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Le Temps guérit toutes les blessures : La Résistance à l’autorité de l’Histoire dans les concepts de nation et de nationalisme

Le Temps guérit toutes les blessures : La Résistance à l’autorité de l’Histoire dans les concepts de nation et de nationalisme

Publié le par Matthieu Vernet (Source : Mark Niemeyer)

Le Temps guérit toutes les blessures : La Résistance à l’autorité de l’Histoire dans les concepts de nation et de nationalisme

 

Journée d’étude à l’Université de Bourgogne (Dijon)

Centre Interlangues : Texte, Images, Langages

Axe Individu et Nation

 

le vendredi 31 mai, 2013

 

Vers la fin de son étude classique, Imagined Communities: Reflections on the Origin and Spread of Nationalism,[1] Benedict Anderson suggère qu’un des mécanismes importants dans la construction de l’unité nationale est une tendance à résister à l’autorité du passé en oubliant—ou plutôt en se souvenant et en oubliant simultanément—des conflits internes déchirants entre des groupes opposés, parfois violemment, et en transformant ces mêmes conflits en disputes internes ou « querelles familiales » qui s’inscrivent ainsi dans le patrimoine culturel national, ou « l’histoire familiale », souvent en contradiction flagrante avec des faits historiques. Anderson cite Ernest Renan, qui, dans sa conférence « Qu’est qu’une nation ? », présente le massacre de la Saint-Barthélemy de 1572 et la croisade des Albigeois du 13ème siècle comme des exemples archétypiques de ce phénomène dans le contexte français. Dans les deux cas, comme le note Anderson, des conflits sanglants sont réécrits comme des « guerres fratricides rassurantes entre—qui d’autres que—des compatriotes français ». Parmi les exemples donnés par Anderson, il y a aussi la conquête normande (où un envahisseur étranger, Guillaume le Conquérant, devient une sorte de « Père Fondateur » de l’Angleterre) et la Guerre de Sécession américaine (où le conflit le plus sanglant de l’histoire américaine est représenté comme une guerre « civile » entre « frères »). Au vingtième siècle, selon Anderson, les représentations « nationales » de la guerre civile espagnole et la guerre civile russe offrent des exemples similaires de réécriture de l’Histoire.

En remettant en question, en explorant et en (ré)évaluant le concept d’Anderson du « fratricide rassurant », cette journée d’étude tentera de se concentrer sur la tendance dans les discours nationaux et nationalistes à résister à l’autorité de l’Histoire. Les questions suivantes pourront être soulevées : (1) Comment ce processus fonctionne-il spécifiquement, soit dans les exemples donnés par Anderson, soit dans d’autres cas concernant la réécriture de conflits « nationaux » ? (2) Quels mécanismes permettent à une nation de mettre en cause l’histoire des différences, des rivalités, des haines, des trahisons ou des guerres antérieures et de les transformer en disputes simultanément oubliées et remémorées par les membres de la « famille » nationale ? (3) Combien de temps doit-il s’écouler avant que soit possible un tel processus ? (4) Une telle transformation peut-elle toujours être effectuée ou existe-il des « blessures » nationales inguérissables ? N’est-il pas parfois tout simplement impossible de résister à l’autorité des faits du passé ?

Les communications (en français ou en anglais) relevant de différentes disciplines (histoire, littérature, sciences de l’éducation, sciences politiques et bien d’autres encore) porteront sur les concepts de « fratricides rassurants » et de résistance à l’autorité de l’Histoire. Comment, donc, une telle résistance peut-elle servir à renforcer l’unité nationale et à construire l’identité nationale en créant un récit national, apparemment harmonieux ? Et, au contraire, comment cette résistance peut-elle parfois viser un but irréalisable (et irréaliste ?), celui de transformer des conflits en image d’un passé national commun, chéri par les membres de la communauté nationale ?  Les propositions de communications (une page au maximum) seront envoyées à Mark Niemeyer (mark.niemeyer@noos.fr) avant le 30 novembre. 

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Time Heals All Wounds:

Resisting the Authority of History

in the Concepts of Nation and Nationalism

 

Journée d’étude at the University of Burgundy

Centre Interlangues : Texte, Images, Langages

Axe Individu et Nation

Friday, May 31, 2013

 

          Near the end of his now classic study, Imagined Communities: Reflections on the Origin and Spread of Nationalism,[2] Benedict Anderson suggests that one powerful mechanism in the construction of national unity is a tendency to resist the authority of the past and to forget—or rather to simultaneously remember and forget—former divisive conflicts between often bitterly opposed groups and to recast these conflicts as internal disputes or “family feuds” that become inscribed as part of the national heritage or “family history,” often flying in the face of the facts of history to do so.  He cites Ernest Renan’s mention in his lecture “Qu’est qu’une nation” of the Saint Bartholomew Day’s massacre of 1572 and the Albigensian Crusade of the early thirteenth century as archetypical French examples of this phenomenon.  In both cases, Anderson notes, bloody conflicts were rewritten as “reassuringly fratricidal wars between—who else?—fellow Frenchmen.”  Other examples offered by Anderson include the Norman Conquest of England (in which an invading foreigner, William the Conqueror, is transformed into a sort of “Founding Father” of England) and the American Civil War (in which the bloodiest conflict in the history of the United States is represented as a “civil” war between “brothers”).  In the twentieth century, he suggests, similar processes of rewriting history can be seen in the “national” presentations of the Spanish Civil War and the Russian Civil War.

          In part through an examination, exploration and (re)evaluation of Anderson’s concept of the “reassurance of fratricide,” this journée d’étude will focus on the tendency in all types of national and nationalistic discourse to resist the authority of history.  Questions that can be explored include: How, specifically, does this process function, either in the examples provided by Anderson or in other cases of similar rewritings of conflictual “national” episodes?  What mechanisms enable a nation to challenge the history of previous differences, rivalries, hatreds, betrayals or wars and transform them into simultaneously forgotten/remembered disputes among members of the same national “family”?  How much time must pass before such a process is possible?  Furthermore, can such a transformation of earlier conflicts always be effected, or are some national “wounds” simply incapable of being healed, is it sometimes, in fact, simply impossible to resist the authority of the facts of the past?

Papers (in either English or French) in the areas of history, literature, education, political science or other disciplines should focus on some aspect of the concepts of the “reassurance of fratricide” and the resisting of the authority of history as it is used to help strengthen national unity and mold national identity in order to create an, apparently, harmonious national narrative, or, on the contrary, as it seems to present an unrealizable (and unrealistic?) goal of transforming conflict into an image of a nation’s common and cherished past.  Proposals (one page maximum) should be sent to Mark Niemeyer (mark.niemeyer@noos.fr) by November 30.  

[1] Anderson, Benedict.  Imagined Communities: Reflections on the Origin and Spread of Nationalism.  Rev Ed.  London: Verso, 2006.  Traduction française : L’imaginaire national : réflexions sur l’origine et l’essor du nationalisme.  Trad. Pierre-Emmanuel Dauzat.  Paris : La Découverte Poche, 2002.  Voir surtout le chapitre 10 : « Mémoire et oubli ».

[2] Anderson, Benedict.  Imagined Communities: Reflections on the Origin and Spread of Nationalism.  Rev Ed.  London: Verso, 2006.  See especially chapter 11: “Memory and Forgetting.”

 

  • Responsable :
    Mark Niemeyer
  • Adresse :
    Université de Bourgogne, Dijon