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Le sens du social (revue Romantisme 2017/1)

Le sens du social (revue Romantisme 2017/1)

Publié le par Marc Escola (Source : Éléonore Reverzy)

« Le sens du social »,

Romantisme 2017/1

Dossier placé sous la responsabilité de Paul Aron et de Jean-Pierre Bertrand

 

Depuis les années 1960 au moins, se défend l’idée que la littérature (on pense au courant réaliste et au roman, mais rien n’exclut a priori d’autres genres) apporte un regard proprement sociologique sur le monde. Le plus souvent implicite, mais parfois aussi revendiquée par les écrivains eux-mêmes, cette sociologie peut prendre la forme d’une critique du monde social, à tout le moins d’une analyse de ses luttes et de ses divisions.

C’est en 1963 qu’une proposition originale d’une « sociologie par la littérature » a été avancée par le sociologue américain Lewis Coser qui affirmait que la sociologie, tout en conservant sa spécificité et son autonomie, pouvait trouver un allié dans la production littéraire.

Pierre Lassave évoque ainsi à partir des années 1970 la consolidation d’un régime d’interférences entre la sociologie et la littérature, signifiant qu’un dialogue s’est résolument noué entre ces deux modes de restitution de la réalité sociale. Aux côtés d’une sociologie de la littérature qui prend pour objet les conditions de la création et de la réception littéraires s’est ainsi développée depuis quelques décennies l’idée d’une sociologie par la littérature qui consiste pour la discipline sociologique à stimuler sa réflexion à partir des œuvres littéraires. Jacques Dubois, depuis son essai sur Proust, a avancé quant à lui les notions de « sens du social » et de « sociologie implicite » dont feraient preuve certains romanciers.

Mais il existe un autre enjeu qui concerne la recherche sociologique comme le défendent Barrère et Martuccelli. Selon eux, les œuvres littéraires peuvent en effet contenir des éléments soit empiriques soit de réflexion théorique utiles à la construction d’une démarche de recherche en sociologie. On peut alors trouver dans les œuvres littéraires des préfigurations de problématiques qui émergent ou qui n’ont pas encore été systématisées, ce qui donne tout son sens à une « sociologie par la littérature » (songeons par exemple au corps, aux relations entre hommes et animaux, à la pauvreté, aux exclusions sociales). La thématisation des conditions de production des œuvres autant que celle de leurs usages collectifs alimentent ce sociologisme spontané, qui annonce souvent ce que seront les approches de la sociocritique et de la sociologie de la littérature.

Le présent numéro de Romantisme invite à réfléchir sur les liens, supposés ou réels, entre écrivains et sociologues au XIXe siècle, de Balzac à Proust : soit que ces liens sont rapportables aux états d’avancement d’une discipline émergente et contemporaine de l’essor du réalisme, d’Auguste Comte à Emile Durkheim, Gabriel Tarde etc…  ; soit que les écrivains ont eux-mêmes produit un regard sociologique porteur en soi d’un véritable dispositif cognitif, dont on se demandera s’il n’est pas aussi à l’œuvre dans d’autres genres comme la poésie, le journal, le théâtre ou la correspondance.

 

Orientation bibliographique 

Angenot, Marc,1889. Un état du discours social, Longueuil, Le Préambule, 1989

Anheim, Étienne, Lilti, Antoine (dir.), Annales. Histoire, Sciences sociales (2010/2) : « Savoirs de la littérature »

Barrère Anne, Martuccelli Danilo, Le Roman comme laboratoire. De la connaissance littéraire à l’imagination sociologique (Villeneuve d’Asq, Presses universitaires du Septentrion, 2009).

Coser Lewis A., Sociology Through Literature. An Introductory Reader [1963] (New Jersey : Prentice-Hall, 1972).

Cros, Edmond, « Sociologie de la littérature », dans Marc Angenot, Jean Bessière, Douwe Fokkema, Eva Kushner (dir.), Théorie littérature, Paris, PUF, 1989, p. 127-149.

Dubois Jacques, Pour Albertine. Proust et le sens du social (Paris : Seuil, 1997) ; Les Romanciers du réel. De Balzac à Simenon (Paris : Seuil, 2000) ; Stendhal. Une Sociologie romanesque (Paris : La Découverte, 2007).

Duchet, Claude, « Réflexions sur les rapports du roman et de la société », Roman et société, publications de la Société d’Histoire littéraire de la France, Armand Colin, 1973, p. 63-73 ; « Aspects du "discours social" dans Madame Bovary », Journée de travail sur Madame Bovary, Société des Etudes Romantiques, Nizet, 1973, p. 67-71 ; « Une écriture de la socialité », Poétique, n° 16, 1973, p. 446-454 ; « Le Journal des Goncourt ou la terreur dans les lettres », Les Frères Goncourt : Art et écriture, édition préparée par Jean-Louis Cabanès, Presses universitaires de Bordeaux, 1997, p. 115-135. 

Pascal Durand, Mallarmé. Du sens des formes au sens des formalités, Paris, Seuil, « Liber », 2008.

Lassave Pierre, Sciences sociales et littérature. Concurrence, complémentarité, interférences (Paris, PUF, 2002).

Popovic, Pierre, La Mélancolie des Misérables. Essai de sociocritique, Montréal, Le Quartanier, « Erres Essais », 2013.

 

Sitographie :

http://ressources-socius.info/

http://www.site.sociocritique-crist.org/

http://contextes.revues.org

 

Les propositions d'article sont à adresser avant le 30 juin 2016 à Paul Aron (paron@ulb.ac.be) et à Jean-Pierre Bertrand (JP.Bertrand@ulg.ac.be). Les articles définitifs, qui ne devront pas excéder 30 000 signes espaces comprises, sont attendus pour le 15 octobre 2016.