28-29 mai 2015
Université d’Uppsala (Suède), Département de langues modernes, Section langues romanes / littérature française
LE THÉÂTRE (CO)SIGNÉ DUMAS : questions spatiales et génériques
Journées d’études financées par Riksbankens Jubileumsfond (The Swedish Foundation for Humanities and Social Sciences)
Organisation : Nicolas Manuguerra & Sylviane Robardey-Eppstein
Comité scientifique : Barbara T. Cooper (Univ. of New Hampshire), Sylvain Ledda (univ. de Rouen), Roxane Martin (univ. de Lorraine), Florence Naugrette (univ. Paris-Sorbonne), Sylviane Robardey-Eppstein (univ. d’Uppsala), Jean-Claude Yon (univ. de Versailles St-Quentin-en-Yvelines), Georges Zaragoza (Univ. de Bourgogne)
PARTICIPANTS :
Julie ANSELMINI (univ. de Caen), Stéphane ARTHUR (Orléans), Olivier BARA (univ. Lyon II), Anne-Marie CALLET-BIANCO (univ. d’Angers), Barbara T. COOPER (Univ. of New Hampshire, États-Unis), Angeliki GIANNOULI (Zakynthos, Grèce), Hélène LAPLACE-CLAVERIE (univ. de Pau), Sylvain LEDDA, (univ. de Rouen), Marion LEMAIRE (univ. Paris 8 Vincennes Saint-Denis), Nicolas MANUGUERRA (univ. d’Uppsala, Suéde), Roxane MARTIN (univ. de Lorraine), Maurizio MELAI (univ. Paris-Sorbonne), Sophie MENTZEL (univ. de Nantes), Florence NAUGRETTE (univ. Paris-Sorbonne), Christine PRÉVOST (univ. d’Artois), Sylviane ROBARDEY-EPPSTEIN (univ. d’Uppsala, Suède), Marie-Pierre ROOTERING (Düsseldorf, Allemagne), François VANHOOSTHUYSE (univ. Paris 3 - Sorbonne Nouvelle), Jean-Claude YON (univ. de Versailles St-Quentin-en-Yvelines), Georges ZARAGOZA (univ. de Bourgogne)
Dans un contexte où se redessine l’historiographie du romantisme théâtral et où la notion même de « drame romantique » est problématisée, le théâtre de Dumas père s’impose comme un objet d’étude majeur et nécessaire. Remarquable par son importance numérique et par son caractère hétérogène inscrit dans la durée – de 1822 (date de rédaction du mélodrame Ivanhoë) à 1870 (arrêt de la rédaction de Joseph Balsamo) –, la production théâtrale dumasienne incite à une exploration autre que sous l’angle strict, jusqu’ici privilégié, d’une dramaturgie dite « romantique ».
L’on se propose d’interroger plus particulièrement les modes de fonctionnement et le traitement de l’espace dramatique dumasien au sens large, c’est-à-dire pris dans la pluralité de ses composantes (textuelles, diégétiques, scéniques, ludiques, spectaculaires, entre autres), afin de mieux comprendre les cadres et les stratégies spatiales mis en place dans les pièces (co)signées Dumas. Ces dernières serviront de vivier et de laboratoire pour évaluer dans quelle mesure l’analyse spatiale peut contribuer à reposer la question générique.
Justiciable, en effet, des voies renouvelées qu’empruntent l’écriture dramatique et la création théâtrale au cours du XIXe siècle, le traitement, dans et par les textes, de l’espace imaginaire ou concret n’est pas, à l’époque, l’expression, le signe et l’apanage du seul « drame romantique » : éclatement de l’unité de lieu, « couleur locale », esthétique du tableau, chronotopes marqués (drames historiques/drames en habit noir, avec leur spatialité inhérente), décors machinés, objets et accessoires marqueurs d’espaces symboliques, métaphoriques ou métonymiques, tensions scène/hors-scène, espace clos/ouvert, scènes d’intérieur/de plein air, proxémique complexifiée, usage des praticables, prise en charge par le texte de la réalisation scénique, etc., sont autant d’expressions et de phénomènes qu’il conviendra d’étudier dans le théâtre (co)signé Dumas pour y détecter des lignes de force, des typicités, des points de rupture, des déviances ou des dévoiements. On espère ainsi revisiter quelques poncifs spatiaux traditionnellement associés au drame romantique pour mieux observer les modalités et le comportement des dispositifs en question dans ce corpus composite, représentatif de l’écriture théâtrale au cours du XIXe siècle.
