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Le Vivant

Le Vivant

Revue Romantisme

Société des Etudes Romantiques et dix-neuviémistes


Le Vivant – 2011 (4)

Coordination du numéro : Gisèle Séginger

Dans l'histoire des pensées et des représentations du vivant (dont les premières remontent à l'antiquité), le XIXe siècle marque une étape importante avec la place dominante que prend la physiologie en médecine (mais aussi dans la littérature), le rôle prééminent du modèle organique dans les sciences humaines, le développement de la biologie (qui remet en cause les conceptions du XVIIIe siècle et en particulier l'existence d'une mystérieuse force vitale), le transformisme et l'évolutionnisme qui pensent le vivant dans une histoire longue des espèces en relation avec leur milieu. Ce n'est plus la classification des espèces qui est au centre des débats : Buffon, l'un des premiers, lui a préféré l'étude des évolutions et adaptations. Bichat a particulièrement contribué à donner au champ des sciences du vivant une spécificité en refusant l'emprunt de modèles à la physique et en théorisant l'existence de fonctions propres à la vie.

Certaines notions antérieures (comme celle d'harmonie) glissent d'un champ à un autre (de la philosophie ou de l'esthétique et de la musique à la biologie dans le cas de l'harmonie). De nouveaux concepts sont théorisés (adaptation, sélection, hérédité) parfois dans un débat entre les scientifiques et une confrontation entre des représentations différentes du monde et de l'histoire du vivant. En effet, les représentations du vivant et les modèles de pensée qui s'élaborent dans ce champ impliquent souvent un questionnement religieux, à une époque où certains cherchent du côté de la science des réponses qui permettraient de faire l'économie de l'hypothèse d'une création divine et d'une action de la Providence (le débat sur l'évolution des espèces et ou les réflexions sur la hiérarchie des races chez les naturalistes en donnent l'exemple). Toutefois, malgré de nouvelles découvertes (dans le domaine de la théorie cellulaire et de la chimie organique avec Pasteur), de vieilles conceptions se maintiennent assez longtemps comme l'hétérogénie (génération spontanée) défendue par Pouchet contre Pasteur, ou le modèle mécaniste encore impliqué parfois – ne serait que métaphoriquement – dans les discours sur le vivant (voir Le Traité sur l'hérédité du Docteur Lucas). Il serait donc intéressant d'étudier les formes, les fonctions et les transformations des vieux modèles dans une période où ils sont pourtant largement supplantés par d'autres. La littérature y puise parfois des éléments d'un merveilleux renouvelé (voir Le Docteur Pascal de Zola ou La Tentation de Flaubert) ou d'un nouveau fantastique. Germes, monères, cellules, c'est tout un vocabulaire de l'infiniment petit qui s'invente ou se précise, attirant ainsi l'attention sur l'invisible.

Notre propos ne sera évidemment pas de refaire une histoire des débats mais de repérer plutôt quelques questionnements qui traversent plusieurs disciplines (des sciences à la littérature), de repérer des transferts de modèles de pensée des sciences du vivant vers les textes des historiens, les sciences sociales et la littérature, ce qui implique souvent des présupposés idéologiques (le cas de la circulation du darwinisme jusqu'aux théories sociales et politiques est l'un des exemples les plus importants). Il conviendra de s'interroger sur la force de globalisation des modèles élaborés autour d'une pensée du vivant (évolution et sélection en particulier) et sur leur impact dans la pensée de l'histoire, les sciences sociales mais aussi dans le domaine de la littérature et de la poétique des oeuvres ou des cycles d'oeuvres.

Afin d'éviter une succession d'articles sur des auteurs ou des scientifiques, nous pouvons définir quelques orientations problématiques

1) Conditions d'émergence de nouveaux savoirs du vivant au XIXe siècle (le lien entre le développement théorique et les avancées techniques, ou le lien avec la pensée philosophique et religieuse). Il sera possible d'aborder les travaux en sciences naturelles de Goethe, de Quinet (La Création), les textes de Cuvier, Geoffroy Saint-Hilaire, Lamarck, Pouchet… dans cette perspective.

2) L'imaginaire des sciences du vivant : la part de fiction, de narrativité impliquée dans l'élaboration même des modèles scientifiques de la pensée du vivant.

3) La dimension philosophique, religieuse, idéologique des transferts de modèles dans l'écriture de l'histoire, la pensée politique et sociale.

4) Le rôle des concepts empruntés aux sciences du vivant du XIXe siècle dans l'élaboration de nouvelles philosophies à la fin du XIXe siècle et au début du XXe siècle (Nietzsche, Schopenhauer, Bergson).

5) Les transferts épistémiques de modèles de pensée et de représentations du vivant : les réagencements discursifs, la conversion des modèles et des savoirs en fiction, en poétique narrative, en infra-discours, le rôle de la rhétorique (en particulier des métaphores) dans la mise en texte des savoirs du vivant.

Quelle que soit l'orientation choisie par les auteurs des articles, il conviendra de ne pas perdre de vue que nous aborderons ce vaste sujet – le vivant – d'un angle particulier : celui du rapport entre invention et imaginaire et du transfert entre les disciplines.

Les propositions (titre et brève présentation d'une vingtaine de lignes) sont à envoyer avant le 1er octobre à Gisèle Séginger (gisele.seginger@univ-mlv.fr). La date limite de réception des articles est fixée au 30 avril.