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Le réel invisible. Le magnétisme dans la littérature (1780-1914)

Le réel invisible. Le magnétisme dans la littérature (1780-1914)

Publié le par Marc Escola (Source : Victoire Feuillebois)

 

Ouvrage collectif dirigé par Victoire Feuillebois (Université de Tours) et Émilie Pezard (ENS-Lyon), pour la série « Écriture du xixe siècle » dirigée par Christian Chelebourg (Minard / Classiques Garnier)

 

Le xixe siècle est le siècle du magnétisme : l’intérêt scientifique soulevé par les travaux du médecin Anton Mesmer dans la décennie 1770 et l’engouement qui en résulte dans les lettres et le mouvement des idées marquent « la fin des Lumières », selon la formule de Robert Darnton. Des baquets de Mesmer aux expériences de Charcot à la Salpêtrière, la longévité et la diversité de la curiosité pour le magnétisme dans la vie scientifique et culturelle entre 1780 et 1914 soulignent que la notion même de magnétisme est particulièrement labile : l’échange d’un fluide invisible entre des corps ou des objets donne lieu à de multiples interprétations, qui sont autant de manières de comprendre l’envers de la réalité visible.

Sujet central de l’œuvre, allusion ou métaphore, le magnétisme irrigue toutes les formes de littérature, indépendamment des hiérarchies traditionnelles. Il fournit un nouveau type de personnage à la littérature populaire, du Centenaire de Balzac au Régiment des hypnotiseurs de Gustave Le Rouge, en passant par Joseph Balsamo de Dumas, mais il laisse aussi sa marque dans tout un pan de la littérature plus légitime, de Jean Lorrain à Maupassant en passant par Théophile Gautier. Ce volume a pour but d’étudier la façon dont le magnétisme inspire la littérature du xixe siècle, en suscitant des débats dont elle se fait l’écho et en informant en profondeur son imaginaire.

 

La réflexion pourra ainsi s’inscrire dans les axes suivants :

Littérature et sciences

Perspective historique et questionnements typologiques

De Mesmer jusqu’à l’hypnose et le sommeil cataleptique, l’hypothèse magnétique réapparaît sous des formes très diverses tout au long du siècle et intervient à la frontière avec d’autres pratiques qui excèdent le domaine de la science (spiritisme, occultisme) : la littérature se fait l’écho de cette diversité, mais elle permet aussi de mettre en tension le caractère scientifique du magnétisme en confrontant des acceptions et des pratiques variées autour d’un terme unique. Comment la littérature reflète-t-elle l’évolution des conceptions du magnétisme ? En quoi se fait-elle la chambre d’écho des recherches scientifiques de son temps ? Quel magnétisme ou quels magnétismes la littérature du xixe siècle reflète-t-elle ?

Perspective épistémologique et questionnements heuristiques

Les œuvres ne se contentent pas de refléter une mode, mais participent à la réflexion spéculative sur ce modèle scientifique : la littérature du magnétisme met par exemple en scène une interrogation sur le vrai et le faux, sur l’apparence spectaculaire et sur la vérité qu’elle recouvre et propose ainsi une réflexion sur les critères de scientificité en convoquant des figures qui peuvent être perçues comme des charlatans. Comment la fiction, par la réflexion qu’elle propose, alimente-t-elle les débats sur le magnétisme ? Dans quelle mesure la réception des récits sur le magnétisme influe-t-elle sur la perception publique de cette discipline ?

 

Poétique du magnétisme

Questionnements génériques : le magnétisme entre renouveau des codes et perturbation des catégories traditionnelles

La présence du magnétisme en littérature pose un problème générique particulier, puisqu’il contribue à la fois à renouveler des thématiques déjà présentes dans la tradition littéraire, tout en brouillant les frontières génériques dans lesquelles ces thématiques s’inscrivent : le magnétisme permet ainsi de renouveler les codes du fantastique en donnant une forme scientifique au topos ancien de la possession démoniaque et inaugure une des formes du « merveilleux scientifique » qui se développe au tournant du xixe et du xxe siècle. Cependant il peut aussi intervenir dans un roman historique (Joseph Balsamo) ou dans une étude de mœurs (Ursule Mirouët). On pourra donc s’interroger sur la manière dont le magnétisme en littérature permet de renouveler des structures ou des thèmes existant dans des cadres génériques précis et dont il déplace les codes traditionnels. Dans quelle mesure le magnétiseur peut-il par exemple recouvrir les figures du sorcier ou du savant fou ? Quelles nouvelles lectures produit-il de ces figures et quelles perturbations génériques introduit-il dans l’espace littéraire auquel elles appartiennent ?

Questionnements narratifs : la relation et la scène magnétiques

La fascination durable qu’exerce le magnétisme repose notamment sur la puissance inouïe que la maîtrise des forces magnétiques confère à un individu. La métaphore du serpent et de l’oiseau, récurrente dans la littérature, figure le joug de cette puissance absolue : de même que le serpent fixe l’oiseau d’un œil fascinateur qui l’empêche de s’échapper, le magnétiseur dépossède un autre individu de son intention, de sa volonté ou de sa conscience. Cette puissance est ambivalente : à la fin du siècle, des auteurs comme Jules Claretie (Jean Mornas) ou Pierre Decourcelle (Le Crime d’une sainte) imaginent la possibilité d’un crime par hypnose, tandis qu’E.T.A. Hoffmann ou Edgar Allan Poe élaborent des figures de médecins magnétiseurs qui peuvent agir sur leurs patients avec une force évoquant une puissance surnaturelle. L’étude pourra porter sur les personnages du magnétiseur et du sujet magnétisé, ainsi que sur le défi littéraire que représente le récit de la scène magnétique : par quels procédés la narration et la description peuvent-elles prendre en charge de révéler l’action des puissances magnétiques et d’en mettre au jour les effets ? Quels codes d’écriture et de représentation sont convoqués pour évoquer cette scène ?

Questionnements esthétique : le magnétisme comme métaphore

À un niveau microtextuel, on pourra enfin étudier les nombreux emplois figurés du magnétisme dans la littérature. Cette valeur métaphorique atteste la capacité de cette pseudo-science à informer les imaginaires du xixe siècle. Le magnétisme peut ainsi figurer, dans les récits hoffmanniens, les processus de la création littéraire ; il peut devenir, dans des romans populaires, l’image de la relation érotique. De quoi le magnétisme est-il la métaphore ? Sur quels aspects du magnétisme repose cette valeur métaphorique ?

 

Les propositions devront parvenir sous forme d’une problématique résumée (5.000 signes, espaces compris) accompagnée d’une courte biographie. Elles sont à transmettre avant le 1er décembre 2015 par courriel aux deux adresses suivantes :

emiliepezard@yahoo.fr et victoire.feuillebois@gmail.com

Les articles acceptés par le comité scientifique seront remis pour le 15 juin 2016.