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Journées d'études :

Journées d'études : "Le conte d'artiste" (Nantes, Lille et Bordeaux)

Publié le par Aurelien Maignant (Source : dominique Peyrache-Leborgne)

Le Conte d’artiste (XIXe-XXIe siècles)

 

Ouvrage collectif et Journées d’études internationales

Vendredi 17 janvier 2020 (Nantes), mercredi 04 mars 2020 (Lille),

mai (date à préciser) 2020 (Bordeaux)

Universités de Nantes, de Lille SHS et de Bordeaux

 

RESPONSABLES SCIENTIFIQUES

- Christiane Connan-Pintado, Maître de conférences émérite, Université de Bordeaux Montaigne, Equipe TELEM (EA 4195)

-Dominique Peyrache-Leborgne, Professeure de littérature comparée, Université de Nantes, Laboratoire de l’AMO (EA 4276)

-Bochra Charnay, Docteur ès Lettres, Université Lille sciences humaines et sociales, UR 1061 ALITHILA

 

PRÉSENTATION

Le Romantisme a donné ses lettres de noblesse au genre du conte en le faisant sortir des hiérarchies littéraires qu’avait imposées le Classicisme. Le genre resta longtemps associé à l’idée de minores, alors qu’il fut pourtant très tôt apprécié dans les salons mondains, grâce à Perrault, Mlle Lhéritier, Mme d’Aulnoy, etc., et très pratiqué tout au long d’un xviiie siècle qui ne dédaigna ni le conte merveilleux de divertissement ni le conte philosophique.

Mais à l’aube du Romantisme, comme l’a souligné Joëlle Légeret, « les traductions et réécritures de ce corpus aboutissent à la constitution de multiples variations génériques, telles que les ''contes de fées'' (Feenmärchen), les ''contes d’art'' (Kunstmärchen), les ''contes du peuple'' (Volksmärchen) ou encore les ''contes pour enfants'' (Kindermärchen), et donnent lieu à d'intenses débats esthétiques et idéologiques sur les différences entre les formes génériques et leurs portées morales respectives[1]».

L’essor du conte littéraire romantique coïncida bien sûr également avec la grande vague de réhabilitation du folklore, qui se déploya à partir de la seconde moitié du xviiie siècle, d'abord chez les « antiquaires » anglais, collecteurs de ballades[2], puis grâce à l'éminent relais que fut Herder, enfin et surtout à travers la collecte entreprise par Jacob et Wilhelm Grimm.

Cette collecte aboutit à la publication, à partir de 1812, des Kinder- und Hausmärchen, corpus que l’on pourra aussi interroger à l’aune de la problématique du conte d’artiste : ces contes si célèbres sont-ils uniquement des contes populaires fidèlement retranscrits, ou bien sont-ils aussi des contes réécrits, ciselés au fil des rééditions et en un sens de véritables Kunstmärchen, en dépit des affirmations des frères Grimm eux-mêmes, très attachés à la notion de Volkspoesie ? La frontière, indécise, entre le conte populaire et le conte d’artiste, doit être réexaminée au-delà des catégorisations romantiques, comme le montrent également les deux contes retranscrits par le peintre Philipp Otto Runge (Le Conte du pêcheur et sa femme, Le Conte du genévrier) et communiqués aux frères Grimm.

C'est ainsi que, tout au long du XIXe siècle, le conte d'artiste ou conte d'auteur, inspiré plus ou moins lointainement par le conte merveilleux traditionnel, sera promis à un grand développement. Certains conteurs y gagneront un rayonnement international presque aussi étendu que celui des frères Grimm : Andersen au premier chef qui, influencé au départ par les contes de Grimm, conquit très vite son autonomie, et auquel ces journées d’études voudraient donner toute sa place ; mais il faudrait aussi se pencher sur les Kunstmärchen de Ludwig Tieck, de Clemens Brentano, de Joseph von Eichendorff, d’Hoffmann[3] ; sur les Contes de Pouchkine, de Charles Nodier, de Théophile Gautier, d'Alexandre Dumas et de Charles Deulin ; sur le remarquable ensemble poétique que constituent les Contes d'une Grand-mère de George Sand (1873) et, pour le domaine britannique, Dealings with the Fairies de George MacDonald (1867) ou encore The Happy Prince and Other Tales d'Oscar Wilde (1888)…

La liste est longue : jusqu’à la fin du XIXe siècle, une très riche moisson de contes d’artiste témoigne de la profonde influence du genre et de sa capacité à utiliser le merveilleux pour aborder les sujets philosophiques et socio-politiques les plus centraux et les plus complexes. Le XXe prolonge cet engouement, notamment avec Le trésor des contes et Gaspard des montagnes d’Henri Pourrat.

Mais, dès lors, que reste-t-il des notions de « forme simple », de forme « naïve », attachées depuis les Grimm au genre du conte comme l’a montré l’ouvrage célèbre d’André Jolles ? Que reste-t-il de la morphologie du conte populaire (les trente et une fonctions proppiennes, ou le « meccano du conte » selon Claude Brémond) dans le cas des réécritures artistes de contes traditionnels d’une part, et dans celui de l’invention pure et simple de contes nouveaux d’autre part ?

