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Appels à contributions
Le fantastique musical

Le fantastique musical

Publié le par Matthieu Vernet

Journée doctorale: Le fantastiquemusical

Appel à contribution

Date limite : 15 octobre 2010

Le fantastique musical : journée doctorale

29 janvier 2011

Axe « Littérature et musique » du Centre de Recherche enLittérature Comparée (CRLC) de l'Université Paris IV-Sorbonne

Parmi les nombreux travaux de poétique comparée consacrés ces dernièresannées aux relations entre musique et littérature, certains se penchent sur laquestion du lien privilégié unissant musique et innommable. Pierre Brunel dansses Arpèges composés repérait ainsila capacité de la musique à renvoyer à ce qu'il nomme une « expérience desconfins », expérience parfois extatique de « l'impalpable », de« l'inexprimable »[1], matérialisée dans les Romances sans paroles verlainiennes ou dans le poème« Sainte » de Mallarmé par exemple.

Or, si le genre fantastique doit lui-même beaucoupà l'ineffable - ce que tend à montrer un ouvrage récent paru sur laquestion (L'indicible dans les oeuvres fantastique et descience-fiction(Nathalie Prince et Lauric Guillaud, dir., Michel Houdiard Editeur, 2008), sonécriture est souvent liée aux rhétoriques de l'inouï. Ecriture du fantastiqueet écriture de la musique sont ainsi, selon une formule de Timothée Picard,« toutes deux soumises à cette rhétorique de l'indicible », et« plus généralement, la musique et l'opéra fantastiques servent souventaux écrivains mélomanes de levier de revendication d'un droit àl'enchantement, au ravissement, au fabuleux, au spectaculaire. On trouve celaaussi bien chez Voltaire que chez Gautier, chez Leiris que chez Baricco » [2].

L'importance de l'image (portrait, miroir,apparences…) ou de la dialectique du regard ayant été largement soulignée aufil des études portant sur le récit fantastique, notre journée d'étude sepropose de se consacrer à l'analyse du « fantastique musical »,notion qui souffre d'avoir été quelque peu minorée jusqu'ici dans le rapportqu'elle entretient au récit. Nombreux sont en effet les prosateurs mélomanes,auteurs de récits fantastiques ou néo-fantastiques, ayant proposé desvariations sur ce thème - parailleurs relativement traditionnel. Dans ces récits, les références à lamusique vont de la simple allusion (dans LaFée aux miettes de Nodier, Le Diableamoureux de Cazotte, Spirite deThéophile Gautier par exemple) à la mise en scène du fait musical au coeur mêmede la diégèse : on pense aux récits hoffmanniens, prototypes du genre,mais aussi à des nouvelles comme « L'orgue du Titan » de George Sand,« Le Secret de l'ancienne musique », de Villiers-de-L'Isle Adam,« Joséphine ou le peuple des souris » » de Franz Kafka,« La Musique d'Erich Zann » d'H.P. Lovecraft, « LesMénades » de Julio Cortazar, « Cheveu musical » de Marcel Béalu,« La Flûte » de Marcel Schwob, « Le Requiem du corbeau »d'Erckmann-Chatrian, « Hoffmann et Paganini » de Jules Janin….

On réfléchira donc en premier lieu aux questionspoétiques et narratologiques que pose l'appel au fantastique musical dans lerécit : quels sont les schémas narratifs récurrents de la mise enoeuvre littéraire du fantastique musical ? Existe-t-il des scénariostype d'intégration de celui-ci dans la fable ? Ceux-ci varient-ilshistoriquement, culturellement ? La musique fonctionne-t-elle comme simple« décor » accompagnant un processus de retournement du réel, est-elleplutôt un élément déclencheur de celui-ci ou bien encore peut-elle devenirle noyau dur du fantastique, en d'autres termes constituer le phénomènefantastique lui-même (une musique hallucinée ou rêvée) – et en ce cas,avec quels effets sur la construction et la poétique du récit en retour ?Quelles sont alors les grandes fonctions de la musique au sein du dispositiffantastique : n'est-elle qu'outil ? recouvre-t-elle un processus allégorique ?renvoie-t-elle à un indéchiffrable ? On pourra s'interroger ainsi aussibien sur le référent musical dont ilest question - est-il imaginaire ou réel, voire lui-même pièce ou opérafantastique ?- que sur le personnel romanesque associé à ces thèmes,ou encore sur les différents instruments– textuels, sonores - mobilisés à cet effet.

