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Le suicide : question individuelle ou sociétale ? Suicide: individual or societal question?

Le suicide : question individuelle ou sociétale ? Suicide: individual or societal question?

Publié le par Florian Pennanech (Source : les doctorants du Centre Michel de l'Hospital (CMH))

Colloque international pluridisciplinaire

12-13 juin 2014

Clermont Ferrand

 

Appel à contribution / Call for papers

 

Dans le cadre d’un colloque de portée internationale, les doctorants du Centre Michel de l'Hospital (CMH) et du Centre de Recherches sur les Littératures et la Sociopoétique (CELIS) se proposent d’aborder le thème du suicide par un biais pluridisciplinaire.

 

Le suicide est un phénomène qui n’épargne aucune culture, aucun âge, aucune condition sociale et aucun sexe : qu’y a-t-il de plus universel et pourtant de plus occulté que le suicide ?

 

C’est une banalité intéressante à rappeler : l’individu ne choisit pas de naître ; si la vie est considérée comme un don aussi mystérieux que précieux, le suicide est naturellement vécu et perçu d’emblée comme un drame incompréhensible : pourquoi donc vouloir délibérément s’ôter la vie ?

 

Mais il est aussi un tabou social qu’il faut taire et esquiver davantage encore que la simple mort : comment accepter que la volonté soit en effet dirigée vers l’inexistence, que l’instinct de survie devienne un désir de mort ?

           

La réaction la plus spontanée consiste à chercher la cause de cet acte fatidique dans une faiblesse physiologique ou un trouble du discernement ; il est légitime et quelque peu rassurant de réduire le suicide à une pathologie en montrant que c’est une faillite de la vie, un manque de santé ou un déséquilibre psychique, qui a conduit à la mort ; si dans certaines conditions le suicide est en effet un événement brutal et insensé qui aurait pu et doit être évité par des mesures de prévention relevant des politiques de santé publique, une question mérite cependant d’être posée : n’y a-t-il que de « mauvais » suicide ?

 

La mort, l’événement le plus individuel qui soit, doit-elle être évaluée à l’aune de valeurs générales et contrôlée par des interdictions publiques ? D’un point de vue strictement moral, la réponse s’impose avec trop d’évidence : un geste ultime qui enlève la possibilité même de remédier à une souffrance et qui ne peut faire advenir aucun avenir doit être tenu comme un mal radical et absolu.

 

Cependant, sans même faire l’apologie du suicide, certains philosophes et littérateurs n’ont pas trouvé de raisons de se suicider dans un mal-être devenu invivable, mais dans un impératif d’existence supérieur et une affirmation particulière de la liberté individuelle ; ils ont ainsi donné une positivité esthétique, philosophique, éthique ou politique, à l’annihilation de soi, trouvé une signification dans la perte de tout sens : il faut interroger les modalités de ce suicide commis au nom d’une plénitude de l’être et d’une conception de la vie qui se prétend élevée et lucide : comment devenir soi-même en supprimant ce soi-même ? Et après le suicide, qu’advient-il de ceux qui restent ?

 

Moyen de contestation ou expression d’appartenance (suicides collectifs), tour à tour fascinant et stigmatisé, maintenant des relations ambiguës avec les valeurs sociales et pénales (le suicide assisté considéré en France comme homicide), le suicide ne cesse d’interroger et d’imprégner l’imaginaire collectif. Ce phénomène, problématique et pourtant constant chez l’être humain, semble remettre en cause la notion de communauté et de cohésion.

