Actualité
Appels à contributions
Le naturalisme spiritualiste ou le retour de l'âme dans la littérature fin de siècle

Le naturalisme spiritualiste ou le retour de l'âme dans la littérature fin de siècle

Publié le par Florian Pennanech (Source : M. Cedergren, M-C Cadars)

Le naturalisme spiritualiste

Appel à contributions pour articles

Date limite : 20 octobre

Ouvrage collectif : Le naturalisme spiritualiste ou le retour de l'âme dans la littérature fin de siècle

En 1891 apparaît pour la première fois le terme de « naturalisme spiritualiste » dans la littérature française, à travers le célèbre ouvrage de Huysmans, Là-Bas. C'est en admirant le tableau de la Crucifixion de Grünewald, dans lequel Durtal voit « une description sublime de la souffrance humaine » que le concept de naturalisme spiritualiste naît et prend forme.

L'idéal de ce nouveau concept est avant tout pictural. Comme l'écrira Vincent Petitjean, le « réalisme anatomique de Grünewald touche au surnaturel, la vision de l'excès restitue l'invisible. Les douleurs de l'âme se matérialisent dans celles du corps ». [...]. « [C]e "réalisme surnaturel", cette "vie véridique et exsurgée", "la divine abjection de Grünewald" poussent Huysmans et son personnage dans leurs retranchements, forcent leur "logique" pour aboutir "au catholicisme du Moyen Âge, au naturalisme mystique" ». Le Moyen-Âge devient de fait, une mine inépuisable de symboles au service de cette nouvelle esthétique car il permet de dépasser une transcription mimétique du monde réel. C'est ce qui fera dire à Jean-Pierre Guillerm que le « Moyen Âge se constitu[e] ainsi comme lieu du dépassement de la représentation mimétique que d'autres cherchent aussi, au même moment, dans le champ du Symbolisme littéraire et pictural ». Aux frontières du naturalisme mystique se situe donc le naturalisme d'un côté et le symbolisme de l'autre.

Mais s'il est suscité par l'émotion artistique et qu'il touche à la sensibilité esthétique chez Huysmans, le naturalisme spiritualiste repose également sur des concepts philosophiques importants. La pensée krausiste, (chez les auteurs espagnols), la montée d'un catholicisme social pour ne citer que ces aspects philosophiques modernes, oeuvrent à l'avènement de ce nouveau mouvement littéraire qui s'avère soutenu tant par des considérations esthétiques que par des aspirations idéologiques nouvelles.

Comme nous l'avons soulevé précédemment, le naturalisme spiritualiste se situe à l'intersection de plusieurs mouvements littéraires. Pour n'en citer que deux, le naturalisme et l'occultisme, on notera comment Strindberg, dans sa correspondance, s'est rapproché du naturalisme sprititualiste en prenant justement la dénomination de « naturaliste-occultiste ».

C'est peut-être Marina Bernardi - si l'on exclut Durtal, le porte-parole de Huysmans dans Là-Bas - qui est parvenue à décrire, avec le plus de précision, l'esthétique du naturalisme spiritualiste dont elle aura défini le concept avec ces mots : « une pratique esthétique qui exploite le cadre représentatif naturaliste pour atteindre une instance sur-naturelle, pour faire fonctionner ce même cadre représentatif en sens fantastique ». D'aucuns semblent d'accord pour entrevoir dans cette esthétique un dépassement du naturalisme en essayant de briser l'équation entre le signifiant et le signifié et en rejetant l'illusion naturaliste de la représentation mimétique. Dit autrement, le naturalisme spiritualiste vient donc révéler au moyen d'éléments concrets une réalité surnaturelle. En définitive, les incursions dans les différents domaines du supraréel supplantent la description mimétique du réel, de nouvelles formes de spiritualité prennent le pas sur un système figé de pulsions, d'hérédité et de déterminisme, en un mot, l'âme réintègre le corps du héros romanesque pour en dire la richesse et la complexité.

Cette nouvelle esthétique surgit au début des années 1890 et apparaît comme la propriété exclusive de Huysmans. Mais qu'en est-il en réalité ? Ne retrouve-t-on pas justement, à la même époque, l'esprit et les méthodes du naturalisme spiritualiste en Europe ? Tant la pensée krausiste chez Pérez Galdós ou Clarín que le supranaturalisme de Strindberg illustrent déjà, à eux seuls, le développement de cette nouvelle esthétique en dehors des limites de l'hexagone. Et pourtant, peu d'études se sont consacrées à approfondir cette nouvelle esthétique alors qu'elle semblait révolutionnaire à l'époque en s'insurgeant alors contre l'esthétique dominante du naturalisme. Pour mieux cerner l'étendue de ce courant littéraire, Il semble opportun de dégager, sur un plan culturel et temporel, la naissance, l'exploitation, le rayonnement et le devenir de cette esthétique dans la littérature tant française qu'européenne. Né à la suite du naturalisme et allant à la rencontre du symbolisme et du décadentisme sans y être toutefois assimilé, le naturalisme spiritualiste ne semble pourtant pas avoir survécu longtemps dans la littérature française. Inspiré des méthodes naturalistes et des sciences positives et an nonçant, sans y céder, les thèmes et style du symbolisme et du décadentisme, le naturalisme spiritualiste semble n'avoir été qu'une étape éphémère dans la littérature française. À ce sujet, ne faut-il pas se demander si la vague de littérature catholique, née au tournant du siècle, ne serait pas un avatar de cette esthétique huysmansienne ? Il serait tout aussi pertinent de se demander dans quelle mesure le symbolisme s'écarte du naturalisme spiritualiste. Parallèllement, il faudrait aussi analyser la relation ambivalente qu'entretient le naturalisme spiritualiste avec le naturalisme pour mieux cerner les contours de cette nouvelle esthétique.

