Questions de société
Le côté obscur d'Hadopi (Bakchich.info, 04/05/09)

Le côté obscur d'Hadopi (Bakchich.info, 04/05/09)

Publié le par Bérenger Boulay

Voir aussi:  Hadopi : Lettre ouverte à quelques artistes qui ont perdu « leur » gauche -

Sur Bakchich.info:

Le côté obscur d'Hadopi

http://www.bakchich.info/Le-cote-obscur-d-Hadopi,07570.html

Pas net / lundi 4 mai par Anthony Lesme

Hadopipresque hadoptée… Profitons-en pour étudier les points d'ombre dutexte. Avec l'aide du journaliste spécialiste du web Marc Rees, cetteétrange nébuleuse passe au décryptage.

« Y a plein de mines dans ce texte, plein de trappes. Il est pourri jusqu'à l'os ». Telle est la sentence de Marc Rees, journaliste chez PC INpact et grand observateur des multiples péripéties de la loi Création et internet. Les législateurs pro-Hadopi ont profité du second passage de la loi devant le parlement pour glisser de nouvelles mines.L'internaute aura en effet l'obligation de veiller à ce que ces mailsou toutes communications électroniques ne transmettent pas des fichiersprotégés par les droits d'auteurs (Art L. 336-3). Incroyable mesurepuisque les messageries sont loin d'être le premier lieur d'échanges defichiers illicites. (Art L.336-3). Marc Rees analyse :« Onentre dans une logique où le titulaire de l'abonnement doit contrôler,tout contrôler. Comme ce n'est pas possible, il devra prendre appui surle fameux logiciel de sécurisation – payant – et sur lequel transiteraà peu près tous les échanges. Question ultime : qui contrôlera lescontrôleurs ? » La loi s'est bien gardée de le dire.

Le schématel qu'il est voté implique que les ayants droit (producteurs demusique, vidéos, logiciels, jeux vidéos…) ont à leur charge larecherche des adresses IP d'utilisateur qui aurait téléchargé descontenus illégaux. Ils transmettent les adresses à l'Hadopi qui mandateles Fournisseurs d'Accès Internet (FAI) de leur dévoiler l'identiténominative du fraudeur. S'ensuit un message d'avertissement, puis deuxet enfin coupure. Ça parait si simple…


Téléchargez votre propre mouchard

L'un des points les plus obscurs de loi réside dansl'absence d'information sur ce fameux logiciel de sécurisation. Lesdépositaires de la loi se sont bien gardés de préciser quoi que cesoit. En revanche, ils se sont empressés de réaliser un appel d'offre [1](avec un cahier des charges tenu secret) pour désigner l'entreprise quile mettrait en place. Rien ne filtre sur cette entreprise qui toucheraprochainement le pactole afin de mettre en place l'usine à gaz qu'estl'Hadopi. D'avis d'experts, « l'entreprise doit avoir de nombreux capitaux pour être bien vus par les ayants droit ». Les plus gros chasseurs de pirates sont Thomson et Advestigo,firme qui vient de se faire racheter par Hologram industries. Cettecharmante société s'occupe de placer des hologrammes sur nospasseports, les cartes de police française et sur les billets d'euros,un bon client !

À quoi servira ce logiciel de sécurisation ? Conscientpour de multiple raisons que les adresses IP relevées peuvent êtrechargées d'erreurs, l'État va préconiser le téléchargement d'unlogiciel relié directement à l'Hadopi qui contrôlera –on ne sait pascomment, tous les fantasmes sont permis- ce qui transite par votreordinateur. Ce logiciel fera foi de votre innocence. « Yaura deux comportements possibles, pronostique Marc Rees, soit vousêtes un bon père de famille et vous téléchargez ce fameux logiciel–disponible avant l'application de la loi-, soit l'Hadopi qui vous aurarepéré une première fois vous sommera d'installer ce mouchard ».

Les FAI dans la ligne de mire

Autre ambition à demi avouée, le filtrage par les FAI.C'est-à-dire impliquer les fournisseurs d'accès dans la traque desinternautes. Pour l'heure, les FAI sont contre. Selon un porte paroled'un de ces fournisseurs : « on a déjà du mal àfiltrer les sites pédophiles, on ne va pas le faire pour défendre lesmajors. Et puis ça coute cher. Il faudrait qu'on investisse desdizaines de millions d'euros. On devrait reconfigurer les boitiers, lessystèmes, bref c'est un chantier gigantesque puis surtout ça remet encause le principe de neutralité du Net ». Selon Marc rees, les FAI sont le cheval de Troie des « hadopistes ». « Lefiltrage est prévu dans la loi. N'importe quelle autorité judiciaire vapouvoir exiger d'un FAI qu'il mette en place un logiciel. Juridiquementils le veulent. Ils ont l'arme, il ne manque que les cartouches. » Pour les zones wifipubliques, l'Hadopi pourra, par exemple, enjoindre Mc Donald de seservir d'un logiciel de sécurisation. On ne sait pas comment cela vafonctionner, on ne sait pas si ce sera un filtrage protocolaire (où parexemple l'accès aux réseaux Peer to Peer sera interdit) ou un filtragede sites ad nominem considérés comme illicites ou parce qu'ils ont unemauvaise presse. Comme par exemple Bakchich en a eu la regrettable expérience dans la plus belle ville du monde… Bakchich était, en effet, indisponible dans la grande bibliothèque de Marseille et ce plusieurs jours de suite et sans aucune raison valable…

Comment va s'opérer la traque ?

