Questions de société

"Le mouvement étudiant en Allemagne : Humboldt occupe les amphis !", par A. Lechevalier (blog d'Alternatives économiques, 30/11/09)

Publié le par Bérenger Boulay (Source : Pascale Dubus)

Voir aussi le dossier Education is not for sale

Arnaud Lechevalier est maître de conférences à l'Université de Paris 1et chercheur au Centre Marc Bloch (Centre franco-allemand de rechercheen sciences sociales à Berlin). Il enseigne actuellement à l'UniversitéEuropéenne de la Viadrina (Francfort sur l'Oder). A l'articulation dessciences économiques, politiques et de la sociologie, ses travauxportent sur l'évolution des systèmes sociaux en Europe (emploi etprotection sociale), notamment dans le cadre d'une approche comparativefranco-allemande.


Le mouvement étudiant en Allemagne : Humboldt occupe les amphis ! par Arnaud Lechevalier

http://alternatives-economiques.fr/blogs/lechevalier/2009/11/30/le-mouvement-etudiant-en-allemagne-humboldt-occupe-les-amphis/

Laréforme des études universitaires en cours actuellement en Allemagnes'inscrit dans le cadre d'un processus déjà à l'oeuvre dans la plupartdes pays européens conformément à la stratégie dite de Bologne. Encela, le mouvement de protestation des étudiants, qui dure depuisplusieurs semaines outre-Rhin, est plus généralement révélateur desévolutions imprimées à l'université en Europe. Reste à comprendrepourquoi c'est en Allemagne que les étudiants se mobilisent.


Origines et gestion du conflit

Encette fin novembre, le mouvement de protestation des étudiantsallemands perdure. Apparu au printemps dernier, il a été relancé cetautomne, à partir de l'Autriche, avant de s'étendre à nouveau à laplupart des Länder. Il a donné lieu à plusieurs journées demanifestations, avec un moment fort le mardi 24 novembre. Sur lacentaine d'universités que compte la République Fédérale, une vingtainefont toujours l'objet d'occupations de locaux (symboliquement ici : legrand amphithéâtre), qui ne paralysent pas pour autant l'ensemble desactivités d'enseignement. Les organisations d'étudiants ont annoncé une« semaine d'action » à l'échelle fédérale pour la semaine débutant le30 novembre. Elles mettent en avant trois revendications principales :la révision des modalités de mise en oeuvre de la réforme des étudesconformément au processus de Bologne (Bachelor-Master-Doktorat),à laquelle elles réclament d'être associées ; la pénurie durable demoyens ; la remise en cause des frais d'inscriptions, introduits danscertains Länder, et plus généralement le refus de la soumission del'enseignement supérieur à une logique systémique de concurrence et derentabilité.

Dans un contexte où le Bund s'est départi del'essentiel de ses pouvoirs en matière d'enseignement supérieur, àl'exception partielle du financement – comme pour les « initiativesd'excellence » ou certains programmes de recherche – et où laconcurrence entre les Länder se fait plus vive[1],la gestion du conflit donne lieu à un jeu de rôle où chacun des acteursresponsables cherche à passer aux autres la « patate chaude ». Le Bundse tourne vers les Länder, qui eux-mêmes reprochent au Bund de lesétrangler financièrement. Les Länder, regroupés à l'échelle fédéraledans le cadre de la « conférence permanente des ministres del'éducation et des affaires culturelles », en appellent à laresponsabilité des établissements d'enseignement supérieur, quieux-mêmes, par l'intermédiaire de la Hochschulrektorenkonferenz (la conférence des Présidents d'université), qui leur sert de porte-parole, mettent en cause les Länder.

Jusqu'àprésent bien considéré par les faiseurs d'opinions, l'une desoriginalités de ce mouvement de protestation est qu'il donne lieu à unfestival de déclarations d'assentiment parmi les responsables. AnnetteSchavan, la Ministre de l'éducation et de la recherche à l'échellefédérale, tout en soulignant les réussites de certains cursus rénovés,partage certains « soucis » des étudiants et attend des Länder qu'ilsmettent en oeuvre rapidement les correctifs annoncés par la résolutiondu 16 novembre dernier (voir plus loin). Elle a annoncé parallèlementune augmentation des bourses et une extension de leur conditiond'attribution. Pour un peu la Chancelière irait elle aussi manifesteravec les étudiants : dans un discours prononcé il y a quelques jours,elle a glissé que si la mise en oeuvre du processus de Bologne étaitirréversible des aménagements étaient tout autant nécessaires. De leurcôté, le SPD, les Grünen et die Linkesoutiennent les principales revendications des étudiants. Certainsprésidents d'universités, à l'image de Christoph Markschies, lePrésident de la Humboldt à Berlin, ont également fait part de leur« compréhension » en ce qui concerne les critiques adressées à laréforme des études.

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