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Le Fragile et le flou. Apprivoiser la précarité : un art rhétorique

Le Fragile et le flou. Apprivoiser la précarité : un art rhétorique

Publié le par Perrine Coudurier (Source : Loïc NICOLAS)

COLLOQUE INTERNATIONAL

Le fragile et le flou

Apprivoiser la précarité : un art rhétorique

3-5 avril 2014 – Bruxelles

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PROGRAMME

Jeudi 3 avril
Université Libre de Bruxelles

MAISON DES ARTS

 

- 09h30 Accueil des participants
- 10h00 Introduction du colloque par Loïc NICOLAS (F.R.S.-FNRS, ULB)
-10h30 Emmanuelle DANBLON (ULB) : « Exercer l’Utopie, ou comment éprouver la confiance. »
- 11h10 Alain BERTHOZ (Collège de France) : « La vicariance ou le pouvoir créateur de la diversité. »

Pause-café

- 12h10 Pierre CHIRON (Univ. de Paris-Est) : « Isocrate, ou la persuasion sans vérité. »
- 12h50 Michel BRIAND (Univ. de Poitiers) : « L’interprétation précaire des oracles dans la littérature grecque ancienne : fictions, interprétations, paradoxes. »

13h30 – 15h30 / Lunch

Prés. Salvatore DI PIAZZA

- 15h30  Jean-Christophe WEBER (Univ. de Strasbourg) : « Chasser le flou : vers une plus grande fragilité ? Le cas de la pratique médicale. »
- 16h00  Francesca PIAZZA (Univ. de Palerme) : « Taking aim and hitting the target. Some remarks on the Aristotelian notion of eustochia. »
- 16h30 Benoît SANS (ULB) : « Combattre dans le brouillard : le général face au flou, de l’Antiquité à la pensée stratégique moderne.»

Pause-café

- 17h30 Célia POULET (Univ. de Clermont-Ferrand & d’Aix-Marseille) : « L’apprentissage de la précarité sémantique dans les curricula de composition musicale. »
- 18h00 Augustin VOEGELE (Univ. de Haute-Alsace & de Paris-Sorbonne) : « Discours de l’incertain et de l’inconnaissable chez Jules Romain : de la rigueur scientifique à l’immédiateté musicale. »

18h30  Cocktail dans les salons de la Maison des Arts de l’ULB

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Vendredi 4 avril

Université Libre de Bruxelles

MAISON DES ARTS

 

Prés.  Emmanuelle DANBLON

- 09h30 Marc ANGENOT (Univ. McGill de Montréal) : « Une problématique méconnue : la Rhétorique de la qualification et les controverses d’étiquetage. »
- 10h10 Salvatore DI PIAZZA (Univ. de Palerme) : « Penser la précarité avec Aristote. »
- 10h50 Manfred KRAUS (Univ. de Tübingen) : « Précarité épistémologique et pouvoir persuasif du logos chez Gorgias d’après Eugène Dupréel. »

Pause-café

- 11h50 Sebastiano VECCHIO (Univ. de Catane) : « “Calculer sur l’imprévu”. Abduction et suggestion chez Peirce. »
- 12h30 Sémir BADIR (F.R.S.-FNRS, Univ. de Liège) : « Une sémiologie en apophase. »

13h10 – 15h00 / Lunch

Prés.  Loïc NICOLAS

- 15h00 Victor FERRY (F.R.S.-FNRS, ULB) : « Précarité de la décision démocratique : rhétorique et partage de l’expérience. »
- 15h30 Sonia WEBER (Psychanalyste, Strasbourg) : « Tramalogie, ou de l’art du ravaudage. »
- 16h00  Yoann MOREAU (EHESS, CNRS) : « Pratiquer la précarité. Bricolage, pensée mythique en situation de catastrophe. »

Pause-café

- 17h00  André LAIDLI (Univ. de Lyon 3) : « Rhétorique du mineur dans la philosophie contemporaine. »
- 17h30  Collectif LEIB – Valeria C. D’AGATA, Clio NICASTRO & Roberta M. ZAGARELLA  (Univ. de Palerme) : « Errare humanum est. »
- 18h00  Armando CANZONIERI (Univ. de la Calabre) : « The Chance Encounter. Heidegger on Rhetoric. »


19h00  Repas de Gala au Restaurant Sérafine  (face à l’ULB)
Avenue Adolphe Buyl, 104
1050 BRUXELLES
http://www.serafine.be/

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Samedi 5 avril
Université Libre de Bruxelles

MAISON DES ARTS

 

Prés. Benoît SANS

- 09h30 Roland MEYNET (Univ. pontificale grégorienne) : « La rhétorique biblique, ou l’invitation à assumer la précarité. »
- 10h00 Mauro SERRA (Univ. de Salerne) : « The tragedy of reason: living in a pluralistic society. »
- 10h30 Julie DAINVILLE (ULB) : « Divination et connaissance dans l’Œdipe-Roi. »

Pause-café

- 11h30 Thierry HERMAN (Univ. de Neuchâtel, Lausanne & Suisse italienne) : « L’autorité par l’à-peu-près : pratiques du hedging dans les  écrits scientifiques. »
- 12h00 Ingrid MAYEUR (ULB) : « Notions floues, notions confuses : postérité de l’héritage dupréelien dans les pratiques rhétoriques actuelles. »
- 12h30 Cristina-Alice TOMA (ULB) : « La dissociation des notions confuses à l’aide de l’exception. »

