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Langues d'Anima. Écriture et histoire contemporaine dans l'œuvre de Wajdi Mouawad

Langues d'Anima. Écriture et histoire contemporaine dans l'œuvre de Wajdi Mouawad

Publié le par Laure Depretto (Source : Claire Badiou-Monferran et Laurence Denooz)

 

Colloque internationnal

27 et 28 novembre 2014

Université de Lorraine – Campus Lettres et Sciences Humaines

Langues d'Anima

Écriture et histoire contemporaine dans l'œuvre de Wajdi Mouawad

 

Responsables scientifiques

Claire Badiou-Monferran, Professeur en langue et stylistique françaises, Université de Lorraine (claire.badiou-monferran@univ-lorraine.fr)

Laurence Denooz, Professeur en littérature et culture arabes contemporaines, Université de Lorraine, Université Libre de Bruxelles (laurence.denooz@univ-lorraine.fr)

 

Comité scientifique

Nehmetellah Abi-Rached, Professeur de langue et de civilisation arabes, Université de Strasbourg

Patrick Boucheron, Professeur d’histoire, Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne

Maya Boutaghou, Assistant Professor, littérature comparée, Florida International University

Jacques Dürrenmatt, Professeur de langue et stylistique françaises, Université Paris-Sorbonne (Paris 4)

Florence Fix, Professeur en littératures et arts, Université de Lorraine (Nancy)

Hervé Guay, Professeur d’études théâtrales, d’interartialité et d’interculturalité, Université du Québec à Trois-Rivières

Pierre Halen, Professeur de littérature générale et comparée, Université de Lorraine (Metz)

Nadia Grine, Maître de conférences HDR en sciences du langage, Université d’Alger 2

Jean-Marie Klinkenberg, Professeur émérite en sciences du langage, Université de Liège

Xavier Luffin, Professeur de littérature arabe, Université libre de Bruxelles

APPEL À COMMUNICATIONS

Articulant écriture de l’histoire contemporaine et histoire contemporaine de l’écriture, l’œuvre littéraire de Wajdi Mouawad semble tout entière traversée par une même question obsédante : comment parler des événements traumatiques récents? L’une des réponses apportées par Anima (2012, Leméac / Actes Sud) tient à l’usage de voix, mais aussi de langues multiples. Le deuxième roman de l’artiste libano-canadien, qui s’inscrit dans le prolongement du premier (Visage retrouvé, 2002) et qui, par bien des aspects, fait écho à la tétralogie théâtrale du Sang des promesses (Littoral, 1997 ; Incendies, 2003 ; Forêts, 2006 ; Ciels, 2009) s’écrit de fait en plusieurs langues : le français de France principalement, mais aussi, plus localement, l’anglais, le québécois, l’amérindien, le latin et l’arabe libanais. Or, à l’exception notable de ce dernier, glosé en français par le truchement d’un personnage interprète, cette mosaïque linguistique ne fait l’objet d’aucune traduction. Signe d’une « littérature mondiale » faisant sienne le polylinguisme de l’époque contemporaine, sa présence à la surface du texte renvoie aussi, en profondeur, à la quête « d’une langue ancienne, oubliée, parlée jadis par les humains et par les bêtes aux rivages des paradis perdus » (Anima, p. 388), et dont le narrateur, dans les toutes dernières lignes du roman, se demande « qui osera jamais […] les rejoindre et apprendre auprès d’eux à reparler et à déchiffrer ce langage » : « Quel animal ? Quel homme ? Quelle femme ? Quel être ? Celui-là […] aurait à l’intérieur de sa bouche […] les fragments d’une langue disparue dont nous cherchons inlassablement et depuis toujours l’alphabet. Nous réapprendrions à parler. Nous inventerions des mots nouveaux […] Tout ne serait pas perdu » (ibid.). 

Centrale, la question du métissage linguistique constitue la table d’opération commune où communiquent dénonciation politique (notamment, mais sans exclusive, celles du massacre des Indiens d’Amérique, de la guerre au Moyen-Orient, des impérialismes occidentaux), recherche identitaire (« Wahhch [le protagoniste amnésique] retrouverait son nom », ibid., p. 388) et projet esthétique (celui d’un artiste-« scarabée » qui, à l’instar de l’insecte, « se nourrit de la merde du monde pour lequel il œuvre, et [qui,] de cette nourriture abjecte […] parvient, parfois, à faire jaillir la beauté » ; cf. Site officiel de Wadji Mouawad, URL : http://www.wajdimouawad.fr/. Consulté le 16 octobre 2013). À partir du carrefour du polylinguisme et du multiculturalisme, on se proposera d’explorer plusieurs axes et pistes d’études.

