Collectif
Nouvelle parution
Le Préconstruit. Approche pluridisciplinaire

Le Préconstruit. Approche pluridisciplinaire

Publié le par Université de Lausanne (Source : Directeur d'ouvrage)

Référence bibliographique : Le Préconstruit. Approche pluridisciplinaire, Sous la direction de Florent Bréchet, Sabrina Giai-Duganera, Raphaël Luis, Agathe Mezzadri et Solène Thomas, Classiques Garnier, collection "Rencontres", 2017. EAN13 : 9782406068068.

 

« Actes secrets, involontaires, invisibles impressions », la définition que Joseph Joubert donnait du « préjugé », convient au phénomène plus global du préconstruit, tant celui-ci renvoie au fonctionnement de l’inconscient collectif. Qu’il prenne la forme du stéréotype, du préjugé, du lieu commun, de l’idée reçue, ou encore du cliché, le préconstruit véhicule des formes et des contenus déjà construits, mais dont la source n’est pas ou plus identifiable.  

 

Le préconstruit est donc aisément reconnu, toujours identifiable, mais sans que l’on sache exactement pourquoi, ni comment. Mémoire sans conscience de l’origine, éclatée en clichés, stéréotypes, doxa, lieux communs, a priori, idées reçues, ou encore locutions figées, le préconstruit est omniprésent, mais fugace, sans cesse convoqué et pourtant résistant à la conceptualisation.

Le préconstruit serait-il donc impossible à théoriser ? Le présent ouvrage fait le pari inverse. Rédigé par les spécialistes de toutes les disciplines convoquées il propose de mieux cerner une notion difficile à saisir, et qui influence pourtant chacun de nos actes de pensée et de langage.

 

Résumés des contributions :

Marie-Anne Paveau, « Le préconstruit. Généalogie et déploiements d’une notion plastique ». La notion de préconstruit a connu un important succès dans les disciplines du texte et du discours. Cet article propose d’en retracer la généalogie et d’en décrire la richesse et la complexité depuis la proposition marxofreudienne de Paul Henry et Michel Pêcheux en 1975, au croisement du discours, de l’inconscient et de l’idéologie. Il vise aussi à formuler les questions linguistiques posées par le préconstruit : son analysabilité, sa nature d’effet de discours, ses fondements cognitifs, son ancrage culturel.

Jérôme Thélot, « Le préconstruit et la poésie ». L’histoire humaine est une écriture constituée par la violence du préconstruit qu’il revient à l’activité poétique de désécrire, c’est ce qu’on peut inférer de la pensée de Rousseau. Le « préconstruit », c’est la malédiction par laquelle l’histoire est toujours déjà usurpation et inégalité, pouvoir d’énonciation si défectueux que s’ensuit, comme disait Breton, « la médiocrité de notre univers ». Désécrire l’histoire, défaire ce qui a été fait, dédire la violence, est le projet poétique par excellence : on peut l’appeler la démalédiction.

Stéphane Vinolo, « éloge du préconstruit. Contre la virginité du monde ». La conception traditionnelle du préconstruit l’envisage toujours comme une erreur. Source des idées reçues et des amalgames, le préconstruit est toujours condamné au nom des concepts bien définis, des idées claires et précises. Néanmoins, nous montrons ici que non seulement le préconstruit peut être sauvé du point de vue pratique, mais qu’il doit aussi l’être du point de vue épistémologique puisque lui seul nous permet de saisir les phénomènes qui ne peuvent être soumis aux lois du concept et de la connaissance.

Ala Eddine Bakhouch, « Le préconstruit dans le discours scientifique. Modalisations sémantiques (et) modalisations praxématiques ». L’objectif de ce travail est de mener une réflexion sur le « préconstruit académique », (dimension subjective dans l’analyse du discours scientifique et la question de l’engagement du chercheur. se en SHS). En effet, étant inscrit dans la matérialité langagière, il dépend d’une « compétence encyclopédique » (traitement pragmatique) présente dans les présupposés construits par le discours lui-même via l’argumentation (traitement logico-pragmatique). L’étude prend appui sur une base de données de discours scientifiques, Scientext.

Ruth Amossy, « Le préconstruit dans les débats : la question des argumentaires ». Comment le préconstruit nourrit-il les argumentaires qui construisent l’espace public ? Par quels biais organise-t-il le processus de raisonnement et de communication ? Cet article se propose de répondre à ces questions en utilisant l’exemple du discours de délégitimation d’Israël ; en revenant sur la tension entre analyse du discours et argumentation rhétorique, on cherchera ainsi à dégager un espace de définition théorique des rapports entre préconstruit et argumentaires.

