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Le génocide perpétré contre les familles tutsi rwandaises : silence-mémoire-résilience et culture de la paix, 27 ans après (Abidjan)

Le génocide perpétré contre les familles tutsi rwandaises : silence-mémoire-résilience et culture de la paix, 27 ans après (Abidjan)

Publié le par Université de Lausanne (Source : Chaire UNESCO Abidjan)

Le génocide perpétré contre les familles tutsi rwandaises :

silence-mémoire-résilience et culture de la paix, 27 ans après.

16-17-18 juin 2021

Colloque à l’initiative de la Chaire UNESCO pour la culture de la paix de l'Université Félix Houphouët Boigny en partenariat avec la fondation Yolande Mukagasana pour la recherche sur le génocide et l’unité pédagogique de Littérature Générale et Comparée.

                          

Le génocide a totalement fait basculer le destin des familles tutsi rwandaises. Témoignage de l’extrême fragilité de la condition humaine, il a laissé une trace indélébile dans l’histoire du XXe siècle, déjà riche en tueries de masse, nous renvoyant à la parole désabusée et prophétique de Bertolt Brecht, dans La Résistible Ascension d'Arturo Ui écrite en 1941 : « Le ventre est encore fécond, d’où a surgi la bête immonde ». Les Tutsi rwandais, retirés de l’« espèce humaine »(Antelme,1947) dans l’imaginaire de leurs bourreaux, ont été méthodiquement massacrés. Ils avaient été, avant leur génocide, réduits aux épithètes de « serpents » ou encore de « cafards ». Déshumanisation qui n’est pas sans nous rappeler en certains points La métamorphose de Kafka, et qui a constitué le préalable au chaos dans lequel a plongé le Rwanda. C’est de ce chaos, dont l’Afrique avait déjà été le théâtre par l’action extérieure (esclavage, déportation, colonisation) qu’elle a clôt le vingtième siècle. Comment les exécutants ont-ils pu accéder à l’ordre des fossoyeurs de masse ? Sous l’emprise de quelle idéologie ont-ils ainsi contribué à ajouter une ère traumatique à la longue liste des calamités que les peuples africains ont essuyées tout au long de l’Histoire ? Répondre à ces questions, c’est pointer nombre de processus, parmi lesquels celui de ladite déshumanisation de la cible du génocide. C’est ensuite réfléchir aux modalités de représentation de l’évènement.  C’est enfin interroger les mécanismes de consolidation de la culture de la paix ainsi que les formes de sa pérennisation. En outre, derrière la mécanique de l'empathie universelle que suscite ce génocide, doit émerger un discours visant aussi bien à porter à notre connaissance les violences subies que les formes de résilience adoptées par certains survivants pour panser leurs blessures et penser l’avenir, 27 ans après cet évènement.