On s’intéressera aussi aux reconfigurations du conte merveilleux à l’époque naturaliste et dans le cadre de l’esthétique décadente. Le triomphe du rationalisme positiviste et du réalisme socio-historique laisse-t-il encore une place aux fantaisies et à la féerie, ou bien soumet-il le genre à un décapant retour aux catégories du réel, en accordant finalement plus d’intérêt, parmi les formes brèves, au genre de la nouvelle, même si le terme de « contes » reste utilisé ?

Comment considérer les Contes à Ninon (1864) et les Nouveaux Contes à Ninon (1874) de Zola en regard de sa déclaration ultérieure dans Le Naturalisme au théâtre : « Il faut choisir, ou la féerie ou la vie réelle[4]». Par ailleurs, l’ouvrage devenu classique de Jean de Palacio sur Les Perversions du merveilleux (1993) a montré à quel point l’esthétique décadente s’était ingéniée à retrouver le sens du merveilleux tout en parodiant le conte classique, en le retournant dans le sens du désenchantement, de la désillusion, mais aussi en le complexifiant et en le raffinant souvent à l’extrême sur le plan du style. Dans le cadre de ces reconfigurations, de quelles catégories génériques relèvent finalement les Contes de la Bécasse de Maupassant, Le Rouet des brumes de Georges Rodenbach, Princesse d’ivoire et d’ivresse de Jean Lorrain ou encore les Contes de la décadence romaine de Jean Richepin ?

Enfin, une place sera faite à la forme contemporaine du conte d’artiste, destinée en priorité à un lectorat adulte (ou du moins à des usages du conte qui le font sortir du cadre strict de la littérature de jeunesse). Dans cette perspective, les enjeux éthiques et esthétiques des réécritures contemporaines seront examinés à travers les œuvres d’écrivains tels qu’Angela Carter (The Bloody Chamber), Tahar Ben Jelloun (Mes Contes de Perrault), mais aussi d’illustrateurs et d’auteurs de courts-métrages tels que Sarah Moon (Le Petit Chaperon rouge, Quatre Contes), qui réinventent un rapport véritablement tragique et torturé, loin des clichés qui entourent habituellement les contes pour enfants, réputés pour leur dénouement réconfortant et leur imaginaire idyllique.

Certains albums très contemporains reposent également sur le principe de destinataires doubles, en jouant sur des niveaux de lecture potentiellement différenciés selon les âges, comme dans l’album Cœur de bois de Henri Meunier et Régis Lejonc. Choisir d’aborder le « conte d’artiste » en littérature de jeunesse, en particulier sous le format de l’album, nous intéressera à condition qu’il s’agisse d’œuvres exigeantes dont l’approche témoigne, selon Catherine Tauveron, d’une intention artistique et suscite une attention esthétique.

 On cherchera ainsi à croiser plusieurs approches épistémologiques : la recontextualisation historique (romantisme, naturalisme, décadence, époque contemporaine) ; les effets d’hybridité culturelle (du « populaire » au « littéraire ») ; le mélange des genres (conte, nouvelle, roman, poésie, poème en prose, pièce de théâtre) ; le glissement des tonalités et des registres (du merveilleux au fantastique – le premier romantisme tend parfois à ne pas les distinguer). On interrogera la dimension axiologique d’un genre qui nous conduit aux confins de l’apologue et de l’allégorie, articulant le poétique au politique, et le politique au philosophique. Enfin, une place sera faite à la question de l’illustration et de l’iconotexte, bien des contes d’artistes ayant bénéficié, depuis le XIXe siècle, du talent de grands illustrateurs et graveurs.

La première journée d’étude (Nantes) sera plutôt centrée sur le XIXe siècle, la seconde journée (Lille) s’orientera davantage vers l’étude du genre dans son aspect hybride et ductile qui le fait passer d’une production orale vers un récit d’écrivain (Souvestre, Deulin, Mistral, Pourrat etc.) et la troisième journée (Bordeaux) mettra l’accent sur la période contemporaine (XX-XXIe siècles).

 

PROPOSITIONS

Les propositions de communication (d'environ 2000 signes et assorties d'une courte notice bio-bibliographique) devront être adressées à :  dominique.leborgne@univ-nantes.fr, christiane.connan-pintado@orange.fr et bochra.charnay@univ-lille.fr avant le 31 décembre 2018.

Les réponses seront communiquées avant le 31 janvier 2019.

L'ouvrage collectif sera soumis pour publication aux Presses universitaires de Rennes. 

 

NOTES

[1] Legeret J., « Contes pour enfants ou livre d'éducation ? Albert Ludwig Grimm et les "frères Grimm" autour de S(ch)neewittchen », Féeries n° 13, Grenoble, Ellug, 2016, p. 218.

[2] L'ouvrage le plus célèbre à cet égard est celui de Thomas Percy, Reliques of Ancient English Poetry, 1765.

[3] Pour Hoffmann, l’on pourra s’interroger sur l’usage que ses récits brefs et ses romans font du merveilleux.

[4] Zola, Emile, « Le naturalisme au théâtre » (1881), Œuvres complètes, Henri Mitterand (éd.), Paris, Nouveau Monde Éditions, 2002-2010, t. 10, p. 181.