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Le mariage dans la littérature narrative avant 1800

Le mariage dans la littérature narrative avant 1800

Publié le par Marielle Macé


LE MARIAGE DANS LA LITTERATURE NARRATIVE AVANT 1800

XXIe Colloque de le SATOR

Université Paris 7-Denis Diderot

Organisation : Guiomar Hautcoeur et Françoise Lavocat

5-6-7 Juillet 2007


Ce colloque se propose d'étudier la place, la représentation et la fonction narrative du mariage dans le roman depuis le Moyen âge jusqu'à la fin du dix-huitième siècle. Conclusion obligée des contes et des comédies, le mariage constitue, à première vue, un dénouement traditionnel pour le roman, qu'il s'agisse du « roman héroïque », du « roman sentimental » ou du « roman de formation ». Le roman grec lègue à l'Europe moderne un modèle de récit où le mariage constitue la fin des aventures, indéfiniment retardée et cependant inévitable. Pourtant, le refus du mariage, motivé par des raisons idéologiques, religieuses, morales, dicté par une stratégie déceptive à l'égard du lecteur ou par le choix de l'inachèvement, caractérise de nombreuses oeuvres romanesques avant 1800.
L'Astrée d'Honoré d'Urfé (ce colloque coïncidant avec le quatre centième anniversaire de la parution du premier livre), illustre cette ambivalence, que ce soit à travers l'interminable idylle d'Astrée et de Céladon travesti, l'opposition du libertin Hylas ou l'inégalité de rang qui s'oppose à l'union de Diane et de Silvandre.

- Le mariage comme dénouement topique et comme marqueur générique

Dans la continuité du colloque de la SATOR de 1993, on pourrait tout d'abord s'interroger sur le mariage comme dénouement. Comme le fait remarquer Marco Fantuzzi, le mariage, « point mort » qui aimante toutes les aventures des protagonistes du roman baroque, recèle une grande variété de potentialités narratives . On s'interrogera sur le traitement, le contournement de cette ambivalence. La répétition, par exemple, semble être une des modalités favorites du dénouement matrimonial : dans l'Aramena d'Anton Ulrich (1669), pas moins de vingt-sept couples convolent !
Quel genre de roman se conclut par un mariage (unique, double, multiple) ? Peut-on déterminer des époques, des formes romanesques (au sens où l'on parle, par exemple, de roman héroïque) où cette conclusion est systématique, où elle joue, peut-être, le rôle de marqueur générique, par opposition, par exemple, à la nouvelle tragique ? Les réécritures, les suites des romans inachevés (comme celles de l'Astrée d'Honoré d'Urfé ou de la Diana de Montemayor), qui conduisent les héros au mariage, sont certainement l'indice d'une attente du public ; cette adéquation soulève d'autant plus d'interrogations qu'elle implique paradoxalement une dévaluation du roman à fin heureuse, alors que ce n'est jamais le cas pour la comédie.
On pourra également se demander dans quelle mesure ce type de dénouement est l'aboutissement d'une tension, une résolution savamment ménagée par le récit, ou s'il intervient uniquement pour clôturer, de façon plus ou moins abrupte, les péripéties.
Une certaine attention mérite aussi d'être accordée à la formulation même de cette conclusion, à son caractère stéréotypé, ou au contraire à la recherche d'un écart. La description du rite, de la cérémonie, des festivités joue un rôle dans la représentation romanesque du mariage : comment articule-t-elle l'amour et la loi, l'histoire privée et l'espace social, éventuellement politique ? Les cérémonies du mariage peuvent aussi servir de cadre à des retournements de situation très dramatisés (on pense, chez Cervantès, aux noces de Gamache, dans Don Quichotte, ou à l'histoire du portugais amoureux dans les Travaux de Persilès et Sigismonde) : dans quelle mesure s'agit-ils de topoï ?
On pourra enfin interroger l'influence de la transformation des lois concernant le mariage sur la représentation romanesque de celui-ci.

- Le refus du mariage

Depuis Panurge, le héros qui se soustrait au mariage semble être sorti de la sphère du comique. Du point de vue de l'histoire de la critique et de la réception, la conclusion déceptive de la Princesse de Clèves a beaucoup contribué à conférer à ce roman le statut d'un seuil, d'une révolution romanesque. Pourtant, avant Madame de La Fayette, nombreux sont les romanciers qui choisissent de défaire, ou de ne pas accomplir l'union que tout semblait préparer. L'insensibilité provisoire des bergères de pastorale semble se muer en choix irrévocable qui permet l'affirmation d'un libre-arbitre, comme par exemple pour la bergère Marcela dans Don Quichotte. On s'interrogera sur les enjeux idéologiques et narratifs du refus du mariage, et en particulier sur son rôle dans la construction des personnages. Est-il l'occasion d'un approfondissement psychologique, confère-t-il une part d'ombre, affirme-t-il une singularité individuelle ? Induit-il une caractérisation différentielle des destins, des points de vue féminins et masculins ?
Le refus du mariage est souvent un moyen de se démarquer d'un stéréotype. Cependant il s'apparente parfois lui-même à un topos, comme dans le roman courtois, pastoral, ou précieux. Il s'agira alors de mettre au jour les présupposés idéologiques d'un tel choix (son lien, par exemple, avec le motif de la retraite ou avec le libertinage) et surtout de mesurer leur influence dans la transformation du roman.


- Le roman du mariage

Le mariage ne se résout pas toujours à une conclusion plus ou moins topique, adoptée ou déjouée. Il intervient parfois au début ou au coeur du roman, ou, peut-être plus souvent, de la nouvelle. S'agit-il alors toujours de romans de l'adultère, de la jalousie (fondée ou infondée), et est-il bien vrai, pour paraphraser Tolstoï, que les familles heureuses n'ont pas d'histoire ?
On étudiera les romans de l'amour conjugal. Sont-ils obligatoirement synonymes de romans bourgeois, aux antipodes de l'héroïsme et de la galanterie ? On se demandera quels types romanesques peuvent constituer l'homme et la femme mariés, quelles sont les épreuves qu'ils affrontent : extérieures, comme la guerre, le deuil, les persécutions politiques, familiales, ou intérieures, comme l'ennui, le soupçon, la mésentente, voire la folie. La crise conjugale peut être l'occasion d'illustrer, dans la sphère privée, le poids des différences religieuses (protestants et catholiques, païens, juifs, mahométans et chrétiens…), nationales, sociales. Qu'elle soient ou non aplanies, par exemple par la conversion d'un des membres du couple (est-ce d'ailleurs toujours la femme ?), il faudra se demander quelle démonstration, quel projet exemplaire, sous-tendent ces configurations.
Quelle représentation de l'espace domestique, de l'intime, du sujet, rend enfin possible le huis clos du couple ? Reproduit-il des représentations stéréotypées du féminin et du masculin, éventuellement héritées du fabliau ou de la farce médiévale, en crée-t-il d'autres ? Quelle est la postérité, par exemple, dans le roman, du topos médiéval de la mal mariée, énonciatrice traditionnelle des chansons populaires ? La représentation du mariage et du couple met aussi en jeu la notion de contrat : il s'agira alors d'étudier selon quelles modalités.
On essaiera de dégager la spécificité, si elle existe, du traitement de ces thèmes par la narration et la fiction romanesque, en se demandant en quoi elle diffère, par exemple, de leur version théâtrale.


Envoi des propositions avant 30 août 2006


francoise.lavocat@wanadoo.fr