Actualité
Appels à contributions
Le corps marionnettique comme corps frontière

Le corps marionnettique comme corps frontière

Publié le par Matthieu Vernet (Source : elise van haesebroeck)

« Le corps marionnettiquecomme corps-frontière »

Journée d'études LLA-CREATIS, Maisonde la Recherche, Université Toulouse Le Mirail

Vendredi13 mai 2011- Salle D 31 - Maison de la Recherche

A l'heure où les arts de lamarionnette jouent de la rencontre du corps vivant et du corps inanimé dans lamanipulation à vue[1],où les techniques des marionnettes portées, de l'acteur marionnettisé, de lamarionnette hyperréaliste ou à taille humaine font partie des multiplespossibles de « l'instrument marionnette »[2], cette journée d'études souhaite prendre un reculthéorique et historique sur la question des relations entre le corps et lamarionnette à partir d'un point de vue particulier : qu'est-ce que lamarionnette fait au corps ?

Qu'est-ce que la marionnette faitau corps humain qui la manipule et dont elle devient une partie, au corpshumain qui l'imite en se marionnettisant mais aussi à la représentation ducorps, au concept de corps, en proposant un corps différent, en mettant enscène la question de l'indétermination des frontières du corps, en donnant àvoir un corps hybride, un corps-frontière, un corps au seuil entre l'organiqueet le non-organique.

Car la marionnette, dans lestextes comme dans la pratique scénique, propose toujours une mise en questiondu corps et un autre possible des corps :

- corps grotesque (Polichinelle et ses avatars). Lecorps de Polichinelle et de ses avatars, caractérisé par de suggestivesproéminences (ventre pointu, bosse dans le dos, nez saillant, associés à unesymbolique sexuelle) rejoint toute une culture carnavalesque du « bascorporel » dont on peut interroger les manifestations marionnettiques. Ilest aussi corps étrange, étranger, animalisé (Pulcinella viendrait du mot« poulet » en italien, le personnage naît d'un oeuf), corps masculin phallique,mais capable d'enfanter… L'étrangeté de ce corps marionnettique traditionnel inquièteautant qu'il fait rire, renvoyant à des questionnements d'ordre anthropologiqueet philosophique sur les frontières de l'humain.

- corps magique (la féérie, la danse, le théâtred'ombres – Luc Amoros)

- corps érotique (Émilie Valantin et les Contesgrivois de Lafontaine)

- corps métamorphique (Néville Tranter, IlkaShönbein…) : dans Schicklgruber, alias Adolf Hitler deNéville Tranter, la marionnette et l'acteur sont en confrontation permanenteentre dominant et dominé ou entre fort et faible. En effet, un même personnage peutêtre joué par un pantin désarticulé ou par le comédien manipulateur - il lescampe tous à lui seul. Le corps de Néville Tranter se métamorphosecontinuellement, effectuant des allers-retours entre manipulateur etpersonnage. La frontière entre corps de chair et corps marionnettique est ainsirendue poreuse.

- corps caché, corpssublimé (des marionnettes portées quicachent et transfigurent à la manière dont le masque exhausse le visage à unedimension spirituelle ou symbolique)

- corps anéanti,disloqué, déchiqueté, corps contraint(Kantor, François Tanguy, Josef Nadj) : Dans Coda et Ricercar,les deux dernières créations du Théâtre du Radeau, François Tanguyinterroge la frontière entre vie et mort en créant de l'ambiguïté et de lacontinuité entre le personnage et le mannequin, comme si chaque corps avait uncorps-remplaçant. Ainsi, il chorégraphie une pantomime entre le choeur, lepersonnage de la mariée et son mannequin en contraignant le corps de lacomédienne - Laurence Chable - afin de brouiller les frontières entre levivant et le non vivant. Lorsque les hommes du choeur dansent avec la mariée, onne parvient plus à distinguer le corps de la comédienne de celui du mannequin.Les mannequins constituent ici lesdoubles des personnages vivants, comme s'ils étaient doués d'une consciencesupérieure atteinte après la consommation de leur propre vie.

- corps utopique : Schlemmer, Jarry, à larecherche d'un « nouveau corps » pour l'acteur, voire d'un nouveaucorps humain qui soit un corps philosophique, métaphysique (Craig, Kleist et lerêve marionnettique d'un corps habité par la grâce). Corps éthiques dans lethéâtre contemporain « avec marionnette », où une dramaturgie du« soin » et de la « responsabilité » apparaît entremanipulateurs et marionnettes incarnant la fragilité humaine[3]. (Didier Plassard)

- On pourra éventuellement aller jusqu'à explorer l'analogie entre corps marionnettique etcorps politique : en quoi la transfiguration du corps face à lamarionnette engage-t-elle une autre vision possible du corps politique ?

Cettejournée d'études, qui se veutsans limitation chronologique ou géographique, souhaite ainsi commencerune réflexion sur le corps et la marionnette à partir de l'idée que touterecherche marionnettique contient en elle une certaine philosophie et unecertaine utopie du corps.

Les propositions de communication(une vingtaine de lignes maximum) peuvent être envoyées à Hélène Beauchamp, JoëlleNogues ou Elise Van Haesebroeck, avant le 31 janvier 2011.

Hélène Beauchamp :helene.beauchamp@wanadoo.fr

Joëlle Nogues :nogues.joelle@wanadoo.fr

Elise VanHaesebroeck : elisevh@hotmail.com

Responsablesscientifiques : Hélène Beauchamp, Joëlle Nogues, Elise Van Haesebroeck

Responsable administratif :Thomas Perrin


[1]Voir le colloque « Corps vivant/corps marionnettique : enjeux d'uneinteraction », Arras, 2010.

[2]Expression privilégiée du marionnettiste Alain Recoing pour parler de son art.

[3]Voir Didier Plassard, « Marionnette oblige : éthique et esthétiquesur la scène contemporaine », in Théâtre/Public.La Marionnette ? Traditions, croisements, décloisonnements, juin 2009,p. 22-25. Dossier publié sous la direction de Julie Sermon.