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La Trace

La Trace

Publié le par Pierre-Louis Fort (Source : Emilie Lucas-Leclin)

CarloGinzburg montre dans Mythes, emblèmes,traces (Flammarion, 1989) commentun véritable « paradigme indiciaire » s'est constitué, prenantracines dans le passé de chasseur de l'homme. C'est à partir de la trace que lechasseur peut raconter des histoires « parce qu'il est le seul capable delire dans les traces muettes (sinon du moins imperceptibles) laissées par saproie, une série cohérente d'événements ». La trace s'inscrit dès lorsdans l'élaboration même du récit. Comment la « mise en intrigue » met-elleen oeuvre cette capacité à organiser ce qui relève de la trace ?

Dans le cadre des liens entrefiction et Histoire, il peut être intéressant d'étudier comment la mise enintrigue s'élabore à partir d'événements historiques qui se réduisent à de simplestraces, et dont l'articulation avec les éléments fictionnels peut révéler unecertaine conception de la fiction ou de l'Histoire. Le fantôme, par exemple,peut être considéré comme une manifestation à la fois inquiétante etpersistante d'un passé qui revient sans revenir, suscitant une interrogationsur l'héritage et l'altérité (Derrida, Spectresde Marx, 1993). En réactivant un passé qui n'est plus, la trace inscritdans le présent un passé invisible, elle articule l'autrefois et le maintenant,et pose la question de la représentation du temps. Emmanuel Bouju souligne dansLa Transcription de l'Histoire (PUR, 2006) l'efficacité de ce paradigme indiciairedans les romans européens de la fin du vingtième siècle qui prétendent« transcrire » l'Histoire : il permet de reconstruire au présentun passé devenu quasiment invisible. Plus largement, la trace permet des'interroger sur les enjeux éthiques et esthétiques d'une représentationoblique de l'Histoire dans la fiction.

La trace implique aussi unedimension matérielle : elle est d'abord « empreinte » d'un êtreou d'un objet. Certains textes fictionnels se donnent les moyens d'accueillircette matérialité de la trace, preuve ou épreuve livrée àl'interprétation : qu'on songe par exemple à l'insertion de photographiesdans Austerlitz de Sebald. Leparadigme indiciaire peut en effet permettre d'interroger certaines pratiquesliées à la transmédialité et à l'intertextualité. La trace questionne dans cecas l'autorité de l'auteur et son rapport au texte. On pourra par exempleinterroger le statut de ce qui« fait trace » dans sa relation avec ce qui fait oeuvre : de lacitation au collage, en passant par tous les procédés de montage, se pose ainsila question de l'ouverture d'une totalité apriori close sur d'autres espaces textuels, ou plus largement sur d'autresoeuvres. Comment le recours à un autre mediumpeut-il signifier les limites d'un genre, ou au contraire élargir ce genre pourlui donner une dimension nouvelle ? Quelle valeur acquièrent ces élémentsempruntés dans leur nouveau contexte quand ils sont issus d'un système designes différent ?

De l'assemblage de traces dansun ordre cohérent peut émerger un sens apriori indécelable. Certains genres littéraires, comme le roman policier,sont entièrement fondés sur une herméneutique de la trace : recherche dela vérité et manipulation sont les deux versants de « l'indice » dontl'enquêteur doit interroger la fiabilité. Articulant la présence et l'absence,la trace n'est jamais sûre et engage l'interprétation du personnage, mais aussicelle du lecteur. En effet, l'interprétation du texte littéraire n'est possibleque grâce aux différentes traces laissées par l'auteur. L'enquêteur n'est plusalors un des personnages du récit mais le lecteur lui-même qui doit reconstruirele sens de l'histoire à partir d'indices laissés par un auteur facétieux ouénigmatique. Le « paradigme indiciaire » relève également del'herméneutique à l'oeuvre dans l'acte de la lecture.

