Questions de société
Le grand Trucage: comment le gouvernement manipule les statistiques, le cas Darcos (14/05/09)

Le grand Trucage: comment le gouvernement manipule les statistiques, le cas Darcos (14/05/09)

Publié le par Bérenger Boulay

- Xavier Darcos: "Nous avons, le système éducatif le plus coûteux du monde et le moins efficace.»

Rappel: Xavier Darcos est Supermenteur


- Lorraine Data, Le grand Trucage. Comment le gouvernement manipule les statistiques. Paris: La Découverte, coll. " Cahiers libres", mai 2009, 182 p., 13 €

http://www.editionsladecouverte.fr/catalogue/index.php?ean13=9782707157935

Ci-dessous:

- Ministère de l'Education nationale : au bon pouvoir des statistiques (http://www.educpros.fr)

- Article du Canard Enchaîné du mercredi 13 mai 2009 (Alain Guédé)


Ministère de l'Education nationale : au bon pouvoir des statistiques

http://www.educpros.fr/politique-educative/politique-gouvernementale/detail-article/h/73bdb27edf/a/ministere-de-leducation-nationale-au-bon-pouvoir-des-statistiques.html

Comment le pouvoir manipule les statistiques. Tel est le sous-titre de l'ouvrage Le grand trucage,à paraître le 14 mai 2009. Ecrit par un collectif de fonctionnaires dela statistique publique au bord de la crise de nerf, il dénonce lespublications sur des thèmes sensibles annulées ou reportées, deschangements d'indicateurs collant davantage aux objectifs politiques,le discrédit jeté sur des organismes produisant les statistiques…Exemples précis à l'appui, Lorraine Data - un pseudonyme - décrit desdérives gouvernementales pour contrôler l'information économique etsociale. Voici des extraits centrés sur la politique éducative deXavier Darcos autour du lycée, analysée par les auteurs comme sourced'économies budgétaires.

« La réduction du nombred'enseignants demande un minimum de tact et diplomatie. Xavier Darcos abien noté que ce qui coûte cher dans notre enseignement, c'est lesecondaire et plus particulièrement le lycée. C'est bien là qu'il fauten priorité réaliser des économies et concentrer les attaques. Ilreprend à de nombreuses reprises les mêmes constats : « Nous avons(dans le secondaire) un des meilleurs taux d'encadrement au monde : unprofesseur pour onze élèves » ; « un lycéen français coûte 22 % de plusque la moyenne des pays européens » ; « un lycéen français a jusqu'àtrente-cinq heures de cours par semaine ».

Le jugement assez sévère qu'il porte au Sénat en mai 2008 (noussommes les plus chers et les moins efficaces) exagère en fait unedouble réalité : une dépense pour l'éducation relativement forte enFrance et l'annonce fin 2007 de résultats plutôt décevants des jeunesFrançais aux deux évaluations internationales de leurs acquis (PIRLSpour ceux de CM2 et PISA pour les élèves de quinze ans, en fin descolarité obligatoire).

Les lycéens plus coûteux que les collégiens

Ce rapprochement permet au gouvernement de conclure à une relativeinefficacité, du moins au regard de la moyenne des pays développés,mais le surcoût de l'élève français est surtout vrai au lycée, tandisque la dépense par écolier ou collégien nous classe dans la moyenneinternationale voire en dessous. Il est donc paradoxal de déplorerl'inefficacité de dépenses fortes (au lycée), quand les faiblesrésultats sont observés en amont (en fin d'école et de collège).

