Questions de société

"Le Cnrs recrute-t-il les meilleurs ?" (Libération, 5/2/8).

Publié le par Marc Escola

Dans la rubrique "Frictions" du quotidien Libération daté du 5 février dernier, on pouvait lire sous le titre "Recruter les meilleurs ?" cette tribune signée Sylvestre Huet :

"Comment attirer les meilleurs des jeunes cerveaux vers la recherche ? La question, qui tourmente nos politiques, s'impose au regard des départs à la retraite massifs en cours dans les labos. Le rapport Attali préconise l'abandon du recrutement sur des postes de permanents. A l'opposé, Sauvons la recherche demande la création de 5 000 postes par an pour la recherche et l'enseignement supérieur. La ministre Valérie Pécresse se contente de remplacer les départs. Et tous s'interrogent : les plus agiles de la cervelle vont-ils se présenter ? Une partie de la réponse vient de surgir du premier appel d'offre de l'European research council, le conseil européen de la recherche.

Tout juste né, il a décidé de distribuer près de 300 millions d'euros sur cinq ans à 300 jeunes - titulaires de leur thèse depuis moins de neuf ans - pour former une équipe et conduire un projet de recherche «excellent». Appâtés par la bourse - environ un million d'euros - près de 10 000 jeunes scientifiques ont envoyé leur dossier. Autant dire que la compétition fut sévère. Le résultat dessine les forces et faiblesses des politiques éducatives et scientifiques en Europe. La France, avec 12 % des lauréats, si l'on compte par laboratoire d'accueil de l'impétrant et non par nationalité, se situe en deuxième place, derrière le Royaume-Uni, devant l'Allemagne. Pas mal, donc. Mais le plus intéressant se lit dans le statut des lauréats. Au CNRS, qui en truste 29 à lui seul, 26 sont titulaires d'un emploi de chargé de recherche. Cette écrasante majorité de chercheurs à plein temps contraste avec le faible nombre de jeunes universitaires parmi les lauréats. Cela aurait-il à voir avec la manière dont le CNRS recrute et avec le type d'emploi qu'il propose : concours national largement ouvert aux étrangers (un quart des recrutements), offrant un poste en CDI, sans charge d'enseignement obligatoire et liberté de recherche ? Malgré des salaires peu compétitifs, le CNRS attire donc les «meilleurs». Cela signifie-t-il que le recrutement universitaire a failli ? L'un des lauréats, James Badro (Institut de physique du globe), accuse le trop grand nombre d'heures d'enseignement auxquels sont astreints les jeunes maîtres de conférence. Si l'on n'allège pas ce boulet, la loi LRU (loi d'août 2007 relative aux libertés et responsabilités des universités), qui prévoit un recrutement par des comités nommés par le président de l'université, ne devrait rien changer. En attendant, ne pas casser ce qui marche le mieux semble prudent."