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Le théâtre de Balzac

Le théâtre de Balzac

Publié le par Perrine Coudurier (Source : Agathe Novak-Lechevalier)

Splendeurs d’un parent pauvre ? Le théâtre de Balzac

Journée d’étude 2013

Groupe International de Recherches Balzaciennes

Présidente : Nicole Mozet

CERILAC / Université Paris Diderot

 

S’intéresser au théâtre de Balzac, c’est faire valoir un pan de l’oeuvre qui semble irrémédiablement marginal – comme si le théâtre, éternel « parent pauvre », représentait un à-côté un peu honteux, et ne relevait pour le romancier que de la pure spéculation ou d’un caprice saugrenu. Peut‑être l’oeuvre dramatique gagne-t-elle, dès lors, à se voir réinscrite dans l’horizon plus vaste des tentatives dramatiques avortées des grands romanciers du XIXe siècle. Si en effet Balzac a rêvé de théâtre sans jamais devenir pleinement dramaturge, ni aux yeux de ses contemporains ni pour la postérité, son oeuvre théâtrale ne peut pas être comparée à celle de Stendhal, Flaubert ou Zola. D’abord parce que le théâtre de Balzac existe et s’impose comme une oeuvre véritable : sept pièces complètes (Cromwell, L’École des Ménages, Vautrin, Les Ressources de Quinola, Paméla Giraud, Mercadet ou Le Faiseur, La Marâtre), dont cinq furent jouées de son vivant, sans compter une vingtaine de fragments dramatiques – il n’y a là rien ni d’une ébauche, ni d’un ensemble mineur. Ensuite parce que, si hétérogènes et inégales qu’elles puissent paraître, toutes ces pièces sont intéressantes – Le Faiseur, même, se signalant comme un incontestable chef-d’oeuvre. Enfin, parce que jamais le théâtre ne quittera Balzac, bien au contraire : la correspondance le montre, à la fin de sa vie, délaissant le roman pour se consacrer à la scène et nourrissant l’ambition d’une réforme radicale du théâtre. On peut donc s’étonner de constater la persistance des préjugés que René Guise dénonçait déjà en 1969, et le peu d’études critiques que ce pan de l’oeuvre balzacienne suscite. Il s’agira dès lors aussi, pendant cette journée, d’interroger ce statut marginal du théâtre de Balzac, en cherchant à élucider ce qui motive le désintérêt relatif qu’il inspire et, surtout, en se demandant ce que recouvre la résistance manifeste à l’intégrer dans la logique des oeuvres complètes.

Pour mieux comprendre ce théâtre et en réévaluer l’importance, on s’attachera notamment à :

1) réinscrire Balzac dramaturge dans le champ littéraire contemporain

-       en s’intéressant au dramaturge comme à l’un des « avatars » (J.-L. Diaz) de l’écrivain : quelles sont les modalités, les implications, les défaillances du scénario auctorial que suscite l’écriture dramatique ?

-       en éclaircissant son positionnement : on étudiera dans cette perspective les relations de Balzac avec les acteurs du monde théâtral (dramaturges, critiques, directeurs de théâtre, acteurs…), les pratiques qui sont les siennes (notamment du point de vue financier : négociations de primes record, achats de billets pour contrôler les salles…), les admirations qu’il avoue, les répugnances qu’il professe, mais aussi les directions apparemment divergentes qu’emprunte une oeuvre dont la polygénéricité peut déstabiliser.

-       en analysant la réception critique des pièces : Balzac est-il toujours considéré comme un romancier écrivant pour le théâtre, ou accède-t-il au statut de dramaturge ? à quels autres auteurs dramatiques est-il comparé ?

2) étudier les pièces, puisqu’en dépit de leur intérêt maintes fois proclamé, elles n’ont fait l’objet d’aucune étude systématique. On pourra s’intéresser en particulier :

-       aux thèmes qui leur sont transversaux : les rapports sociaux, l’argent, la place des femmes, la folie, la justice, la paternité… autant de thèmes récurrents, qui permettent aussi de mesurer ponctuellement l’écart entre traitement théâtral et traitement romanesque.

-       à la place et la fonction des références à l’actualité : toutes les pièces de Balzac sont ponctuées d’allusions historiques et politiques – il s’agirait de les élucider, d’en préciser le sens, d’en mesurer l’importance.

-       à la théâtralité de ces pièces : comment Balzac conçoit-il le rapport entre le dialogue et la représentation ? Quelle est la fonction de l’omniprésente métaphore théâtrale ?

