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Les allées détournées de la modernité. Entretien avec Laurent Bove (laviedesidees.fr, 3/7/15)

Les allées détournées de la modernité. Entretien avec Laurent Bove (laviedesidees.fr, 3/7/15)

Publié le par Marc Escola

Les allées détournées de la modernité. Entretien avec Laurent Bove

par Ariel Suhamy, laviedesidees.fr, en ligne le 3 juillet 2015

 

Que serait Pascal sans la foi ? Laurent Bove s’est penché sur ces moralistes qui, de Vauvenargues à Camus, ont repensé la doctrine pascalienne de la « seconde nature », la nature après la chute, sous un angle matérialiste et athée, qui retourne le pessimisme religieux en optimisme de l’action.

(Laurent Bove est professeur de philosophie émérite de l’université d’Amiens. Ses recherches portent sur Spinoza, le spinozisme, les moralistes français, l’éthique et la politique à l’Âge classique. Il a notamment publié : La Stratégie du conatus. Affirmation et résistance chez Spinoza (Vrin) ; Vauvenargues ou le Séditieux. Entre Pascal et Spinoza, une philosophie pour la « seconde nature » (Essais, Champion Classiques) ; Albert Camus. De la transfiguration. Pour une expérimentation vitale de l’immanence (Publications de la Sorbonne, La philosophie à l’œuvre). Il collabore à l’édition des Œuvres complètes de Vauvenargues et travaille actuellement à un ouvrage sur L’Œuvre peint de Pierre Bruegel l’Ancien.

Les Pascaliens de l’immanence

Spécialiste du spinozisme, Laurent Bove se consacre aujourd’hui à ceux qu’il nomme des « pascaliens de l’immanence » — Vauvenargues, Camus, mais peut-être aussi le peintre Bruegel — qui ont en commun de penser à partir d’un Pascal teinté de spinozisme. Selon Pascal, la « seconde nature », la nature humaine après la chute due au péché originel, renverse et détruit la première, et la rupture de communication avec l’Être est définitivement consommée. Cette seconde nature – qui est le lieu du primat des corps, du désir, du hasard, des rapports de force, de l’imagination et de la coutume – est un monde dépourvu de principe et de fin. L’activité humaine dé-finalisée, dé-réglée, y est nécessairement traversée par la violence et par l’illusion : « c’est la mort qui mène une vie humaine ».

La singularité philosophique des « pascaliens de l’immanence », c’est, tout en acceptant la radicalité du constat pascalien, de révéler la positivité du négatif. Ils opèrent une sorte de renversement du renversement qui loin de ramener la nature à son principe, ouvre à la réalité puissante de la primauté de la vie et de son affirmation. Ayant perdu son objet, l’activité du désir devient une perfection, une puissance d’agir, une force active de constitution qui construit sans cesse la réalité humaine au bord du vide de nature. L’activité du désir est ainsi production d’être, génération perpétuelle, vertu vivante sur laquelle Vauvenargues comme Camus vont étayer une éthique et une politique pour le courage, ce que Camus nomme « l’âpre éthique des bâtisseurs ».

Pour les pascaliens de l’immanence, c’est donc le « divertissement » qui est le vrai, la véritable puissance constituante de la politique et de l’histoire. Une histoire sans finalité, divisée entre la domination des multiples figures du nihilisme qui la hantent, se l’approprient et l’exploitent, et la résistance à cette domination. Dans cet entretien, Laurent Bove évoque cette voie alternative de la modernité.

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