Lelycée concentre une série d'attaques du gouvernement qui justifie ainsil'urgence d'une réforme. Il coûte cher, il est mal équilibré, ilprépare mal aux études supérieures, à l'autonomie. La conférencemondiale de l'Unesco sur l'éducation fournit le 25 novembre 2008l'occasion pour le ministre de poser clairement son diagnostic : « Jene puis accepter qu'en France, 150 000 élèves quittent chaque année lesystème éducatif sans aucune qualification, je ne puis accepter que 15% des lycéens redoublent la classe de seconde, je ne puis accepter quela moitié des lycéens qui entrent à l'université échoue à obtenir unelicence au bout de trois ans. »

Du taux d'encadrement… à la taille des classes

Le lycée est donc la cible privilégiée de la politique derestriction budgétaire. Pour minimiser les effets de la réduction dunombre d'enseignants – dont l'ampleur finale n'est pas encoreappréciable – et préciser que les lycéens n'en subissent pas lesconséquences, le ministre change d'indicateur. Il abandonne ce tauxd'encadrement de onze, douze élèves, en moyenne, par enseignant dusecond degré (situation plus favorable que dans la plupart des autrespays), pour retenir la taille des classes, qui ne bouge pas auxrentrées 2007 et 2008 : vingt-quatre élèves en moyenne par classe decollège, et vingt-huit en lycée.
Dans le second degré, effectifsd'enseignants et de classes diffèrent. Et il devient tout à faitpossible de réduire plus fortement les premiers que le nombre declasses ou d'élèves (si bien que le ratio élèves/enseignants s'accroîttandis que le ratio élèves/classes reste stable) : pour y parvenir, ilsuffit de donner plus d'heures de travail aux enseignants (heuressupplémentaires) et moins aux élèves (horaires et/ou programmesréduits). »

Ce que le ministère de l'Education nationale bloque, retarde…

Selon Lorraine Data, des publications statistiques (L'Etat del'école, les Notes d'information de la Direction de l'évaluation, de laprospective et de la performance) et un rapport de l'Inspectiongénérale de l'Education nationale sont retardés voire bloqués par leministère de l'Education nationale. Avec l'objectif de ne pas «parasiter » la communication politique de Xavier Darcos. Parmi lessujets recensés par les auteurs, on trouve les prévisions d'effectifsscolaires, la violence à l'école, les acquis des élèves, les effets dela disparition de la carte scolaire et les élèves en difficulté dans leprimaire.

Les statisticiens de la DEPP ont aussi donné à L'Expansion laquinzaine de notes bloquées par le ministère de l'Education nationale,dont l'absentéisme des élèves dans le second degré en 2006-2007, labaisse des sorties sans qualification, parcours et réussite desinscrits en licence ou les coûts de l'éducation en 2007.

 

- Dans Le Canard Enchaîné du mercredi 13 mai 2009- Alain Guédé

Maquillage des indices, bricolage des résultats, torture des pourcentages, un collectif de statisticiens se penche sur l'usage des chiffres dans les discours politiques. Faites chauffer les calculettes !

Sarkozy en a fait un procédé pour valoriser son bilan ou critiquer l'héritage légué par ses prédécesseurs, il brandit chaque fois une statistique. Et si, au nom de « la culture du résultat », il assigne un objectif – pour 2012 évidemment – à ses ministres, c'est toujours en termes de chiffres. Dans la bouche de Sarkozy et dans celle de son équipe, les chiffres ont pour vocation d'asséner une vérité indiscutable.

Mais si ce déluge de certitudes n'était que la version moderne du mensonge ? C'est ce que décrit, en 180 pages serrées, « Le grand truquage », un livre que publie, cette semaine, La Découverte. Sous le pseudonyme de Lorraine Data, se cachent des statisticiens travaillant à l'Insee ou dans les principaux ministères concernés. Constats, bilans, promesses : ils ont tout épluché. Et le truquage des mesures atteint la démesure !

Les diaboliques auteurs du « Grand truquage » se sont amusés à mesurer ce qu'une telle méthode aurait donné entre 1997 et 2002. Le nombre de pauvres aurait mathématiquement diminué de 40% ! Comme aurait dit l'Abbé Pierre : « Quand on compte, on n'aime pas ! »

Les tests miracles de Darcos. Le 16 mai 2008, Xavier Darcos s'exprimait devant le Sénat : « Nous avons, disait-il, le système éducatif le plus coûteux du monde – ou quasiment – et le moins efficace.» Le 15 février de la même année, Sarkozy ordonne donc à son ministre de « diviser par trois, en cinq ans, le nombre d'élèves qui sortent de l'école primaire avec de graves difficultés.»