Le génocide perpétré contre les Tutsi rwandais a bouleversé nombre de repères en générant un déséquilibre de la famille, une transgression du corps de la femme et de l’enfant. À l’instar de la Shoah et d’autres crimes de masse, cette violence extrême a généré pour certains une ère de silence. Outre le fait que parler de soi n’est pas une habitude rwandaise, le mutisme de certains survivants pourraient bien n’être que l’expression d’un deuil inachevé. Le langage, à l’interface entre soi et l’autre se trouverait, par ailleurs,  ankylosé dans sa dynamique de transmission et de communication, enseveli, comme le sont les suppliciés.  Comment la parole, qui a hier fait mettre un genou à terre au Rwanda, serait-elle aujourd’hui pour eux en mesure de le faire se relever ? Si certains rescapés, marqués par des scènes de cruauté, sont traumatisés au point d’être les détenteurs d’un patrimoine inexprimable, c’est loin d’être le cas de l’ensemble des survivants, sans le récit desquels l’Histoire ne pourrait s’écrire. De là notre immense responsabilité à recueillir l’ensemble des témoignages, quand bien même certains sortent du cadre historique connu à ce jour. Le « devoir de mémoire » étant indissociable du « devoir d’Histoire », l’Histoire se doit d’être entièrement écrite.Après un génocide s’ouvre, par ailleurs, l’espace-temps de sa négation et de son déni par les bourreaux ainsi que par ceux dont l’intérêt est que l’Histoire soit déformée ou partiellement dite. Des rescapés font dès lors un pas de côté et engagent le processus qui s’imposait : celui de l’actualisation et de la transmission du drame, ce pour lutter contre les assassins de la mémoire. Il en est de même pour ceux dont la légitimité leur permet de traiter de ce génocide. En effet, des historiens, cinéastes et écrivains, récréent par leurs supports ce face à face historique entre bourreaux et victimes, investissant par leurs productions le champ public de la mémoire, en vue de provoquer la réflexion et engager un récit référentiel de nature à proposer une action pédagogique pour sensibiliser à la paix et lutter contre l’oubli. Transmettre, commémorer, se souvenir, deviennent donc une obligation et la mémoire porte en elle cette nécessité à être véhiculée.  Au débat porté par Wajcman (1986) et certains penseurs sur l’idée que « L'horreur n'a pas d'image », ou qu’il ne peut y avoir de représentation par l’art d’une expérience limite, s’ajoutent des questionnements sur le statut du témoin, sur le témoignage comme genre ou bien encore sur la possibilité pour l’historien ou le journaliste de l’utiliser comme source.

Le devoir de mémoire exercé par le rescapé rompt la chaîne des falsifications toujours promptes à réécrire ou gommer tout ou partie. L’acte de transmission devient donc ce nouvel outil périodique, cet espace de parole qui, refusant la banalisation de la violence, promeut sa diffusion mezzo voce dans le temps long, participant ainsi au dialogue avec d’autres consciences réceptives, ce du plus près de la zone d’où la violence génocidaire s’est produite jusqu’aux horizons les plus lointains où vit et s’impose l’idée que tous les êtres humains sont nés libres et égaux. Cette égalité ne donne à quiconque le droit d’attenter à la vie de son semblable. Le contrat qui régit leurs droits, leur respect mutuel, leurs aspirations, ne peut être fondé que sur l’inaliénabilité de leur pleine et entière humanité. Interroger, prendre conscience du génocide perpétré contre les familles tutsi rwandaises, comprendre l’entier mécanisme de ce génocide, ce afin d’en repérer par anticipation toute tentative de reproduction ici ou ailleurs, pourrait donc conduire à une éducation à la culture de la paix, à une vigilance contre toute résurgence de la violence. 

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Les interventions peuvent suivre les axes de recherche suivants (non exhaustifs ) :

Le génocide des Tutsi rwandais et le témoignage en héritage

Littérature, images fixes / mobiles face au génocide des Tutsi rwandais

Le silence du rescapé 

Mémoire et transmission

Résilience et traumatisme du survivant

La culture numérique et la représentation du génocide 

Le génocide des Tutsi au Rwanda et le discours historique

Famille et relations familiales dans l’après-génocide

Penser le génocide, sensibiliser à la culture de la paix

Rwanda : médiation pour juger / mécanisme de réconciliation

Le génocide et la question de l’endoctrinement

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Merci d’envoyer une proposition de communication, qui n’excédera pas 350 mots (hors bibliographie et notice biographique), pour le 16 avril 2021, délai de rigueur, à l’adresse suivante : colloquerwanda@gmail.com.

Réponse aux contributeurs, le 30 avril 2021.

La durée des interventions sera de 20 minutes et une publication des actes est envisagée en 2021.

Références

La Résistible ascension d’Arturo Ui, écrite en 1941 par Berthelot Brecht, s’inscrit au nombre des pièces politiques, au moyen desquelles, Brecht porte une critique véhémente à l’endroit du IIIe Reich et du régime Nazi.

KAFKA, Franz, La Métamorphose, Paris, Gallimard, 1938.

ANTELME, Robert, L’Espèce Humaine, Paris, Gallimard,1957.

WAJCMAN, Gérard, L’interdit, Paris, Denoël, 1986.