

Mohammed Habib Samrakandi, psychosociologue, responsable du secteur « Cultures du monde » au CIAM-UTM :
Direction-rédaction :

habib.samrakandi@free.fr. et habib.samrakandi@univ-tlse2.fr Tél. : 05 61 50 47 95

Demander la fiche technique des conseils aux auteurs auprès de la rédaction.

Premier bilan : le 5 juin 2008. Ne pas dépasser 8 pages avec 3000 caractères avec espace page

Envoi de vos contributions : date butoir : Jeudi 13 novembre2008 ;

Parution : Février 2009

Adresse de la rédaction : Mohammed Habib Samrakandi

Directeur–rédacteur en chef de la revue Horizons Maghrébins - Université de Toulouse II- Le Mirail- 5 Allée Antonio Machado -31058 Toulouse- cedex-09