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L'image satirique existe-t-elle ? L. Bihl et J. Schuh (Séminaire TIGRE, ENS Paris)

L'image satirique existe-t-elle ? L. Bihl et J. Schuh (Séminaire TIGRE, ENS Paris)

Publié le par Marc Escola (Source : Evanghelia Stead)

Laurent Bihl (Université Paris I) et Julien Schuh (Université de Nanterre, IUF)

L'image satirique existe-t-elle ?

Séminaire TIGRE, séance 7

 

On met facilement dans le même sac notionnel les illustrations livresques et les dessins de presse. Or les formes de l’image satirique soulèvent divers « lièvres » des pratiques de l’illustration, des évidences de l’image imprimée qui sont loin d’être toujours vraies. Nous aborderons divers aspects problématiques de « l’illustration » que les images satiriques mettent particulièrement en lumière :

- un aspect socio-économique : qui dit illustration dit illustrateur. Comment la naissance d’un métier déterminé par la production d’« illustrations » a-t-elle influencé la conception de l’image dans l’imprimé, en particulier dans la presse, lieu constituant pour l’imaginaire de ce métier ? La différenciation entre dessinateur, artiste, illustrateur, bédéiste est-elle si claire que cela ? Les parcours des dessinateurs de presse satirique tendent à démontrer au contraire une fluidité certaine entre ces postures. La multiplicité des stratégies de positionnement des illustrateurs par rapport aux écrivains passe souvent par une mise en scène dans l’espace typographique du sommaire, de la couverture ou de la page de titre, qui peut servir de miroir pour une analyse sociologique de la production d’images.

- un aspect de poétique des supports : il faut refuser de séparer les images dans l’imprimé (livres et périodiques) et celles qui circulent sur les affiches, dans les salons, les musées. Or l’image satirique, qui met souvent en scène la ville et les autres formes de production d’images (photographie, peinture…) peut apparaître comme une réflexion en acte sur le continuum spectaculaire de la société du XIXe siècle. C’est également par le biais d’une analyse des réponses aux contraintes de partage de l’espace des pages des périodiques que l’on peut faire ressortir diverses modalités des rapports textes-images : des périodiques comme Le Rire ou L’Assiette au beurre, au format magazine et mettant l’image au premier plan, interrogent son statut : une image en périodique est-elle seulement une illustration ? Un livre illustré et un magazine d’images entretiennent peut-être plus de différences que de similitudes.

- un aspect narratologique : l’illustration ne dirait rien ; elle ne ferait que montrer, mettre en scène des objets que seul le discours permettrait d’articuler entre eux. Or les ressorts de l’image satirique, qu’elle soit caricature, scène de genre ou proto-bande-dessinée, démontrent la capacité intrinsèque de l’image à produire du sens et en particulier un sens narratif.

- un aspect esthétique : y a-t-il un trait satirique dans l'illustration de livres fin-de-siècle par Willette, Steinlen ou Grandjouan (Bubu de Montparnasse) ? Des œuvres poétiques (Rictus), des chansons (Bruant) et même des essais (Le Rire de Coquelin Cadet) pourraient permettre de différencier les différentes modalités illustratives d'un trait connoté (satirique?). Les satiristes, lorsqu'ils s'attaquent à une fonction illustrative, perdent (totalement ou partiellement) leur veine satirique/comique ce qui permet d'interroger le comique visuel comme champ (essentiellement?) autonome. Il est par exemple assez remarquable que les éditions des pièces de théâtre (Courteline par exemple) ne soient pas illustrées ou exceptionnellement.