Étudier le « théâtre de Dumas » implique donc nécessairement une prise en compte d’influences et de pratiques venues d’ailleurs (notamment, mais pas uniquement, celles des collaborateurs des théâtres secondaires). On n’en sous-estimera pas pour autant l’originalité d’un dramaturge qui parfois écrivit seul, parfois garda l’anonyme sous des titres auxquels il avait pourtant mis la main. C’est donc à une production théâtrale plus ample, plus dispersée que celle contenue dans le Théâtre complet qu’il faut songer, sans omettre de considérer que si Dumas a touché à tous les genres, multipliant les formules ou les faisant cohabiter, seule sa production « romantique » (surtout Henri III et sa cour, Antony et Kean) a pu – quoique très relativement – passer outre les oublis de la postérité. Ce simple constat nécessite une réflexion qui semble indissociable de la question générique et du canon, à laquelle l’angle de l’analyse spatiale pourra, on l’espère, apporter des éclaircissements et de nouveaux points de vue. Alors que les études sur le théâtre de Dumas se sont longtemps concentrées sur son rapport à l’Histoire, ses visées sociétales ou ses effets « théâtraux », la question de l’espace et de ses agents appelle, dans les pièces (co)signées par cet auteur précis, de plus amples investigations, à plus forte raison parce qu’on ne peut la réduire aux seules problématiques scéniques, ni aux seules préoccupations du courant romantique, ni encore au seul « drame » comme genre théâtral.
On abordera donc le théâtre (co)signé Dumas au prisme de la composante spatiale, dans le but d’esquisser des réponses à quelques questions fondamentales : est-il possible, à travers l’étude des cadres et des dispositifs spatio-dramatiques, de déceler des pratiques et des stratégies propres à ce théâtre ? Si oui, comment le situer par rapport aux autres productions de l’époque ? Si non, quelles conclusions d’ordre (ou de désordre) générique faut-il en tirer ? Quel rôle précis convient-il de reconnaître au théâtre (co)signé Dumas dans la mise en place d’expérimentations spatio-dramatiques inscrivant le théâtre dans la modernité ?
L’on s’intéressera par exemple
- au degré d’influence et de dissémination, dans les œuvres, de modèles spatio-dramatiques issus de traditions théâtrales étrangères (tragédie grecque antique, théâtre élisabéthain, comedia espagnole, « tragédie romantique » allemande, par exemple), ou nationales (tragédie, comédie, drame bourgeois, vaudeville, mélodrame) ;
- aux frontières poreuses de la triade tragédie-drame-mélodrame, qui, vues sous le prisme de l’espace, interrogent clairement les tensions, les rapprochements, les contaminations génériques ;
- aux rapports ou aux divergences spatio-dramatiques entre les œuvres dumasiennes des années 1830 et celles produites pendant les autres décennies ;
- aux pièces qui sont des réécritures, des adaptations, ou à celles qui entretiennent des rapports intertextuels flagrants avec d’autres productions de l’époque, et à la manière dont les réécritures dumasiennes retravaillent plus ou moins l’espace de ces pièces-sources ;
- à la nature et à la fonction des objets scéniques et des accessoires comme éléments constitutifs de l’espace dramatico-scénique ;
- aux micro/macrostructures qui modèlent le texte dramatique et dessinent ses contours spatiaux ;
- aux rapports et tensions entre l’espace traité par les didascalies et celui qui ressort des didascalies internes (inscrites implicitement dans les dialogues) ;
- à la manière dont les différents types d’espace (diégétique, scénique, etc.) interagissent et à l’influence de ces interactions sur les rouages actionnels et actantiels ;
- à l’impact des remaniements, corrections ou variantes sur l’organisation spatiale des pièces ;
- aux ajustements de l’écriture spatiale en fonction des théâtres auxquels s’adressent les pièces.
À travers cet éventail d’approches possibles dont la liste n’est pas exhaustive et qu’il faudra idéalement croiser, on espère à la fois renouveler les modes d’analyse réservés au théâtre (co)signé Dumas et observer le poids de l’espace dramatique comme outil de compréhension de cette production théâtrale, notamment dans les problèmes qu’elle pose aux catégorisations génériques.