L'Hadopi a promis 10 000 messages d'avertissement parjour. Soit 25 secondes de réflexion par adresse IP… On passe donc d'unetraque artisanale à une traque de masse. La CNIL en 2005 avait refusé à des organisations représentants les ayants droit musicaux ( SACEM, la SCPP, la SDRM, et la SPPF) un système de traque automatique des pirates présumés sur les réseauxPeer to Peer. Dans le projet, les chasseurs de pirates devaienttransmettre aux internautes des messages d'avertissement via lacollaboration des FAI. Advestigo, déjà dans le coup, se chargeait de ladétection technique et les ayants droit devaient transmettre auxinternautes des messages d'avertissement via la collaboration des FAI.Fin de non recevoir pour la CNIL. La traque automatique est qualifiéede « disproportionnée » et les FAI n'ont pas à conserver les données deleur client « pour le compte de tiers ».

La CNIL s'y était opposée pour deux motifs :
puce-68c92.gif Disproportion entre le caractère automatique de la traque et la cible

puce-68c92.gif Ne rentre pas dans l'attribution des FAI « l'envoi de messages pédagogiques pour le compte de tiers » et la conservation « des données de connexions des internautes ».

Mais en mai 2007, le Conseil d'État annule la décision de la CNIL. Selon PC INpact, « lesmagistrats ont estimé, selon les premiers éléments, que compte tenu dunombre d'utilisateurs du Peer to Peer, ce dispositif de contrôleautomatisé était parfaitement proportionné au but recherché. À piratagede masse, action de masse ». Les FAI en revanche étaient écartéspour le moment de toute collaboration. En bref, la première grandeétape de la riposte graduée est née.

Et aujourd'hui on en arrive à un dispositif qui se ditmesuré. Une sélection de 10 000 oeuvres va servir d'hameçon pour choperles pirates. 5 000 anciennes et 5 000 récentes dont une partie serarégénérée toutes les semaines. « Y aurait unesurveillance pour aller cracker les fichiers échangés sur les réseauxP2P grâce à des logiciels de recherche automatique. Suivra une vaguevérification de savoir si l'oeuvre a bien été téléchargé, on relèvel'adresse IP et basta. Une fois que l'adresse IP est relevée,l'internaute qui n'a pas lancé le logiciel de sécurisation est prisdans un étau, il ne peut absolument pas se défendre. Chose gravissime,s'il fait appel au juge, on ne sait même pas si la procédure qui vaêtre lancée sera suspensive. En clair, continuera-t-il à bénéficier desa connexion ? Le texte renvoie à un décret le soin de définir cettequestion là » Encore un point d'ombre… dans la nébuleuse Hadopi.

Des criminels plus durs à pister

Dernier problème, et il est de taille, c'est l'impact d'Hadopi sur la cybercriminalité. « Lerisque qui m'a été confirmé par des policiers travaillant dans cesecteur là. La surveillance globalisée du réseau pour traquer leséchanges considérés comme illicite va générer le développement denouveaux outils. Avec ce jeu de cache-cache, on va développer denouveaux moyens de cryptage qui vont profiter à tout et n'importe quoiet notamment aux réseaux criminels ».

Pour d'autres renseignements, voir le site d'information du Net SVM

À lire ou relire sur Bakchich.info


Hadopi : le pire du pire de l'Assemblée Pas de surprise en vue, la loi Création et Internet va passer. mais nosdéputés savent-ils de quoi ils parlent ? On les a questionnés sur lePeer to Peer et les réponses vont du pire au pire…
L'Hadopi et après ? Députés soyez cette fois-ci au rendez-vous, la loi Création et Internetse vote mercredi. Et après que va-t-il se passer ? Fin de la fraude ?
Sarko fait sa crise d'Hadopi Ce mercredi en fin d'après-midi, les députés doivent examiner àl'Assemblée le projet de loi Hadopi… pourtant rejeté par ces mêmesdéputés, le 9 avril. Petite histoire parlementaire.
Karoutchi, le Droopy de Sarkozy « Si le président voulait ma démission, elle lui était acquise », aconfié Karoutchi au « Monde ». Le secrétaire d'Etat n'est plus en courà l'Elysée qui le tient en partie responsable du rejet à l'Assemblée duprojet de loi Hadopi. (…)
Hadopi au forceps Le projet de loi Création et Internet pourrait être représenté devantles députés le 28 avril. Le retour de la loi dite Hadopi se ferait audétriment d'un texte de lutte contre l'inceste qui figure déjà auprogramme de travail législatif selon une (…) HADOPSCHIIT Entre le gouvernement et le groupe UMP, la connexion est Copé. Le rejetde la loi sur la création et Internet, dite Hadopi, en est le 4eexemple, sans doute le plus frappant.
Albanel, la petite soeur des riches Pour la suite de sa saga spéciale médias, « Bakchich » a décidé derevenir sur dame Albanel, nouvelle prêtresse de la télévision dedemain. La rentrée qui approche à grands pas risque en effet d'êtrechargée pour la ministre de la Communication et de la (…)

À voir sur Bakchich.TV

Tambouille parlementaire : la madeleine de Probst

Copé fanfaronnait… quelques jours avant le couac Hadopi

Hadopi : Vanneste allume Copé

Lefebvre et Paillé jouent les tontons flingueurs

NKM confond geeks et no-life

Clash à l'Assemblée : Albanel et la Gestapo

Quand le web parodie Hadopi

Un gouvernement pas très "net"