Pour répondre, en partie, à ces questions, une étude approfondie de la critique littéraire de l'époque s'impose. Les questionnements soulevés par cette nouvelle esthétique n'ont pu échapper à l'oeil critique des revues littéraires de l'époque. Tout comme il faudrait se pencher sur les idéologies et les pensées philosophiques de la société des années 1890 pour mieux comprendre le contexte socio-historique dans lequel a émergé cette nouvelle esthétique. Finalement, si cette parenthèse littéraire n'a été l'objet que de très peu d'études, c'est sans doute, en partie, dû à l'absence de définition tant générique que programmatique de cette esthétique, que celle-ci soit donnée par la critique ou les écrivains, ainsi qu'à la méconnaissance de son rayonnement en Europe. Une approche de la critique et de la production littéraire européenne de l'époque devrait, par conséquent, nous donner des éléments précieux pour saisir le contenu et l'étendue de cette nouvelle approche et ainsi appréhender sa réception dans les oeuvres contemporaines.

En vue d'éclaircir l'esthétique et l'idéologie du naturalisme spiritualiste, nous attendons des études approfondies de chercheurs ou/et d'enseignants universitaires en vue de publier un ouvrage collectif. Nous souhaitons recueillir des propositions d'articles dont les sujets aborderont, principalement mais non exclusivement, l'un des cinq axes suivants :

La conceptualisation du naturalisme spiritualisme - Problèmes théoriques de définition et de délimitation entre les notions de naturalisme, naturalisme spiritualiste et symbolisme. En quoi le naturalisme mystique était-il révolutionnaire ?

L'étude de la critique littéraire - Quels enjeux sont-ils soulevés dans les revues de l'époque par cette nouvelle esthétique ? Quels sont les acteurs principaux ayant participé au débat du naturalisme spiritualiste ? En quoi le naturalisme spiritualiste répond-t-il, ou non, à un horizon d'attente ?

L'exploitation du naturalisme spiritualiste dans les oeuvres littéraires françaises. Comment est exploitée, stylistiquement, cette esthétique dans l'oeuvre catholique de Huysmans ? Y a-t-il des successeurs ou des précurseurs de Huysmans en France ? L'art primitif constitue-t-il la source unique/primaire à partir de laquelle le naturalisme spiritualiste vient puiser et se développer ?

Le rayonnement du naturalisme spiritualiste en Europe. Quels sont les écrivains européens (et oeuvres) qui peuvent être rattachés à ce courant esthétique et idéologique ? Sont-ils des disciples de Huysmans ou ont-ils, simultanément à Huysmans, chercher un « dépassement du naturalisme » ?

Mort ou survie du naturalisme spiritualisme ? Quel fut finalement le devenir de cette nouvelle esthétique en France et en Europe ? La littérature occultiste, voire sataniste, n'aurait-elle pas préparé la voie au Naturalisme spiritualiste avant que ce dernier ne cède, à son tour, le pas à la littérature catholique ? En quoi ces courants littéraires se distinguent-ils ? ? Comment expliquer finalement l'effacement du naturalisme spiritualiste ?

Prière de soumettre vos propositions d'articles (maximum 3000 mots) accompagnées d'un CV, avant le 20 octobre aux adresses de courriel suivantes :

mccadars@aol.com

mickaelle.cedergren@fraita.su.se

Les propositions d'articles peuvent être soumises dans les langues suivantes : français et anglais.

Date (préliminaire) de soumission des articles (maximum 30 000 signes) : 15 mars 2010

Date de parution prévue en 2011

Vincent Petitjean, « De chair et de saint : Huysmans et Gilles de Rais », dans Entre Dieu et Diable. Littérature et spiritualité. Etudes réunies par François Jacob et Pierre Nobel. Paris, L'Harmattan, 2003, p. 234-235.

Jean-Pierre Guillerm, « D'A Rebours à Sainte Lydwinede Schiedam. Huysmans et les Primitifs d'une esthétique future. » pp. 127-136. Cahiers de recherches médiévales.

Lettres de Strindberg à Torsten Hedlund, no 3305 et no 3419, T. XI

Bernardi, Marina. « L'écriture msie en cadre : l'esthétique du naturalisme spiritualiste à travers le discours pictural de J.-K. Huysmans », Il confronto letterario, anno XIV, n 28, nov 1997, p. 452.