Agenda
Événements & colloques
Le geste

Le geste

Publié le par Matthieu Vernet (Source : Julie CHEMINAUD)

Journées doctorales Philosophie de l'art

Université Paris IV

Vendredi 23 et samedi 24 janvier 2008

Maison de la Recherche

28 rue Serpente

75006 PARIS

Salle D223

(Entrée libre)

Ces journées doctorales sont animées par la volonté de considérer le geste en esthétique de manière non métaphorique. Le geste nous intéresse comme phénomène concret, incarné, visible, plastique, entre technique et art. Qu'en est-il dans les différents arts : peinture, écriture, théâtre, musique, et cinéma ? Le concept de geste peut-il se laisser reconduire à une figure unitaire ou est-il définitivement fragmenté ?

            Notre conviction est que le geste, trop souvent convoqué peut-être, n'a pas été suffisamment pensé pour lui-même. Différentes interventions interrogeront donc l'ensemble du processus gestuel, de sa création à sa réception, en passant par sa signification et sa mise en scène.

Vendredi 23 janvier

9h00: Accueil

9h30: Introduction générale (Jacqueline Lichtenstein)

 I –  SIGNIFIER (10h – 12h15)

10h00: Klaus Speidel 

Quand y a-t-il geste ? Le geste et sa représentation entre action efficace et action expressive

Après avoir établi la différence entre l'action intentionnelle qui vise un effet immédiat (comme frapper quelqu'un pour le blesser) et l'action purement symbolique (comme pointer vers quelque chose), je tenterai de saisir les actions qui peuvent être intentionnellement expressives, mais ne le sont pas toujours (comme tousser ou cligner des yeux…). Confronté à ce type d'action, le récepteur fait parfois face à un genre d'ambivalence particulière qui concerne moins le sens du signe que le caractère de signe lui-même. Pour finir, je m'interrogerai sur le statut de la représentation de ce genre d'action dans la peinture.

10h30: Audrey Rieber

Fondements et limites d'une iconographie du geste

J'analyserai la façon dont Panofsky décode la signification d'un « motif inoubliable » - le bond agile de Bacchus descendant de son char dans le Bacchus et Ariane du Titien - en le référant à la tradition ovidienne. Mais l'élaboration d'un répertoire iconographique des gestes suffit-elle à en épuiser le sens ? Le geste peint excède la source littéraire. La représentation d'un geste ne relève pas uniquement de choix symboliques mais aussi d'options formelles. Il existe une spécificité du visuel. Le concept warburgien de survivance et l'idée d'une prégnance des Pathosformeln permettront également de reconsidérer le concept d'imitation et de penser une transmission non historique du répertoire gestuel.

11h00: Pause

11h15: Brigitte Flamand

La gestualité ou la raison du corps dans l'esquisse

La gestualité dans l'esquisse est-elle visible ou incommunicable? Le mouvement du corps de l'artiste, de son poignet, de sa main révèle une gestuelle singulière qui interroge la pratique mais plus encore les discours. L'esquisse, dite encore, le componimento inculto est une trace affranchie des codes et des règles. Elle se libère de toutes les conventions pour faire surgir une figure improbable, grossière, informe ; comme une première pensée mise à l'épreuve de l'instantanéité de la pratique. Un geste en suspens !

11h45: Laurent Padel (professeur à l'Université Paris 8)

Le geste pictural chinois au travers les textes

Le geste, au coeur des principaux critères d'évaluation traditionnels de la peinture chinoise est non seulement considéré comme acte, mais comme ce qui accueille les forces à l'oeuvre dans le monde. Entre vide et plein, agir et sans-agir, il devient principal médiateur entre les existants, la pensée et la peinture. Sa découverte est recherchée par l'esthète dans l'infime trait conventionnel auquel il confère une dimension ouverte énergétique et dynamique, presque vivante et spirituelle.