Dans un second temps de cette journée, nousimaginons pouvoir élargir la réflexion à la question de la diégèse dans lesrapports entre musique et fantastique : qu'il s'agisse en effetd'opéra, de musique vocale et/ou instrumentale (Lieder, poèmes symphoniques,…) voire de cinéma (musique de film), lesformes de la représentation et de l'écriture musicales qui se réclament dufantastique dramatisent, préparent, agissent ou commentent elles-mêmes biensouvent l'épiphanie du surnaturel. Qu'advient-il alors du récit fantastiquedans ces dernières ?

De la constitution d'une grammaire sonore dufantastique (Weber ?Berlioz ?) aux jeux sur l'horizon d'attente que crée cette dernière (qu'onsonge par ex. aux musiques des films de David Lynch, et aux effets déceptifsdont elles jouent), on pourra s'interroger aussi bien sur la part del'efficacité du fantastique musical qui revient en propre à la mise en oeuvred'une histoire étrange, qu'à sa priseen charge par une figure – et/ou une« voix » - surnaturelles,ou encore à sa représentation par unerhétorique et dans un espace sonore reconnaissables et/ou, justement, jouant deleur étrangeté acoustique à l'égard de l'oeuvre où ils s'insèrent. Quels sont,par exemple, les moyens dont dispose la composition musicale d'une oeuvre pourfaire progresser celle-ci vers et dans ce moment de retournement du réel quicaractérise le fantastique ? Ces moyens sont-ils seulement – ou bien :encore – de l'ordre de la fable, de celui du récit, de la narration, de l'aménagement de lareprésentation ? ou bien doivent-ils leur puissance d'invocation,d'évocation, de retournement, au surgissement dans la diégèse de ce qui luiserait étranger : suspens discursif, pause orchestrale, développementlyrique, moment – inouï – devacuité ou d'atteinte à l'ineffable… ? Les catégories, littéraires, dupoétique doivent-elles être ainsi elles aussi convoquées, et articulées àcelles du récit, dans l'analyse du « fantastique musical » et de lamanière dont il construit ou déroute la diégèse qui provoque sonépiphanie ? Et quelle part, dans ces procédés qui approprieraient uneoeuvre musicale au genre fantastique, relève-t-elle encore de l'historicité dela notion ?

Tel est l'ensemble des questions que nous nousproposons d'aborder lors de cette journée d'étude, où seront invités quelquesspécialistes de cette question, mais où nous souhaiterions pouvoir compteravant tout sur la présence et l'intervention de doctorants, post-doctorants,jeunes chercheurs, et collègues susceptibles d'être intéressés par lesactivités de l'Axe « Littérature et musique : Poétiques etreprésentations » du Centre de Recherche en Littérature Comparée del'Université Paris 4.

Les propositions de communication (20 mn+10 mn dediscussion), mentionnant titre, objet de l'étude, et résumé de la proposition,sont à adresser, avec vos coordonnées (nom, prénom, fonctions, adresseélectronique et coordonnées postales) sont à adresser d'ici le 15 octobre 2010,délai de rigueur aux trois adresses suivantes :helene.suquet@live.fr, marjorie.berthomier@parisdescartes.fr; audeameille1@aliceadsl.fr


[1] Pierre Brunel, Les Arpèges composés, quatrième decouverture, Paris, Klincksieck, 1997.

[2] Timothée Picard,« Indicible et fantastique », article consultable surwww.fabula.org/revue/document5085.php