13h00 – 14h30 / Lunch

Prés.  Victor FERRY

- 14h30  Célia GISSINGER-BOSSE (Univ. de Strasbourg) : « L’importance du fragile et du flou dans l’intime conviction en cour d’assises : prendre le risque de faire un choix. »
- 15h00 Céline PIETERS (ULB) : « Faire le bon choix face à l’aveu judiciaire. »
- 15h30 Ana Lucia MAGALHAES (FATEC, São Paulo) : « Legal discourse rhetoric. Practice of doubt in a jury court. »

Pause-café

- 16h30  Gilles GAUTHIER (Univ. Laval) : « Le flou du débat public : justification morales, asymétrie et amplitude du débat. » 
- 17h00  Evgenia PAPAROUNI (ULB & Commission Européenne) : « L’ambiguïté créative de la stratégie de Lisbonne. »
- 17h30 Marco MAZZEO (Univ. de la Calabre) : « “La précarité est lourde à porter” : théorie du capitalisme et nature humaine. »


 

Adresse de la manifestation
Université Libre de Bruxelles (Campus du Solbosch)
Maison des Arts – Av. Jeanne, 56
1050 Bruxelles
BELGIQUE

Contact et inscription : colloqueprecarite@gmail.com
Responsable : Loïc NICOLAS (ULB – GRAL)

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ARGUMENT SCIENTIFIQUE DU COLLOQUE

Ce colloque répond, en un sens, au désir de rendre hommage (au moins en creux) à un penseur original, un passeur, un précurseur même, bref, un maître, dont le nom n’évoque aujourd’hui plus grand-chose à bien des chercheurs : Eugène Dupréel (1879-1967). Philosophe, sociologue, historien, botaniste et artisan à ses heures, Dupréel était d’abord un humaniste. Ses écrits, oubliés pour la plupart, certains presque introuvables faute d’avoir été republiés, témoignent d’un esprit libre, exigeant, concret, mais aussi soucieux d’établir des ponts entre les disciplines. Au reste, l’hommage en question entend surtout explorer l’un des aspects originaux, dominants de sa pensée : l’idée ou principe de précarité dont la valeur est, pour lui, aussi bien technique que logique et épistémologique. Dans son Esquisse d’une philosophie des valeurs (1939), Dupréel conçoit d’ailleurs tout entière l’entreprise de son volume comme une « philosophie de l’intervalle » et, plus encore, comme une « philosophie de la précarité ». La rhétorique de Chaïm Perelman – son élève et successeur comme chef de file de l’École de Bruxelles – en a très largement hérité, renouant ainsi avec l’humanisme et le sens du précaire qui nourrissent la tradition sophistique.

Précarité, le terme a de quoi surprendre, voire inquiéter. Il charrie, dans nos imaginaires collectifs, un monde trouble de représentations négatives ou dévalorisées. La précarité fait signe vers un manque, une menace, un risque. Partant, ce colloque vient mettre au défi nos réflexes sociaux et nos tropismes intellectuels. Il propose d’éclairer le supplément qu’il peut y avoir à reconnaître ou à insuffler du précaire et du flou. Aussi, le but est-il de regarder dans quelle mesure, en quel sens et à quelles fins, un moins pourrait représenter un plus. Notre ambition est justement là : repenser l’articulation, la logique du lien entre force et faiblesse, plein et vide, ordre et désordre, rigueur et souplesse, apparences et réalité, pluralisme (des valeurs) et rationalité (des décisions). Pour autant, notre objet n’est pas d’idéaliser ou de glorifier la figure du « précaire », ni d’en tirer un motif purement esthétique et/ou politique – suivant un but partisan. Il n’est pas non plus question, tant s’en faut, de céder aux sirènes destructrices du relativisme (tout se vaut) et du nihilisme (rien ne vaut). Le projet est, tout au contraire, de réfléchir, d’interroger la valeur même (valeur pleine et forte) de la précarité, le surcroît d’efficacité qu’elle apporte, le recours pratique que peut représenter ce « manque » (ce moins) d’assurance et de contrôle – ou, mieux, cette chance de n’être pas assuré.

Disons-le, la rhétorique, domaine du plausible, du probable, du crédible, du flou, de l’ambigu, de l’indéterminé, du pluriel, de l’à peu près… est un monde traversé par la précarité. Un monde ouvert aux possibles et au doute, où il faut sans cesse (apprendre à) naviguer à vue. Or, c’est cette précarité-là qui donne en fin de compte à David les moyens (souples et pratiques) de battre Goliath, au pot de terre d’affronter (en conscience) le pot de fer, à une petite force (argumentative) de mouvoir les poids les plus lourds, d’emporter l’adhésion des adversaires les plus récalcitrants – avec les risques et la liberté que cela comporte. Jean-Pierre Vernant dans Mythe et pensée chez les Grecs (1970) avait d’ailleurs très justement identifié ce potentiel particulier (potentiel étrange, presque magique, prométhéen en quelque sorte) dans la technè sophistique, et d’abord dans l’exercice dynamique des dissoi logoï. Cette technè, cet artisanat, consiste, écrivait-il alors, « dans la maîtrise des procédés grâce auxquels les arguments les plus faibles peuvent, dans [la] lutte [oratoire], équilibrer les plus forts, l’emporter sur eux, les dominer. » Après tout, la rhétorique n’est-elle pas un art qui consiste précisément à déclore le monde ? Son horizon véritable n’est-il pas d’assouplir l’esprit, d’aider à « pratiquer », à expérimenter notre précarité, sans pour autant l’absolutiser, mais en l’assumant et en cherchant, d’une certaine manière, à l’apprivoiser ?