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Appels à contributions
Le style du Code civil

Le style du Code civil

Publié le par Matthieu Vernet (Source : Marion Mas)

Centre de ressources Jacques Seebacher

Équipe de recherches CERILAC

 

 

Le style du Code civil

Journée d’études interdisciplinaire

12 février 2015, Université Paris Diderot

 

 

Si l’on en croit ce qu’il écrivait à Balzac en 1840, Stendhal, « en composant La Chartreuse, pour prendre le ton », lisait « chaque matin deux ou trois pages du Code civil. » L’anecdote est très connue.

Bien que le droit soit l’une des premières disciplines à quitter le domaines des belles lettres et des sciences morales et politiques pour prendre son autonomie, on observe pourtant, d’emblée, comme un rapport de nécessité entre le droit et la littérature. Par exemple, le Code civil est réécrit en vers par des juristes prosélytes afin d’en faciliter la mémorisation par les étudiants, mais encore afin de le rendre accessible à tous, y compris aux femmes – nul n’est censé ignorer la loi. Ainsi, en 1811, D***, ex législateur, s’emploie-t-il à mettre « le Code Napoléon en vers français » pour « graver dans la mémoire avec plus de succès / Les principes fixés du droit civil français / Et jusques au beau sexe, ouvrir une carrière, qui, pour lui, ne doit plus demeurer étrangère ».

Portalis, dans le Discours préliminaire du projet de Code civil, rappelle que le droit se construit dans la dialectique de la doctrine et de la jurisprudence, car « Tout prévoir est un but qu’il est impossible d’atteindre ». Cette ouverture offre au Code civil la possibilité de « fixer les maximes générales du droit ; d’établir des principes féconds en conséquences ». Le Code est donc conçu à la fois comme une œuvre systématique et une oeuvre ouverte, appelant intrinsèquement dialogue et réécritures.

Parmi les réécritures du Code, on peut distinguer : les réécritures juridiques, destinées aux professionnels (exégèses du Code article par article et commentaires pédagogiques des cours de droit civil ; recueils de jurisprudence), les réécritures « mixtes » destinées à un plus large public (les mises en vers du Code par exemple, ou encore les « factums », mémoires judiciaires comprenant un exposé des faits, publiés dans le cadre d’une action en justice par l’une ou l’autre des parties en vue de soutenir son bon droit ou de réfuter les prétentions de la partie adverse), et enfin, les réécritures littéraires. Celles-ci se partagent encore entre textes qui pastichent le Code civil (on songe à la vogue des Codes Raisson par exemple) et mises en fiction du Code civil, dont certains titres ou articles deviennent des ressorts, voire des structures  narratifs (la transaction, l’héritage, le divorce…).

Si l’étude des rapports entre droit et littérature est bien avancée pour ce qui concerne l’Ancien Régime, il manque une réflexion d’ensemble sur le XIXe siècle, qui naît pourtant avec le code civil (1804). La journée d’études « Le Style du Code civil » se propose de mettre en relief les articulations entre droit et littérature au XIXe siècle, en questionnant les particularités d’écriture et le style du Code civil. Car indéniablement, il y a un style du Code civil (celui de 1804), que Stendhal n’est pas le seul à percevoir : Bentham, Proudhon, Thiers pour ne citer qu’eux, louent ce « chef d’oeuvre de la législation » pour sa limpidité, son unité, sa méthode. Dans un article intitulé « L’art d’écrire la loi », le juriste Gérard Cornu a montré que le Code civil n’était pas dénué d’effets littéraires. Les propositions de contributions pourront s’inscrire dans les axes suivants :

Le(s) style(s) du Code civil. On pourra étudier le (les ?) style(s) du Code civil à partir du texte de loi même. Ou encore, se demander dans quelle mesure ses diverses modalités de réécritures permettent d’identifier un style du Code civil et quelles questions idéologiques ou philosophiques y sont liées.

Le Code civil, une œuvre en dialogues. On s’attachera à mesurer les effets et les enjeux des diverses stratégies de réécritures : fonctionnent-elles comme suppléments au Code ? Évaluation juridique? Mise à l’essai ? Mise à l’épreuve ? Dans quelle mesure les divers commentaires du Code civil produisent-ils des effets de distorsion, voulus ou non, en fonction de leurs destinataires et des genres dans lesquels ils s’inscrivent ?

Écrire la loi. Comparer réécritures juridiques et réécritures littéraires serait également bienvenu. On pourrait notamment se demander dans quelle mesure le style du Code civil permettrait de définir une voix de la loi ou bien si, au contraire, ses réécritures ne soulignent pas l’impossibilité d’une telle entreprise. Cela inviterait alors à questionner les protocoles d’institution du discours, en droit et en littérature.

 

Comité scientifique : Paule Petitier, Stéphanie Smadja, Marion Mas

 

Les propositions sont à envoyer à marion.mas@u-pec.fr et à paule.petitier@univ-paris-diderot.fr avant le 30 novembre 2014.