Axe 1 : La refondation tout à la fois textuelle et générique de la matière romanesque

Dans quelle mesure le choix d’un polylinguisme sans traduction repousse-t-il les bornes de l’unité minimale de compréhension du texte romanesque ? Quelles nouvelles modalités de lecture implique-t-il ? Comment s’articule-t-il – ou non – à un changement de point de vue et de voix (la narration, dans Anima, étant d’un bout à l’autre prise en charge par les divers animaux témoins de l’odyssée américaine du protagoniste) ? Est-il spécifique au genre romanesque? Quid de son application au théâtre de Wajdi Mouawad (voir Ciels, 2009) ?

Axe 2 : Les « écholalies »

Anima invite l’analyste à repenser le concept bakhtinien de dialogisme et ses avatars contemporains (la transtextualité, l’interdiscours et la polyphonie notamment) à travers la notion, récemment théorisée, d’« écholalie ». Par-delà la définition dix-neuviémiste du phénomène, comme « répétition automatique de mots prononcés par autrui », les écholalies sont aujourd’hui comprises comme des processus de résonance d’une langue dans une autre. Elles sont requises à l’appui de la thèse selon laquelle « chaque langue est l’écho d’une autre, dont elle ne cesse de porter témoignage », et plus radicalement, « l’écho de ce babil enfantin dont l’effacement a permis le langage » (Heller-Roazen, Écholalies. Essai sur l’oubli des langues, [2005], trad. fr. 2007). La mosaïque linguistique d’Anima, en quête d’une « langue ancienne, oubliée » met la notion d’écholalie à l’épreuve de la fiction romanesque. Dans quelle mesure cette expérimentation fait-elle bouger le concept de dialogisme, que l’on pensait stabilisé ? Comment reconfigure-t-elle les relations de la fiction romanesque à l’oubli et à la mémoire ?

Axe 3 : La corrélation de l’exil politico-linguistique à l’hybridation culturelle

Toute l’œuvre de Mouawad, et plus spécifiquement Anima, interroge tant ce que Todorov et Bakhtine appellent l’exotopie que la notion d’exil intérieur, et, partant, participe à la production d’une réflexion sur la déconstruction/reconstruction identitaire, individuelle ou collective. Ainsi, en se fondant notamment sur la théorie de Bakhtine, selon lequel « Une compréhension active ne renonce pas à elle-même, à sa propre place dans le temps, à sa propre culture, et elle n’oublie rien (…) L’important dans l’acte de compréhension, c’est pour le comprenant, sa propre exotopie dans le temps, dans l’espace, dans la culture par rapport à ce qu’il veut comprendre. […] Dans le domaine de la culture, l’exotopie est le moteur le plus puissant de la compréhension. Une culture étrangère ne se révèle dans sa complétude et dans sa profondeur qu’au regard d’une autre culture. » (Bakhtine, Mikhaïl, Esthétique de la création verbale, Paris, Gallimard, NRF, 1984, p. 347-348), on étudiera les différents processus d’interaction, d’échange, de distanciation, voire d’hétérodoxie, entre les diverses cultures présentes dans le texte.

Axe 4 : L’exception arabe et le rapport à l’histoire

Dans le roman, contrairement aux autres langues, l’arabe (« celui de la rue tel qu’il est parlé au Liban » mais « retranscrit phonétiquement avec l’alphabet latin » Anima, p. 393) est traduit (en français). Il s’agit là d’une exception à interroger. Lieu des traumatismes tout à la fois politiques et identitaires, l’arabe libanais, dans sa résistance à la logique romanesque d’un polylinguisme lisible et acceptable par tous, peut-il donner à penser a) le statut de la traduction (comme transposition en langage dicible de l’indicible) ; b) le rapport de la langue de la politique à la politique de la langue ; g) et, par-delà, une certaine manière de faire (de) l’histoire (à partir de « traces » – en l’occurrence, linguistiques – et de « possibilités » – en l’occurrence, de traduction – dans le prolongement des méthodes de l’historienne Natalie Zemon Davis ou encore, de celles de Carlo Ginzburg) ?

Axe 5 : Les « littératures mondiales »

Sans nécessairement revenir sur l’histoire du concept, déjà faite, on cherchera à situer l’œuvre de Wajdi Mouawad, et en particulier Anima, dans ce cadre. Dans une perspective comparatiste, on se demandera dans quelle mesure le polylinguisme de l’écrivain libano-canadien diffère radicalement (ou non ?) de celui d’autres écrivains d’expression française particulièrement sensibles à cette question (Ahmadou Kourouma, Patrick Chamoiseau, parmi d’autres).

