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Le Collège de sociologie : crise d'une avant-garde

Le Collège de sociologie : crise d'une avant-garde

Publié le par Marielle Macé (Source : Sylvain Santi)

LE COLLEGE DE SOCIOLOGIE : CRISE D'UNE AVANT-GARDE

Les activités du Collège de sociologie auront duré deux ans de 1937 à 1939 et rassemblé des personnalités qui sont parmi les plus en vue de la vie littéraire et intellectuelle du moment – Bataille, Caillois, Leiris, Klossowski, Kojève, Paulhan…

Si le Collège n'a pas développé de véritable doctrine ou de système arrêté, il était animé en revanche du désir de fonder une "sociologie sacrée" qui devait notamment permettre d'inventer une nouvelle organisation de la société en rupture avec tous les modèles politiques existants, et peut-être surtout avec la politique elle-même. Hostile au fascisme, opposé radicalement à l'ordre bourgeois, suspicieux à l'égard du communisme, le Collège s'inscrit sous la bannière d'une double injonction qui, par ailleurs, marque une rupture franche avec les tenants de la littérature engagée : ni politique, ni littérature. Ce double abandon s'opère au profit d'un savoir dangereux, qui engage celui qui sait en le mettant en contact avec ce qui est objet, non pas de savoir, mais, comme l'écrit Denis Hollier, « de ces formes d'ignorance que sont le mépris, le dégoût, voire la peur ».

C'est dans la perspective de cet engagement existentiel, non dénuée de paradoxes, que le Collège se réclame de plusieurs influences : principalement Mauss et Durkheim, mais aussi, et dans une autre mesure, Dumézil, Freud ou encore Hegel. Bien que le Collège ne reconnaisse que timidement que le contexte international détermine pour une large part la nécessité de son existence, il n'en demeure pas moins que la crise qui couve à la fin des années 30 influence à la fois ses recherches et ses grandes orientations : la montée en puissance des fascismes, les prétentions territoriales de plus en plus affichées de l'Allemagne et de l'Italie, l'impuissance des démocraties à y répondre sont autant d'éléments dont l'urgence est perceptible dans ses différentes séances. C'est ainsi qu'en novembre 1938 le mot "crise" apparaît en toutes lettres dans ce qui reste l'un des moments forts de cette tentative : la "Déclaration du Collège de Sociologie sur la crise internationale" qui fait suite aux accords de Munich. 

Né dans ce contexte de crise, le Collège s'est d'abord voulu un agent de crise capable de provoquer un tournant décisif dans l'évolution de la société et il aura été, a posteriori, un moment de crise dans l'oeuvre et la pensée de bon nombre de ses participants.

En suivant le fil conducteur que nous offre ce mot, nous voudrions proposer trois axes d'étude principaux :

- crise des intellectuels : refusant à la fois la politique et la littérature, quels choix restaient offerts aux animateurs du Collège ? quel(s) rôle(s) et quel(s) statut(s) ses instigateurs ont-ils voulu s'attribuer ? a posteriori, quelle(s) figure(s) de l'intellectuel peut-on voir se dessiner dans ce qui nous en est parvenu ? …

- mettre la politique en crise : que faire face à l'impuissance des démocraties quant à la menace du fascisme ? comment, par exemple, déterminer les liens entre mythe et démocratie ? peut-on seulement les redéfinir ? …

- un moment de crise : à quoi finalement le collège a-t-il donné naissance dans la pensée et les oeuvres de ses principaux animateurs ? quel moment particulier représente-t-il dans le parcours de chacun ? en quel sens peut-il être vu comme une crise de la pensée ? quelle influence a-t-il exercée sur des auteurs qui n'y ont pas directement pris part ?…

Bien entendu, l'ensemble de ces questions n'est donné qu'à titre indicatif et n'est pas exhaustif, le sujet abordé appelle sans doute d'autres analyses.  Le colloque sera organisé en septembre 2008 à Chambéry.

Les propositions sont à envoyer avant le 31 mars 2008 à : sylvain.santi@univ-savoie.fr