Jeudi 28 mai 2015
Engelska Parken Humanistiskt centrum (Campus des Sciences humaines Engelska Parken), Geijersalen (Amphithéâtre Erik Gustaf Geijer)
8h45 Accueil
9h00 Ouverture et présentation : Nicolas Manuguerra & Sylviane Robardey-Eppstein
9h15 CONFÉRENCE INAUGURALE
Florence NAUGRETTE
Lieu du genre et genres des lieux : topique des espaces dans le théâtre romantique
1. LIRE L’ESPACE PAR LES MANUSCRITS : TRACES, FAÇONNEMENTS, REFAÇONNEMENTS GÉNÉRIQUES ?
Présidence : Hélène Laplace-Claverie
10h00 Olivier BARA
Des traces manuscrites et imprimées à l’espace représenté : archéologie scénique d’Henri III et sa cour
10h25 Roxane MARTIN
Espaces et musique dans La Tour de Nesle : le drame « mélodramatisé » ?
10h50 Discussion et pause
11h20 Marion LEMAIRE
Kean, ou Désordre et génie : la collaboration entre Alexandre Dumas et Frédérick Lemaître et son impact sur le façonnement de l’espace
11h45 Marie-Pierre ROOTERING
La Fille du Régent (1846) devient Le Capitaine Lajonquière (1850) : un nouvel espace scénique pour un nouvel espace dramatique… ou l’inverse ?
12h10 Jean-Claude YON
Les Mohicans de Paris : les espaces politiques du drame dumasien au prisme de la censure
12h35 Discussion
2. STRUCTURATIONS, DÉLIMITATIONS ET DÉFINITIONS DE L’ESPACE : INCIDENCES GÉNÉRIQUES ?
Présidence : Roxane Martin
15h15 Georges ZARAGOZA
Pratique dumasienne du rideau de scène comme outil de la dramaturgie romantique
15h40 Nicolas MANUGUERRA
Para-espaces et praticabilité dans le théâtre de Dumas (autour de 1830)
16h05 Sylvain LEDDA
Un lit, une table, une chaise : « micro espaces » dans le théâtre de Dumas
16h30 Discussion et clôture de la journée
Vendredi 29 mai 2015
Krusenberg Herrgård (Manoir de Krusenberg)
3. LA GÉNÉRICITÉ ENTRE ESPACE HISTORIQUE ET HISTOIRE SPATIALISÉE
Présidence : Olivier Bara
9h30 Stéphane ARTHUR
Les lieux du seizième siècle dans le théâtre de Dumas
9h55 Sophie MENTZEL
Espace et royauté dans le théâtre de Dumas
10h20 Discussion et pause
11h00 Barbara COOPER
Espaces conflictuels dans Richard Darlington et Napoléon Bonaparte : convergences et nuances génériques
11h25 Christine PRÉVOST
La mise en espace du jeu électoral dans Richard Darlington et Catilina
11h50 Discussion
4. ESPACES « ROMANTIQUES » POUR HISTOIRE « CLASSIQUE »
Présidence : Barbara Cooper
13h30 Maurizio MELAI
Caligula, ou de la synthèse rêvée entre tragédie classique et drame romantique
13h55 Angeliki GIANNOULI
L’espace dans L’Orestie de Dumas : de la reconfiguration à la resémantisation
14h20 Discussion et courte pause
5. TENSIONS SCÈNE / HORS-SCÈNE : PAR-DELÀ LES GENRES ?
Présidence : Sylvain Ledda
14h40 Anne-Marie CALLET-BIANCO
D'Édith à Catherine Howard : la construction d'un espace fantasmatique
15h05 Julie ANSELMINI
De Paris à Naples : espaces réel et fantasmatique dans Teresa
15h30 Discussion et pause
16h05 François VANOOSTHUYSE
Scénographies romanesques dans le théâtre d'Alexandre Dumas (1830-1834)
16h30 Hélène LAPLACE-CLAVERIE
En scène et hors-scène dans L’Alchimiste de Dumas et Nerval (1839)
17h55 Discussion
17h05 Synthèse et clôture