 

Les oscillations des conceptions criminologique et victimologique n’ont eu de cesse au cours de l’histoire de ponctuer un acte personnel. En 2007, l’affaire Vincent Humbert positionne le suicide comme débat social. La réprobation sociale a longtemps conditionné cet acte, mettant un terme à la vie, au rang d’infraction pénale. En 1810, le Code Pénal français met un terme à cette pénalisation du suicide. « En Angleterre, précise George Minois dans Histoire du suicide : La société occidentale face à la mort volontaire (1995), la dépénalisation est très tardive : les sanctions religieuses ne sont abolies qu’en 1823, et les sanctions civiles en 1870. Il faut attendre 1961 pour que le suicide ne soit plus considéré comme un crime ».  Mais cette dépénalisation du suicide n’a pas stoppé les nombreuses interrogations et réflexions que cet acte suscite encore. Ainsi, les formes d’euthanasie ou d’assistance au suicide sont actuellement condamnées en France.  La cour européenne des Droits de l’Homme a déclaré que le suicide n’entre pour l’instant dans le champ d’aucun Droit de l’Homme alors que certains pays comme les Pays-Bas ou le Luxembourg autorisent le suicide assisté ou le suicide actif. En France, le Comité Consultatif National d’Ethique a rendu en juillet 2013 son rapport recommandant de ne pas légaliser l’assistance au suicide ou l’euthanasie.

 

Si le suicide entretient l’intérêt de la recherche universitaire, il semble pourtant n’avoir pas livré tous ses secrets. La recherche en psychologie et sociologie a élaboré une base à la réflexion et mis en place une approche scientifique qui semble prévaloir jusqu’ici.

 

Ce colloque se propose de poursuivre le questionnement sur le suicide à travers une perspective pluridisciplinaire, notamment la philosophie, l’histoire, le droit, la littérature, la médecine et autres, afin d’en dégager plus globalement les enjeux et les contradictions, et d’en apprécier les différentes facettes, de sa répression institutionnelle à ses représentations les plus fantaisistes en passant par sa réappropriation individuelle au nom d’idéaux divers.

 

Quelques orientations non exhaustives peuvent être envisagées :

 

  • Philosophie/Histoire du suicide ;
  • Suicide et décision/répression (interdits actuels autour du suicide : suicide des enfants/adolescents ou des personnes âgées) ;
  • Représentations/Scénarisations du suicide dans l’art et la littérature ;
  • Au nom de quelle valeur morale ou sociale interdire le suicide ? Pourquoi mettre en place une politique de Santé publique de prévention des suicides ? Sur quel fondement ?

 

 

This international symposium is organized through the joint efforts of the Ph.D. students of the Centre Michel de l'Hospital (CMH) and of the Centre de Recherche sur les Littératures (CELIS). Its aim is to discuss suicide as an interdisciplinary topic.

Suicide is a phenomenon present in all cultures irrespective of age, gender or social class. In fact, is there any other incident that is more common and yet more concealed?

Perhaps it is not pointless to recall a truism: no individual chooses to be born and if life is seen as a mysterious and precious gift, then suicide is naturally perceived as an incomprehensible drama: why would one be willing to take their life?

 

But suicide is also a social taboo to be concealed and eluded more than death: how to accept that one can hanker for nothingness, thus turning survival instinct into a death wish?

 

As an immediate reaction to suicide, one sets out to unravel the cause of this fateful act. Psychological weakness or clouded judgment? Either way, it is normal and somewhat reassuring to play suicide down as a pathological condition due to poor health or to a mental illness. If, under certain circumstances, suicide is a brutal and senseless event to be fought against by taking preventive measures through public health campaigns, a question still arises: could there be suicide that is not in the wrong?

 

Should death – the most intimate event on an individual level – be evaluated against general values and should it be publicly prohibited? From a moral point of view, the answer is more than obvious: the ultimate gesture that takes away any opportunity to alleviate suffering and consequently robs the individual of any future is to be regarded as an absolute evil.

 

Nevertheless, without advocating suicide, some philosophers and writers failed to find the cause for suicide in an unbearable malaise. Instead, they postulated that suicide reflects a higher existential imperative and a particular way of claiming individual freedom. By attributing a certain aesthetical, philosophical, ethical or political positivity to self-annihilation, they found signification in the absence of any meaning. Therefore, it is legitimate to inquire into the reasons behind suicide seen as a life concept or as a means of reaching a fullness of being: how to become oneself by eliminating the self? And what happens to those who are left behind?