Le roman Anima pose aussi d’autres questions, qui pourront être abordées dans ce colloque. Parmi d’autres exemples, celle de la réécriture de l’histoire contemporaine et de son exploitation socio-politique ou encore celle des rapports entre l’humanité et l’animalité, très présents dans Anima. Enfin, si le corpus de base est, préférentiellement, Anima, tous les autres textes de Wajdi Mouawad, romanesques ou dramatiques, pourront être étudiés.

 

 

Références bibliographiques

 Références primaires

Mouawad, Wajdi, Anima. Roman, Montréal, Leméac/Actes Sud, 2012.

Site « Wajdi Mouawad », http://www.wajdimouawad.fr/. Consulté le 15 octobre 2013.

Références secondaires

Bakhtine, Mikhaïl, Esthétique de la création verbale, Paris, Gallimard, NRF, 1984.

Combe, Dominique et Murat, Michel (dir.), L’écrivain devant les langues, Fixxion, n° 3, 2011, http://www.revue-critique-de-fixxion-francaise-contemporaine.org/rcffc/issue/view/13. Consulté le 15 octobre 2013.

Charaudeau, Patrick et Maingueneau, Dominique, (dir.), Dictionnaire d’analyse du discours. Paris, Éd. du Seuil, 2002.

 David, Jérôme, Spectres de Gœthe. Les métamorphoses de la « littérature mondiale », Paris, Les prairies ordinaires, 2011.

Gauvin, Lise (dir.), L’écrivain et ses langues, Littérature, n° 101, 1996, http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/issue/litt_0047-4800_1996_num_101_1. Consulté le 15 octobre 2013.

Gauvin, Lise et Grutman, Rainier, « Langues et littérature : éléments de bibliographie, dans L. Gauvin (dir.), L’écrivain et ses langues, Littérature, n° 101, 1996, p. 88-125.

El-Husseini Nacib Samir, L’Occident imaginaire : La vision de l’Autre dans la conscience politique arabe, Presses de l’Université du Québec, 1998.

Gauvin, Lise, La Fabrique de la langue. De François Rabelais à Réjean Ducharme, Paris, Points Seuil, 2004.

Ginzburg, Carlo, Le Fil et les traces. Vrai faux fictif, notamment le chapitre « Preuves et possibilités », [Préface à Natalie Zemon Davis, Le Retour de Martin Guerre], Lagrasse, Éd. Verdier, [2006], trad. fr. 2010.

Grutman, Rainier, et Delabastita, Dirk (dir.), Fictionalising Translation and Multilingualism [numéro spécial de Linguistica Antverpiensia, nouvelle série, No. 4], Anvers, École supérieure de traducteurs et d’interprètes [HIVT], 2005

Heller-Roazen, Daniel, Écholalies. Essai sur l’oubli des langues, Paris, Éd. du Seuil, [2005], trad. fr. 2007.

Le Bris, Michel et Rouaud, Jean (dir.), Pour une littérature-monde, Paris, Gallimard, coll. NRF, 2007.

 

Modalités de soumission des propositions de communication

Date limite de réception des propositions : 23 mars 2014.

Notification d’acceptation aux auteurs après examen par le comité scientifique : 23 mai 2014.

Format des propositions :

  • 1 page isolée comportant le nom, l’appartenance institutionnelle, le grade, le titre de la communication et les coordonnées de l’auteur (adresse professionnelle, adresse personnelle, adresse électronique et téléphone)
  • Sur 1 autre page : un résumé de 15 à 20 lignes en français ou en anglais (Word, Times 12, interligne 1,5) présentant le corpus étudié, les idées principales, le raisonnement et les conclusions générales, et précisant le cadre et les notions. 3 mots-clés devront également être mentionnés.

 

Langue de la communication et de la publication : français. Les communications seront de 20 minutes, suivies de 10 minutes de questions. Les articles feront l’objet d’une publication, sous la forme d’un volume collectif, avec comité de lecture, dans la revue LiCArC (Littérature et Culture arabes contemporaines) publiée chez Classiques Garnier. Les consignes éditoriales seront envoyées avec la réponse. Les textes définitifs pour publication devront être envoyés au plus tard pour le 15 janvier 2015.

Les propositions de communication seront adressées conjointement à :

Claire Badiou-Monferran : claire.badiou-monferran@univ-lorraine.fr

Laurence Denooz : laurence.denooz@univ-lorraine.fr

 

Frais d’inscription pour les intervenants : 25 €. Les versements seront à effectuer sur place.

Les frais de déplacement ne sont pas pris en charge.

Les déjeuners des 27 et 28 novembre 2014 seront offerts aux intervenants.