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Le corps dans tous ses états

Le corps dans tous ses états

Publié le par Alexandre Gefen (Source : René Bolduc)

Le corps dans tous ses états
Appel de textes pour le 3e numéro de Médiane

L'histoire du corps se confond avec celle des multiples visions du monde. Tombeau de l'âme, machine, grande raison, signe de notre animalité, vitrail de l'âme, oeuvre d'art : au fil des siècles, religion, art, science et philosophie ont en effet modelé la compréhension du corps et ses relations avec l'esprit, fixant les normes devant lui être appliquées et les pratiques qui en découlent. Les innombrables façons de l'habiller, de l'habiter, de le nourrir, de le soigner, de le surveiller, de le dominer ou de le fuir, de le penser ou de le représenter témoignent de ce corps miroir et réceptacle de la culture.

Qu'en est-il du corps aujourd'hui? Depuis quelques décennies, le rapport que l'on entretient en Occident avec ce compagnon de notre existence qui, sans accident ou maladie grave, peut espérer vivre plus de 90 ans, s'est profondément transformé. Enjeux économiques, politiques et identitaires s'entremêlent dans ce que certains appellent la religion du XXIe siècle. Des pans entiers de l'économie se mettent au service d'un culte hédoniste du corps, voie royale pour construire son identité personnelle et pour rechercher son bien-être tant physique que mental. Le temps où le corps était soumis à des règles unifiées semble révolu : chirurgie esthétique, piercing, tatouage, soins, hygiène, conduites à risque, sexualité diversifiée, efforts physiques constituent ainsi autant d'explorations de ce droit à disposer de soi-même. Le sujet contemporain désire sculpter ce corps pour le faire correspondre à l'image qu'il a de lui-même et se définir à travers ses capacités et ses performances.
La science, de son côté, en est à bricoler le post-humain. Cyborg, HGM (humain génétiquement modifié) et Smart Drugs ouvrent des perspectives déjà imaginées par la fiction et l'art, où il est désormais possible de réparer le corps, le reproduire, le contrôler et augmenter ses capacités.

Ces nouvelles représentations du corps ne vont pas sans soulever d'innombrables questions, pour lesquelles les conceptions traditionnelles ne suffisent peut-être plus. Par exemple, la liberté du corps semble insidieusement se payer de nouvelles formes de régulation. L'idéologie du « tout, tout de suite », les pressions sociales et l'accessibilité des moyens ne font-ils pas de nous les esclaves de stéréotypes « photoshopés », de désirs fabriqués, de mises en scène de soi? Le culte immodéré du corps et l'exaltation d'une éternelle jeunesse laissent-ils intacts les enjeux reliés à la sexualité, l'avortement, l'euthanasie? La prostitution volontaire, par exemple, est-elle une expression du droit de disposer de son propre corps? Et à l'heure du syncrétisme culturel, peut-on feindre d'ignorer tous ces corps souffrants, mutilés, abusés, meurtris, au nom de différents impératifs? Le corps comme objet scientifique repose en outre la question des limites humaines : si le vieillissement et la mort ne semblent plus une fatalité, si les frontières entre le mécanique et l'organique s'estompent, qu'en est-il dès lors de la « nature humaine »? Qui ou que sommes-nous, finalement? Ce bref survol le montre bien : le corps ne peut plus être réduit à un ensemble de besoins matériels. À l'écoute de l'histoire et des défis soulevés, les lumières de la philosophie, des sciences humaines et de la nature sont plus que jamais requises pour penser et dire le sens aujourd'hui.

Prière de faire parvenir vos textes au rédacteur en chef de la revue Médiane (redaction@revuemediane.ca) avant le 15 mai 2007.