Ce sujet, qui se veutlargement ouvert, n'est exclusif d'aucun genre ni d'aucune période littéraire :seule la perspective comparatiste est requise. Les propositions decommunication (3000 signes), accompagnées d'une brève bibliographie et d'unecourte présentation du rédacteur, doivent être envoyées avant le 28mars 2011 en fichier word ou rtf à l'adresse : lgcrevue@gmail.com. Les articles retenusseront à envoyer pour le 30 mai 2011. Nous rappelons que larevue de littérature générale et comparée TRANS- accepte les articlesrédigés en français, anglais et espagnol.

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In Clues, Myths and theHistorical Method (Johns Hopkins University Press, 1989), Carlo Ginzburgdelineates how a “indicial paradigm” is constructed, and how its roots can betraced back to humanity's hunting past. It is because of the scent left by hisprey that a hunter can tell stories; it is the hunter alone who can “read thesilent, or at least imperceptible, trail left by his prey, reconstructing acoherent series of events.” This trace is subsequently inscribed within thestory by its telling. How can an emplotment (“mise en intrigue”, P. Ricoeur)demonstrate the trace's organizing principle?

    Due to the linksbetween fiction and History, it can be interesting to study how plot creationcan find an inception within historical events which have been reduced toghostly traces, and how this process of fictionalization can reveal certainconceptualizations both of History and fiction itself. The figure of the ghost,for example, can be considered a manifestation of a past both troubling andpersistent which returns without returning, demanding an investigation ofcultural legacy and alterity (Derrida, Spectres de Marx, 1993). Throughthe resuscitation of a past that no longer exists, the trace inscribes upon thepresent an invisible past, simultaneously articulating past and present,interrogating the construction of time. In La Transcriptionde l'Histoire (PUR, 2006), Emmanuel Bouju underlines the potency of thisindicial paradigm within late-20th-century European novels that tryto “transcribe” history: it allows for the reconstruction of analmost-invisible past within the present. In addition, the trace creates theopportunity for investigating what is at stake, ethically and aesthetically,when History is obliquely represented in fiction.

The trace also implies a materialdimension; it is “imprinted” by a person or an object. Certain texts of fictionallow for this materiality of the trace, which remain open for interpretation;the inclusion of photographs in Sebald's Austerlitzcan be considered as such an example. Transmediality and intertextuality can bereconsidered through the prism of the indicial paradigm; it can question theauthority of the author and his relationship to his text. From quotation,collage, and montage, to all textual spaces, the door has been opened for aninterrogation of what is indeed a “trace” and what is “art.” Can the recourseto another medium limit or expand the boundaries of a genre? What values areadded to these borrowed elements within their new context when they come from adifferent sign system?

From the collection of traces in acoherent system can emerge an a priori undetectable order. Certainliterary genres, such as the detective novel, are entirely based on thehermeneutics of the trace: the search for justice and manipulation are the twosides of each clue which the detective must determine. Articulating bothpresence and absence, the trace is never clear and demands the interpretationof not only the character, but also of the reader. In fact, the interpretationof a literary text is possible only because of the traces left by the author.The detective is no longer just a character in the text, but is also the readerhimself who must reconstruct the traces left by a mischievous or enigmaticauthor. The indicial paradigm also reveals the hermeneutics at work in the actof reading.

This topic, which is consciouslyvast, is open to all literary genres of all periods; the only requirement isthat it be comparative. Proposals, along with a limited bibliography and briefbiography, must be sent before March 28, 2011 in Word or RTF documents to lgcrevue@gmail.com. The articles which will be selected must besubmitted by May 30, 2011. The TRANS-journal of general andcomparative literature accepts articles in French, English and Spanish.

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Carlo Ginzburg muestra en Mitos, emblemas,rastros (Flamarion, 1989) como se ha constituido un auténtico “paradigmaindiciario”, que se remonta al pasado de cazador del hombre. A partir delrastro el cazador puede contar historias, “puesto que es el único capaz de leeren los rastros mudos – o por lo menos imperceptibles – dejados por su presa,una serie coherente de acontecimientos”. El rastro se inscribe así en laconstrucción misma del relato. ¿Cómo la construcción de la intriga pone enjuego esta capacidad de organizar lo que se manifiesta como rastro?

