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Nouvelle parution
Les Carnets du paysage n° 30, «John Brinckerhoff Jackson»

Les Carnets du paysage n° 30, «John Brinckerhoff Jackson»

Publié le par Romain Bionda (Source : Actes Sud)

Les Carnets du paysage n° 30, «John Brinckerhoff Jackson», dir. Jean-Marc Besse, Gilles A. Tiberghien, Actes Sud, 2016.

EAN13 : 9782330066062.

 

Editorial de Jean-Marc BESSE et Gilles A. TIBERGHIEN :

"Les Carnets du paysage proposent un dossier sur l'historien et théoricien du paysage américain John Brinckerhoff Jackson (1909-1996). Il nous a semblé important, à l'occasion de la parution du trentième numéro de la revue, d'évoquer cette figure majeure de la pensée paysagère, encore peu connue en France. Il y a d'abord une raison contextuelle à cela, qui correspond aux évolutions récentes dans la théorie du paysage, en France notamment. La notion de paysage n'est plus, aujourd'hui (si d'ailleurs elle l'a jamais été), réduite aux cadres de la pensée esthétique, ni envisagée uniquement dans les perspectives de l'histoire de l'art. Si, bien entendu, ces dimensions esthétiques et artistiques sont encore activement présentes, sous des formes d'expression très variées et très vivantes (la performance et l'installation in situ, la photographie, le cinéma, etc.), ces dimensions ne sont plus envisagées de façon indépendante. La réactivation et l'émergence de problématiques sociales, géographiques, écologiques ont conduit en effet à rendre les interrogations à propos des paysages plus complexes et plus riches, mais aussi plus urgentes. Et, au fond, l'un des enjeux de l'espèce de déplacement auquel on assiste aujourd'hui serait, précisément, celui de la possible articulation des perspectives artistiques, sociales et écologiques.
Or J. B. Jackson a incarné un courant de pensée qui, sans renier la place essentielle des lectures esthétiques des paysages, a tenté de les relier à d'autres perspectives : l'action, la pratique, la vie des gens, l'histoire du droit et des formes de gouvernement politique, le renouvellement des modes d'occupation des sols dans le monde rural comme dans le monde urbain. Les paysages, pour J. B. Jackson, doivent être envisagés, vus et lus comme des documents dans lesquels l'histoire des sociétés s'est traduite. Ils ne doivent pas, par ailleurs, être pensés comme séparés de la vie ordinaire, comme des objets exceptionnels. Au contraire, ils font partie de l'existence humaine, individuelle et collective, à laquelle ils fournissent une organisation spatiale tout autant qu'un visage et une sorte d'identité. Cette façon de mettre en relation les paysages (en parler toujours au pluriel) avec les univers de la pratique humaine et de l'histoire converge avec le déplacement théorique observé. On peut ainsi trouver dans l'oeuvre de J. B. Jackson des éléments décisifs pour l'approfondissement des enjeux théoriques et pratiques de notre temps.
On a souvent évoqué la place importante que la géographie, d'une part, et le monde des projeteurs et des spécialistes de l'aménagement, d'autre part, avaient tenue dans le développement de la carrière et de l'oeuvre de J. B. Jackson. Quoique d'une certaine façon autodidacte en matière de paysage, il a été très vite en contact, par l'intermédiaire de la revue Landscape, qu'il a créée en 1951 et dont il a été longtemps le principal contributeur, avec les géographes de l'université de Berkeley et un grand nombre de spécialistes et d'intellectuels préoccupés par l'histoire et les transformations des espaces et des faits urbains (parmi lesquels Clarence Glacken, Lewis Mumford, Jean Gottmann, Kevin Lynch, Edward T. Hall, David Lowenthal). La plupart d'entre eux (mais aussi Yi-Fu Tuan, Sigfried Giedion, Reyner Banham, Bruno Zevi, entre autres) trouvèrent dans la revue Landscape un lieu pour publier leurs travaux. Durant toute la fin de sa vie professionnelle, J. B. Jackson a donné des cours, notamment sur l'histoire des paysages américains, à la Graduate School of Design de l'université Harvard ainsi qu'au Collège of Environmental Design à l'université de Berkeley."