II – METTRE EN SCENE (14h – 17h)

14h00: Ying-Jui Lee

Geste négatif : le « retrait du mouvement » (P. Sers) dans la calligraphie chinoise

D'un côté, le geste calligraphique est un geste non volontaire ou négatif, en ce que le mouvement consistant à tracer des traits, qui obéit à l'esthétique chinoise du « détachement », ne se met jamais en avant, mais au contraire se laisse conduire par l'élan d'une initiative sans « moi ». D'un autre côté, la calligraphie est un art qui obéit aux règles exigées par les traits, c'est-à-dire qui implique une manière rigoureuse de tirer les traits. Comment faire coexister ces deux attitudes contradictoires ? C'est ce que nous voudrions élucider.

14h30: Nicolas Rialland 

Le geste théâtral chez Lessing

Il s'agira, à partir de la réflexion de Lessing sur la spécificité du genre dramatique, de dégager ce qui fait pour lui la nature du geste théâtral et les limites auxquelles il est soumis, qui peuvent définir une dramaturgie. Ce qui est en jeu, c'est plus généralement le rapport d'une théorie du théâtre à une théorie de l'art dramatique.

15h00: Pause

15h15: Julien Labia

Le geste et la forme musicale. Réflexions sur l'opéra allemand et sa représentation scénique

La crise de la visibilité dont la mise en scène d'opéra s'efforce de combler le gouffre n'est-elle qu'un accident ? Comment le geste compositionnel du créateur d'opéra en vient-il à trouver – ou non – sa réalisation scénique ? Fondée sur une conception de la forme musicale dont la « pureté » exclut toute visibilité, et aspirant à se faire représentation de sa propre création, la réflexion sur l'opéra du dix-neuvième siècle allemand indique deux directions de pensée pour le geste. D'abord celle d'un premier geste fondateur qu'il s'agit de redécouvrir (naissance de la forme) ; ensuite, celle d'une représentation de ce même geste qui ne soit pas artificielle (visibilité de la forme). Nous nous attacherons à montrer quels sont ces deux gestes différents, et tenterons de penser leur articulation.

15h45: Leticia Cuen

La musique comme geste sonore et cinétique : ancrage pour une esthétique musicale

Ce travail tente de vérifier le lien qui peut exister entre le geste en lui-même et le geste sonore ou musical. Il s'agit de comprendre par quels mécanismes la musique nous renvoie à la reconnaissance et au souvenir des états moteurs, cinétiques et physiologiques qui sont à l'origine des sensations et des émotions humaines. Quatre approches concernant le geste et la musique seront abordées ici : le geste, composante de l'expression musicale ; l'expérience du mime ; les composantes expressives du geste : du geste cinétique au geste musical ; et reconnaissance, résonance et accordage : le miroir d'autrui.

16h15: Table ronde

***

Samedi 24 janvier

9h30: Introduction à la deuxième journée

III – CRÉER (10h – 12h15)

10h00: Julie Jaupitre

 Architecture et artisanat

Le statut de l'architecte au 17ème siècle hérite de l'image inconvenante d'une discipline, qui bien que comptée parmi les « arts libéraux », est considérée comme un art « productif » par les auteurs modèles Platon et Aristote. Comment l'architecte avec Perrault notamment, distingue-il sa production de la fabrication de l'artisan au geste marqué par la répétition et l'habitude d'une pratique transmise sur les chantiers ?

10h30: Camille Villet

L'imagination dans la matière : à la recherche du geste dans la peinture moderne et contemporaine

La peinture au 20e siècle, avec notamment l'expressionnisme abstrait aux Etats-Unis, met l'accent sur le geste, lequel devient ostensiblement le medium de l'imagination créatrice au coeur de la matière. Et si, avec le dépassement de certaines distinctions telles que forme/matière, contenant/contenu, le geste seul demeurait à voir, ce qui est à voir… Mais que signifie voir le geste, l'acte de peindre lui-même ainsi qu'en un tableau ? Est-ce seulement possible ? Si oui, que peut nous enseigner une telle épreuve du visible ?