En el marco de las relaciones entre ficción eHistoria, puede resultar interesante estudiar cómo la construcción de laintriga se elabora a partir de acontecimientos históricos que se reducen asimples rastros, y cuya articulación con los elementos ficticios puede revelaruna determinada concepción de la ficción o de la Historia. Elfantasma, por ejemplo, puede ser considerado como una manifestación al mismotiempo inquietante y pertinaz de un pasado que vuelve sin volver, suscitando deeste modo una reflexión acerca de la herencia y la alteridad (Derrida, Espectros de Marx, 1993). Al reactivar un pasado que ya noexiste, el rastro graba en el presente un pasado invisible, articula el antes yel ahora y plantea el problema de la representación del tiempo. Emmanuel Boujusubraya en La trascripción de la Historia (PUR, 2006) la eficacia de este paradigmaindiciario en las novelas europeas de finales del siglo XX que pretenden“transcribir” la Historia:éste permite reconstruir en presente un pasado que se ha vuelto casi invisible.De manera más general, el rastro permite interrogarse sobre las implicacioneséticas y estéticas de una representación indirecta de la Historia en la ficción.

El rastro conllevatambién una dimensión material: supone la “huella” de un ser o de un objeto.Algunos textos de ficción consiguen albergar esta materialidad del rastro,documento o prueba entregados a la interpretación: pensemos, por ejemplo, en lainserción de fotografías en Austerlitz de Sebald. El paradigma indiciario permitereflexionar acerca de ciertas prácticas unidas a la trasmedialidad y a laintertextualidad. En este último caso, el rastro cuestiona la autoridad delautor y su vínculo con el texto. Podemos preguntarnos qué es lo que “dejarastro” en su relación con lo que crea una obra: de la cita al collage,pasando por todos los procedimientos del montaje, se plantea la pregunta de laapertura hacia una totalidad en principio cerrada a otros espacios textuales,o, de manera más general, a otras obras. ¿De qué manera el recurrir a otro médiumpuede marcar los límites de un género, o, por el contrario, ampliarlos paraotorgarle una nueva dimensión? ¿Qué valor adquieren en su nuevo contexto estoselementos tomados de prestado cuando proceden de un sistema de signosdistinto?

Del ensamblaje de rastros en un orden coherentepuede surgir un sentido a priori indetectable. Algunos génerosliterarios, como la novela policíaca, están enteramente fundados en unahermenéutica del rastro: búsqueda y manipulación son las dos caras del “índice”cuya fiabilidad debe examinar el investigador. Al articular la presencia y la ausencia,el rastro nunca es indubitable y exige la interpretación del personaje, perotambién del lector. En efecto, la interpretación del texto literario sólo esposible gracias a los rastros dejados por el autor. El investigador no es yapues uno de los personajes del relato, sino el propio lector, quien debereconstruir el sentido de la historia a partir de indicios dejados por un autorburlón o enigmático. El “paradigma indiciario” incluye también la hermenéuticadel acto de la lectura.

Este tema pretende ser lo más amplio posible, sinexclusión de forma, época o género, teniendo siempre en cuenta la perspectivacomparatista de la publicación. Las propuestas de artículo (3000 signos, 500palabras) acompañadas de una breve bibliografía y de una corta presentación delredactor, deben ser enviadas antes del28 de marzo de 2011 n documento word o RTF a la dirección :lgcrevue@gmail.com siguiendo las pautas de redacción de la revista : http://trans.univ-paris3.fr/spip.ph.... Los artículos seleccionados deberánenviarse antes del 30 de mayo del 2011.Recordamos que la revista TRANS- acepta los artículos redactados en francés,inglés y español.