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Appels à contributions
Le livre au corps

Le livre au corps

Publié le par Marion Moreau (Source : marc perelman)

Le livre au corps

« Le livre est uncorps ». C'est ici l'identité immédiate que nous propose Husserl entredeux termes en apparence éloignés. Plus tard, Emmanuel Levinas énoncera que lelivre est « une modalité de notre être » qui se fonde précisément surla présence du livre comme « référence “ontologique” de l'humain ».Qu'est-ce qu'un livre en effet sinon l'occasion de poser la question de son rapport au corps ?

Les motsont leur importance. D'emblée, le livre est associé au corps, à commencerpar ce mot même de « corps », la taille du caractère d'imprimerie.Colonne, en-tête, en-pied, nerfs, dos, coiffe, main, nain, oeil, tête sont lesmots d'un vocabulaire organiquement lié au livre et traduisant la corporéité du livre.

— Le livre estincarnépar ce lecteur, un corps vivant, nomade ou sédentaire, l'un des protagonistesd'une très longue chaîne d'intervenants fédérés par des métiers ou descorporations : éditeur, maquettiste, imprimeur, parfois relieur,traducteur, correcteur, libraire, bibliothécaire… Le livre est ainsi pris enmainsau fur et à mesure de son élaboration et de sa constitution et constamment misen oeuvre par des corps agissants qui le façonnent à leur image. Le livre est defait une façon de prolongement ou d'extension du corps propre. Il se définitencore comme une projection du corps correspondant.

— Dans cequi constitue sa matière première à savoir son contenu de texte (et parfoisd'images), un corps est mis au jour et présent par le truchement d'un auteur visible parce que son nom estrévélé au public, mais un auteur qui est tout autant invisible car il est le fantômedu livre, un corps absent à tout le moins dissimulé dans la page de cet« objet investi d'esprit » pour reprendre Husserl.

— Le livreest comme un corps vivant avec une naissance, un développement, une mortet parfois une résurrection ; il est « putrescible, combustible, etmême comestible » (Michel Melot). Le livre est même doué de parole puisquedans un puissant retournement dialectique, un effet de miroir, « le livrenous lit » (George Steiner) encore plus profondément que nous nelisons ; il est notre intimité même, la chair de notre chair jusqu'à unepossible fusion.

— Le livreest métaphore corporelle mais il est surtout partie intégrante de notre identité corporelle et mentale.Le livre est comme un corps protégé par sa couverture adaptée en tant quesurface d'isolation de la partie sensible, de cette chair feuilletée et mise àvif que constitue le papier de la page, cette peau plus ou moins fine,granuleuse, lisse, que les doigts caressent tout en la déchiffrant.

AlainMilon & MarcPerelman

Professeursà Paris Ouest-Nanterre La Défense.

Un premier volume est paru aux PressesUniversitaires de Paris Ouest : Le Livre et ses espaces (2007) ; a suivien décembre 2009 : L'Esthétique du livre ; un troisièmevolume paraîtra sur le thème du colloque « Le livre au corps » (fin2011).

Cet appel à contribution fait suite au colloque du même nom qui a eu lieu à l'INHA, le 24 et 25 juin 2010.

Merci de nous faire parvenir vos articles(maximum 40.000 signes) accompagnés si nécessaire des illustrations avant le31 mars 2011.

Pour toutecorrespondance : marc.perelman@u-paris10.fr