11h00: Pause

11h15: Rochdi Guyodo

La destruction du geste créateur dans l'esthétique Pop

Nous aborderons le problème de la destruction du geste créateur dans l'esthétique Pop. On s'intéressera notamment à la question de la dissimulation du geste personnalisé de l'artiste dans l'oeuvre picturale de Lichtenstein, mais aussi à celle du geste machinal de Warhol dans son utilisation du procédé sérigraphique. Le geste mécanique peut-il constituer une modalité du geste artistique ? Mécaniser le gestuel, n'est-ce pas, d'une certaine manière, détruire le geste d'art de la tradition ? Dans un registre légèrement différent, nous aborderons le problème de la destruction en tant qu'elle représente un certain type de gestualité, et plus précisément en tant qu'elle peut constituer un geste spécifiquement artistique. Est-il possible de concevoir de la destruction qui soit artistique ? Bref, y a-t-il un art de détruire ?

11h45: Laurent Millet (plasticien)

Le moindre geste

Photographe et plasticien, actuellement membre de la Casa Vélasquez (Madrid), Laurent Millet vit depuis dix ans sur l'estuaire de la Gironde, dont les paysages et les habitudes des hommes qui le peuplent ont rythmé, depuis qu'il les a découverts, l'avancée de son travail. Il s'en est approprié les éléments les plus marquants pour lui : les pièges, les cabanes, les nuages, l'eau, la vase, le bois, le vent... sous formes photographiques ou vidéographiques, en les captant tels quels, ou en les détournant. Son oeuvre peut ainsi être perçue comme une série de rêveries bachelardiennes sur les phénomènes physiques du paysage et du corps de l'image.

 IV – FILMER (14h – 17h)

14h00: Clélia Zernik

La représentation des gestes violents au cinéma

La violence est peut-être ce qui est, à proprement parler, irreprésentable puisqu'elle perd sa nature singulière en étant mise à distance. Comment, dès lors, le cinéma peut-il retrouver l'impact des gestes violents au point de voir proliférer dans les salles les scènes de combat de toutes sortes? Comment, à partir de simples déplacements de lignes sur l'écran, le film peut-il réactualiser le poids kinesthésique et musculaire du geste, dépassant ainsi les limites de l'optique cinématographique?  

14h30: Yves-Marie L'Hour

Figuration et abstraction dans « l'art du mouvement » : du geste abstrait à la musique visuelle

Marey, Bull, Demenÿ… la chronophotographie et le cinéma sont nés de la passion de quelques scientifiques pour la discrétisation et l'analyse des mouvements des corps. Paradoxalement, le cinéma narratif qui s'est massivement développé avec l'arrivée du parlant s'est bien moins inscrit dans le développement de cette démarche d'abstraction formelle que les recherches plastiques parallèlement marginalisées des cinéastes d'avant-garde du XXe siècle. Or la question de la figuration et de l'abstraction se pose à l'ère numérique à d'autant plus forte raison que les images de synthèse sont par nature des représentations sensibles de modèles mathématiques. Nous nous essaierons à montrer, dans la lignée des explorations de quelques pionniers du cinéma expérimental, que les images infographiques pourraient constituer la matière d'une nouvelle écriture non figurative du visible dont la source d'inspiration serait plus que jamais le modèle musical.

15h00: Pause

15h15: Table ronde

16h30: Conclusion générale (Jacqueline Lichtenstein)

Ecole Doctorale Concept et Langages (ED V).

Equipe Philosophie et histoire de l'art (équipe d'accueil 3552, « Métaphysique, histoires, transformations, actualité »).

Ont participé à l'organisation de ces journées, sous la direction de Mme Jacqueline Lichtenstein : Julie Cheminaud, Leticia Cuen, Brigitte Flamand, Rochdi Guyodo, Julie Jaupitre, Julien Labia, Ying-Jui Lee, Yves-Marie L'Hour, Frédéric Pouillaude, Nicolas Rialland, Audrey Rieber, Klaus Speidel, Camille Villet, Clélia Zernik.