Un double bonnet d'âne pour l'élève Darcos, qui ne lit même pas les rapports de l'OCDE (l'Organisation européenne de coopération économique qui aide les gouvernements à répondre aux défis, économiques, sociaux et de gouvernance) . Celle-ci place pourtant la France, en termes de performances du système scolaire, dans la moyenne et devant, entre autres, la Norvège et les Etats-Unis. Quant à l'amélioration des résultats exigés par Sarkozy, nos braves statisticiens masqués ont déjà compris comment Darcos allait tenir parole. Les tests (en cours dans deux classes du primaire) ont été établis sans aucune rigueur scientifique. A la veille de la prochaine présidentielle, il suffira de les modifier un poil, de « déplacer le curseur », comme ils disent. En bon français, les quiz seront parsemés de questions fastoches qui permettront de mettre en évidence une formidable progression. Un vrai cas d'école.

Coup d'extincteur sur le paupérisme. Le 27 octobre 2007, Martin Hirsch se donnait pour objectif de réduire d'un tiers la pauvreté en cinq ans. Statistiquement, le pari est d'ores et déjà gagné. Pour une raison bien simple : l'ancien disciple de l'Abbé Pierre a jeté à la déchetterie l'indicateur Eurostat de mesure de la pauvreté utilisé dans toute l'Europe. A la place, il a bidouillé son système à lui, qui consiste à voir combien de personnes considérées comme « impécunieuses » auront, en 2012, le même revenu, augmenté de l'inflation. Tous ceux dont les ressources auront progressé ne seront plus considérés comme pauvres.

Les délices de Brice. Le 9 juillet 2007, Sarkozy avait demandé à son ministre de l'Immigration de « fixer des objectifs exigeants en termes de reconduite à la frontière.» Selon Brice Hortefeux, qui a fanfaronné avant de laisser la place à Eric Besson, ses services ont procédé à 39 796 reconduites en 2008, soit une hausse considérable.

Plus de 10 000 de ces « expulsions » sont en fait des « retours volontaires » ont calculé nos impitoyables statisticiens. Des Roumains pour l'essentiel (donc citoyens européens) se sont astucieusement fait « reconduire », c'est-à-dire payer un aller Paris-Bucarest, avant de revenir…

Des indicateurs ripoux. De 2002 à 2207, le total des crimes et délits a chuté de 12,8%, répète triomphalement la ministre de l'Intérieur, Michèle Alliot-Marie. Le taux d'élucidation des délits a bondi de 26,3% en 2002 à 36,1% en 2007 !

Ces chiffres présentés comme une mesure du taux de délinquance, ne sont que le bilan de l'activité de fonctionnaires (police et gendarmerie) , démontrent les auteurs. Or, comme dans une scène célèbre des « Ripoux », les astuces abondent pour améliorer les statistiques : refuser d'enregistrer des plaintes, consigner les délits uniquement sur la main courante ( qui n'est pas prise en compte), inscrire plusieurs faits dans un seul enregistrement, déclasser un délit en contravention, etc. En suite les statistiques montrent un effondrement des vols de voitures. C'est aussi que grâce à l'ingéniosité des constructeurs, nombre de modèles sont devenus aussi inviolables qu'une bijouterie de la place Vendôme.

Quant à la spectaculaire amélioration des taux d'affaires résolues par la police et la gendarmerie, elle est, selon les briseurs de rêves de ce livre, le résultat de la priorité donnée aux délits pour lesquels le coupable est pincé dès le constat de son forfait. Séjours irréguliers d'étrangers et fumeurs de joints représentent à eux seuls 40% de l'augmentation du nombre de faits « élucidés » en 2007.

Et il reste encore des truquages de statistiques non élucidés…