 

Means of contesting or of expressing belonging (collective suicides), alternately fascinating and stigmatized, not on a par with social and legal values (assisted suicide is considered homicide in France), suicide continues to puzzle and impregnate the collective imagination. This problematic and yet constant human phenomenon seems to challenge the notions of community and cohesion.

 

Historically, fluctuating notions like criminology and victimology have constantly been used in connection with this individual act. In 2007, the Vincent Humbert case provoked a social debate about suicide. Conditioned by social reprobation, suicide was deemed a criminal offense for a long time. In 1810, the French Penal Code abolished this equivalence. “In England, this abolition was a tardy decision: religious sanctions existed until 1823, while civil sanctions until 1870. It wasn’t until 1961 that suicide stopped being considered a crime”, Georges Minois pointed out in his Histoire du suicide: La société occidentale face à la mort volontaire (1995). However, these actions did not end the continual questioning and thoughts about suicide. In fact, euthanasia and assisted suicides are currently condemned in France. The European Court of Human Rights has yet to include suicide among the other human rights, while countries such as the Netherlands or Luxembourg authorize assisted suicide or active suicide. In France, the National Consultative Ethics Committee issued a report recommending that euthanasia or assisted suicide not be legalized.

 

If suicide has aroused a lot of academic interest, its secrets have yet to be revealed completely. Psychological and sociological research developed a common basis for reflection and a scientific approach still prevailing.

 

This symposium aims to pursue the questioning from a multidisciplinary perspective encompassing philosophy, history, law, literature, medicine and other fields of knowledge, so as to shed more light on the various issues and discrepancies of suicide as well as on aspects such as its institutional suppression, its most eccentric representations and its individual reclamation in the name of different ideals.

             

A few non exhaustive aspects could be considered:

- Philosophy and History of suicide;

- Suicide and decision/repression (current taboos against suicide: infant/teenage suicide or elderly);

- Suicide representations in arts and literature;

- In the name of which moral or social value can we forbid suicide? Why set up a public health policy to prevent suicides? On what grounds?

 

Comité scientifique / Scientific committee : 

 

Pascale Auraix-Jonchière, Pr Littérature française

Philippe Bourdin, Pr Histoire moderne

Baptiste Boyer, Dr Médecine légale

Anne-Blandine Caire, Pr Droit privé

Charles-André Dubreuil, Pr Droit Public

Pierre Ganivet, Mcf Histoire du Droit

Laurent Gerbaud, Pr Service de santé universitaire

Pierre-Michel Llorca, Pr Psychiatrie

Catherine Milkovitch-Rioux, Mcf Littérature française

Saulo Neiva, Pr Littérature portugaise et brésilienne

Bertrand Nouailles, Agrégé et Dr en Philosophie

Jean-Baptiste Perrier Mcf Droit Pénal

Agnès Roche, Mcf Sciences Politiques

 

 

Comité d’organisation / Organising committee : Caroline Crépiat, Anaïs Gayte, Alice Juliet, Camille Moisan, Grégory Bouchaud, Gheorghe Derbac.  

Ce colloque est ouvert à tous les chercheurs (doctorants, Mcf, Pr....).

Prière d’adresser les propositions de contribution (500 mots maximum) par courrier électronique à / Please submit your abstract (no more than 500 words) by e-mail:

 

 doc.acdd.celis@gmail.com avant le 1er décembre 2013.

 

 

Date limite de réponse et de confirmation / Deadline of acceptance : 31 janvier 2014.

 

Bibliographie sélective / Selected bibliography

BACQUÉ, Marie-Frédérique (dir.), La Médecine face à la mort : Alliance ou combat ?, Paris, L’Esprit du Temps, 2013.

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BRAUD, Michel, La tentation du suicide dans les écrits autobiographiques 1930-1970, Paris, PUF, coll. « Perspectives critiques », 1992.

CHARAZAC-BRUNEL, Marguerite, Prévenir le suicide : clinique et prise en charge, Paris, Dunod, 2002.

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COMITE CONSULTATIF NATIONAL D'ETHIQUE,  «Fin de vie, autonomie de la personne, volonté de mourir», Avis n°121, 01/07/2013.

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