Anne Herschberg Pierrot, « Préconstruit et idées reçues ». Cet article a pour ambition d’interroger la relation entre idée reçue et préconstruit, problématisée par Flaubert dans son Dictionnaire des idées reçues. En s’attachant notamment à la mise en scène de la circulation de la parole dans le monde contemporain, Flaubert rapproche en effet l’idée reçue du mode d’engendrement du mythe, traversé par des croyances et des paroles d’autorité. C’est ce processus que cette contribution se propose d’analyser.

Laurence Kaufmann, « Les voix de la déférence. Quelques réflexions sur la félicité des énonciations publiques ». Les sciences sociales ont montré que le sens de nos actions et de nos énonciations ne relève ni du langage privé, ni de l’accord intersubjectif. Par définition, les membres d’une collectivité déférent, cognitivement et sémantiquement, à un ensemble de préconstruits dont l’architecture devient particulièrement apparente dans les situations d’infélicité publique. C’est cette architecture que ce chapitre se propose de déployer.

Anne-Charlotte Husson, « Du déjà-donné du sens à sa mise en conflit. Homophobie et homophobe comme mots-arguments ». Cet article traite du phénomène de préconstruction du sens dans une perspective à la fois discursive et argumentative. Il s’agit de rendre compte de la façon dont un contenu sémantico-argumentatif peut se fixer dans certaines unités lexicales, les mots-arguments, ce qui confère à ces unités le statut d’argument en elles-mêmes. L’article s’appuie sur un corpus portant sur les mots-arguments homophobie/homophobe dans la polémique sur le genre en France dans les années 2010 (2011-2014).

Thomas Pierre, « Par-delà les antinomies de la sociologie : une réalité sociale préconstruite ». Cette contribution interroge le statut épistémologique du préconstruit en sociologie. La notion de préconstruit permet d’apaiser les antinomies traditionnelles des problématiques praxéologiques et anthropologiques de la discipline. Elle appartient au champ épistémologique du constructivisme sociologique et permet de développer une sociologie qui s’ouvre autant au déterminisme qu’au libre arbitre, autant aux états réflexifs des acteurs qu’aux états non réflexifs des agents.

Violaine Géraud, « Le Barbier de Séville comme métacomédie. La dérision du préconstruit dans la littérature du second degré ». Dans sa première comédie, Le Barbier de Séville, Beaumarchais reprend délibérément les topiques comiques les plus éculées, et surtout l’argument convenu du barbon amoureux du tendron. Il exploite des airs connus pour en faire de nouvelles chansons ; il utilise en sous-titre le cliché de La Précaution inutile, qu’il transforme en ariette qui parodie le genre pastoral ; il s’amuse des citations pour en faire des clichés ; il joue sur des expressions consacrées ou des proverbes qu’il se plaît à réécrire. En répandant partout la gaieté, il exploite tout ce que la comédie a de préconstruit, et convoque topiques et poncifs pour les railler. Il instaure ainsi une réflexivité constante, par laquelle il met à distance ses propres effets et s’auto-parodie. Il écrit au second degré de sorte qu’il invente ce que nous pouvons appeler une « métacomédie ». Dans celle-ci, l’ironie d’auteur, qui s’exerce tous azimuts, entraîne une déconstruction ludique du préconstruit qu’elle exhibe. Cette littérature au second degré révèle une philosophie émancipatrice : un désir de déstabiliser l’ordre établi, de changer le monde.

Anne Boisseuil, « Le préconstruit dans la psychanalyse ». Le préconstruit en psychanalyse s’intéresse à la transmission psychique inconsciente et aux différentes manières dont le bébé reçoit ce qui lui est transmis. La transformation psychique est un concept psychanalytique que nous allons travailler au regard de préconceptions psychiques transmises et de leurs modalités d’appropriation par le bébé.

Laetitia Bibié-Emerit, « La préconstruction technolangagière dans les souhaits d’anniversaire sur Facebook ». Dans cet article nous souhaitons présenter un aspect de la préconstruction lié directement au contexte numérique dans lequel il se manifeste. Il s’agit d’une forme de préconstruction technodiscursive en ligne. Nous le rapprocherons de ce que Marie-Anne Paveau a nommé la technologie discursive (2006-2013) et les formes technolangagières du discours (2012). Cet aspect du préconstruit se situe en réalité en amont, puis autour du langage lui-même dont il conditionne l’apparition. Nous illustrerons ce phénomène de préconstruction au travers de l’exemple des souhaits d’anniversaire sur Facebook.