3) étudier l’histoire de la rédaction et de l’édition des pièces : Balzac commence son oeuvre d’auteur avec la rédaction d’une pièce (Cromwell) ; il la termine, ou presque, avec ses combats pour faire jouer ses pièces. Entre ces deux repères, Balzac écrit régulièrement pour le théâtre, des pièces entières ou des fragments, effort créateur qui apparaît peu à l’ombre des dizaines de récits ou de romans de La Comédie humaine. On peut s’interroger sur les périodes et les dates de rédaction, tout comme il faut faire le point sur la situation des éditions de ces pièces.

4) étudier l’histoire de leurs représentations : refus de la Comédie-Française, succès au théâtre de la Porte Saint-Martin, censures, acteurs, mises en scène…

5) étudier les adaptations de l’oeuvre romanesque : Balzac a régulièrement envisagé d’adapter son oeuvre au théâtre, beaucoup l’ont fait à sa place. Ces adaptations méritent, elles aussi, d’être étudiées plus systématiquement qu’elles ne l’ont été, parce qu’elles dessinent des lignes de partage génériques et permettent de mieux comprendre la spécificité de la théâtralité des romans.

6) définir une conception balzacienne du théâtre. L’étude interne peut permettre de dessiner en creux sinon une théorie, du moins une conception et une pratique du théâtre qui seraient spécifiques à Balzac. On pourra en particulier s’intéresser aux questions suivantes :

-       y a-t-il un « langage dramatique » (P. Larthomas) balzacien ?

-       quelles fonctions Balzac assigne-t-il à l’écriture théâtrale ? diffèrent-elles, et en quoi, de celles qu’il assigne à l’écriture romanesque ou à sa pratique journalistique ?

-       comment définir le « vrai » dont Balzac fait le principe de la réforme qu’il entend mener au théâtre ? Dans quelle mesure les pièces et les fragments qu’il laisse gardent-ils des traces de cette ambition ? Quelle postérité pour ce théâtre ?

Ces axes ne sont pas exclusifs. La journée d’étude aura lieu le 29 juin 2013 à Paris. Toutes les propositions sont à envoyer avant le 15 janvier 2013 à Éric Bordas (eric.bordas@ens-lyon.fr) et à Agathe Novak-Lechevalier (agathelechevalier@hotmail.com).

Bibliographie indicative

Principales éditions du théâtre de Balzac :

Balzac, Théâtre, dans Oeuvres, t. 28-29, édition établie et présentée par Roland Chollet, Paris, Éditions Rencontres, distribué par Le Cercle du Bibliophile, 1962.

Balzac, Théâtre, dans Oeuvres complètes illustrées, t. 21, 22 et 23, édition établie et annotée par René Guise, Paris, Les Bibliophiles de l’Originale, 1969.

Balzac, Essais dramatiques dans Oeuvres diverses, t. I, Gallimard « Bibliothèque de la Pléiade », édition publiée sous la direction de Pierre-Georges Castex avec la collaboration de Roland Chollet, René Guise et Nicole Mozet, 1990.

Éléments de bibliographie critique :

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ARMSTRONG, Anthony H., « Balzac et Marie Stuart », L’Année balzacienne, n°12, 1991, p. 432-440.

AUTRAND Michel, « Rire et humour dans Le Faiseur », L’Année balzacienne, PUF, 1999, p. 429-438.

BARA Olivier, « Balzac en vaudeville : manipulations et appropriations du roman par la scène parisienne des années 1830 », dans La Scène bâtarde entre Lumières et Romantisme, sous la direction de Philippe Bourdin et Gérard Loubinoux, Clermont-Ferrand, Presses universitaires Blaise Pascal, 2004, p. 91-109.

– « Le champ théâtral sous la Restauration : essais dramatiques et stratégies de conquête du jeune Balzac », Balzac avant Balzac, Claire Barel-Moisan et José-Luis Diaz (dir.), Christian Pirot, 2006, p. 123-138. 

BARTHES Roland, « Vouloir nous brûle… », Essais critiques, Seuil, 1964 [1957], p. 90-93.

BERTHIER Patrick, « Balzac et Arnal, une citation retrouvée », L’Année balzacienne, 1985, p. 335-338.

– « Adieu au théâtre », L’Année balzacienne, n° 8, 1987, p. 41-57.

– « Le spectateur balzacien », L’Année balzacienne, 2000/1, n°1, PUF, p. 279-299.

– « Balzac et le théâtre romantique », L’Année balzacienne, 2001/1, n°2, PUF, p. 7-30.

– « Balzac, de vaudevilles en (mélo)drames », Cahiers du centre de recherches interdisciplinaires sur les textes modernes, n°33, 2005.

BERTHIER Philippe, « La caverne dramatique », dans Le miroir et le chemin: l'univers romanesque de Pierre-Louis Rey, PSN, 2006.

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