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Appels à contributions
Le récit au théâtre, Loxias, n° 12

Le récit au théâtre, Loxias, n° 12

Publié le par Camille Esmein (Source : Odile Gannier)

Appel à contribution Loxias 12 (15 mars 2006): « le récit au théâtre »
Hélène Baby, Odile Gannier.
"Théâtre, récit, hybridation générique".

Tout le monde connaît, sinon par sa teneur exacte, du moins par son titre, le fameux « récit de Théramène », présenté dans toutes les anthologies dramatiques comme le modèle de la narration sur la scène classique française. Raconter la mort d'un jeune homme traîné par des chevaux effrayés par un monstre marin s'explique aisément en 1677, d'abord par la difficulté matérielle de la représentation d'une telle scène, ensuite par les exigences de l'unité de lieu.
Mais le récit ne naît pas avec Théramène, et ne meurt pas avec Hippolyte D'abord, parce que le récit au théâtre n'a pas seulement pour fonction de traduire, pour les besoins d'une vraisemblance stricte, un ailleurs et des événements difficilement représentables sur scène. Ensuite, parce que l'événement narré est l'un des éléments essentiels sur quoi s'appuie l'événement représenté.
Car la narration choisit aussi de relayer un espace et des événements imaginaires, sur le mode de l'hallucination, de la rétrospection, de la vision prophétique, de la reconstitution. « C'était pendant l'horreur d'une profonde nuit », dit Athalie en 1689, « Voici comme tout s'est passé et jamais je n'invente », dit le mendiant de l'Électre de Giraudoux en1937.
Elément constitutif du langage dramatique, la narration au théâtre, convoquant dans le champ du discursif, l'hétérogénéité du récit, creuse, par le choc de ces deux modes de la mimésis (dramatique versus épique), un trou noir dans la fiction. Car l'espace-temps invisible et convoqué par le récit est, a priori, d'un point de vue théorique, plus crédible que l'espace-temps représenté, qui s'offre à la vue du spectateur dans le criant artifice à la fois des décors et des châssis coulissants, et de la temporalité imaginaire des entractes passés au buffet du théâtre.

Il serait précisément intéressant de mettre ce présupposé théorique à l'épreuve des différents genres et des différentes formes de la narration : le récit remplit-il toujours cette fonction d'accréditation de la fiction ? Peut-il, au contraire, et dans quelles conditions, la frapper de déréalisation ? En actualisant l'événement et le personnage absent, l'hypotypose ne frappe-t-elle pas de virtualité l'événement et le personnage présent ?
Outre ce questionnement théorique, principalement lié à la vraisemblance théâtrale, l'on pourrait penser au récit comme à un précieux indicateur générique. Faisant peut-être apparaître des éventuelles constantes, comme le récit de la mort violente à l'acte V signalant la tragédie, la technique du récit peut fonctionner comme un discriminant générique. Il serait bon alors d'envisager, dans un corpus donné, les critères de fonctionnement du récit : le personnage du narrateur, l'événement raconté, la vision relatée, le moment du récit dans la fiction, leur nombre, leur longueur
L'étude du récit au théâtre gagnerait aussi à être conduite dans une perspective diachronique : car les différentes utilisations de la narration, par le théâtre humaniste, comme dans Les Juives de Garnier, par le théâtre baroque en 1630, par le théâtre racinien à la fin de l'Âge classique, par le théâtre de Voltaire à l'époque des Lumières, par le drame romantique d'un Hugo, ou d'un Musset, par les tragédies existentielles de Camus, de Sartre, traduisent sans aucun doute les évolutions théoriques essentielles de la théâtralité. Ce que l'on raconte sur scène, et comment on le raconte, devenant peu à peu ce que l'on dit à autrui, puis ce que l'on se dit
Bien sûr non exhaustives, ces quelques pistes se veulent des indicateurs, et en aucun cas des bornes à la réflexion : le théâtre français ne sera pas seul interrogé, toute analyse comparatiste étant évidemment bienvenue.

Etant données les conditions de publication (en ligne), les propositions de contribution sont attendues pour le 15 décembre 2005 au plus tard. Les articles retenus seront fournis pour le 30 janvier 2006 dans le respect impératif des normes typographiques indiquées dans les « Indications aux auteurs ». Les articles ne respectant pas ces conditions minimales de présentation seront renvoyés pour correction, et selon les délais, refusés.
Adresser les propositions à gannier@unice.fr