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La théâtralité comme (contre)-modèle esthétique. Perspectives artistiques croisées

La théâtralité comme (contre)-modèle esthétique. Perspectives artistiques croisées

Publié le par Perrine Coudurier (Source : Audrey Giboux)

« La théâtralité comme (contre)-modèle esthétique. Perspectives artistiques croisées »

Journées organisées à l’Université Rennes 2

par Emmanuel Buron, Jean Cléder, Audrey Giboux & Laura Naudeix

les 29 et 30 janvier 2015

dans le cadre du CELLAM (Centre d’études des littératures et langues anciennes et modernes) et d’APP (Arts : pratiques et poétiques)

 

            Si l’on s’en tient à une définition sommaire et tautologique, la théâtralité ne semble désigner rien d’autre que la qualité théâtrale d’une œuvre, dramatique ou non, c’est-à-dire l’ensemble des particularités qui l’apparentent au théâtre. Terme labile autant que suggestif, utilisé dans des acceptions souvent positives, parfois péjoratives, la notion de théâtralité a pourtant, selon les différentes pratiques artistiques qui l’ont réinvestie, fait l’objet d’une réception contrastée. Il semble donc nécessaire d’étudier comment la théâtralité a été perçue et remodelée au fil des siècles, dans la représentation polymorphe qu’en donnent le théâtre, la littérature et le cinéma. On tentera donc de produire une redéfinition collective de la « théâtralité » en considérant la manière dont le modèle théâtral a pu être perçu par les autres arts à la fois comme un sujet de prédilection et comme un paradigme esthétique parfois controversé, souvent admiré – deux enjeux qu’il conviendra d’articuler.

 

  • Le théâtre comme objet de représentation artistique

            La représentation de la troupe théâtrale a, depuis le XVIIe siècle, constitué un sujet fictionnel privilégié et fait l’objet de mises en abyme fameuses sur les scènes dramatiques et lyriques. Depuis ses origines, le cinéma s’est également emparé de cette topique : à côté de nombreuses mises en abyme cinématographiques racontant le tournage d’un film dans un « métafilm », l’histoire du cinéma est ponctuée de films représentant à l’écran les gloires et les difficultés de la vie d’acteur ou de metteur en scène de théâtre. Dans la littérature, sur scène, ou au cinéma, la vie de la troupe théâtrale semble souvent incarner un monde à part entière : du travail de répétitions en coulisses à la performance scénique, elle offre en effet un sujet particulièrement « romanesque » et efficace, autant qu’elle suscite des réflexions d’ordre philosophique.

            Il s’agira donc d’analyser selon quelles modalités la littérature et le cinéma dépeignent le processus d’élaboration du spectacle, entre une tendance réaliste, voire documentaire, et une tendance plus allégorisante, où le spectacle fusionne symboliquement avec la réalité : en quoi le récit de l’aventure théâtrale et de la formation au jeu d’acteur, ressenties symboliquement comme une initiation à l’existence, révèle-t-il de manière privilégiée les relations de l’individu et du monde ? Quel rôle jouent, dans ce processus initiatique, des figures tutélaires du théâtre devenues véritablement mythiques, comme Shakespeare, Molière, etc., ou les grands rôles du répertoire (Hamlet, Don Juan, Faust, etc.) ? En quoi la figure de l’acteur et de l’actrice permettent-ils de décliner de manière problématique les contours de l’identité individuelle ? Comment le microcosme de la troupe, éclatée, reformée, rejoue-t-il symboliquement les tensions qui traversent le macrocosme social et la « comédie humaine » ? Comment interpréter la vogue de la spécularité cinématographique, qu’elle se dilue dans l’invention de personnages qui se font, au second degré, acteurs ou metteurs en scène de l’action, ou qu’elle introduise frontalement une réflexion sur la création à l’écran ? Que signifie la tendance à représenter le monde du théâtre comme un univers alternatif et poétique, en situation de résistance par rapport aux normes et contraintes du modèle social dominant ?

  • Le théâtre comme modèle ou repoussoir esthétique de la représentation artistique

            À côté de ce premier enjeu poétique se dessine une interrogation d’ordre esthétique : comment le modèle théâtral innerve-t-il la création artistique ? Quelle est l’influence de la poésie dramatique sur la poésie lyrique, de la théâtralité dans l’univers romanesque et cinématographique ? Indépendamment du cas, déjà abondamment traité, des adaptations de romans ou de pièces de théâtre au cinéma, comment la question de la théâtralité est-elle engagée dans les adaptations de romans ou de poèmes au théâtre, ou de films à la scène ?

            Ce questionnement esthétique concerne en particulier les enjeux de la mise en scène : comment et selon quelles lignes de fracture d’avec la dramaturgie théâtrale se sont développés les codes d’un langage cinématographique non théâtral, faisant évoluer l’usage de l’artifice et de l’illusionnisme ? Peut-on repérer une esthétique cinématographique au théâtre ? Que révèlent les choix des metteurs en scènes ou des acteurs qui sont également cinéastes ou écrivains ? En quoi la notion de théâtralité permet-elle de dessiner une cartographie des courants et des genres cinématographiques, du théâtre filmé à la veine des cinéastes ou des genres jouant sciemment sur les codes du théâtre ?

            La réflexion peut aussi être étendue au jeu de l’acteur : on peut songer, par exemple, aux relations entre théâtre et cinéma expressionnistes, entre les théories de Stanislavski et celles de l’Actors Studio, ou examiner la possibilité d’un cinéma de la « distanciation ». Comment le passage du cinéma muet au cinéma parlant, en modifiant le rapport entre le corps et le discours, entre l’image et la signification, a-t-il modifié la théâtralité du jeu de l’acteur ? Que reste-t-il au cinéma de la théâtralité du corps parlant, telle que la rhétorique l’a élaborée ? Dans quelle mesure la figure de l’acteur de cinéma est-elle entrée en concurrence avec celle de l’acteur de théâtre dans les représentations littéraires et cinématographiques ?

            On s’interrogera enfin sur la relecture des esthétiques théâtrales anciennes, telles qu’elles sont reçues dans les pratiques modernes : peut-on considérer les procédés de la représentation de la scène théâtrale dans la littérature et à l’écran comme un héritage de la mise en abyme baroque ? En quoi la perception de la théâtralité est-elle encore tributaire aujourd’hui de la formule d’un theatrum mundi et de la topique de la scène comme monde rêvé ? Dans quels cas l’hommage rendu au théâtre participe-t-il au contraire d’une classicisation de la littérature et du cinéma, au sens esthétique ou patrimonial du terme ?

Modalités de soumission

Seront privilégiées les propositions engageant une réflexion sur la théâtralité selon une confrontation entre théâtre, littérature et cinéma.

Les propositions de communication (comprenant un titre, un descriptif et une brève présentation biobibliographique) doivent être envoyées avant le 26 octobre 2014 à cette adresse : audrey.giboux@univ-rennes2.fr. Les résultats seront notifiés à la mi-novembre.

Comité scientifique :

Emmanuel Buron (littérature française), Jean Cléder (littérature comparée), Antony Fiant (études cinématographiques), Audrey Giboux (littérature comparée), Sophie Lucet (études théâtrales), Laura Naudeix (études théâtrales), Brigitte Prost (études théâtrales), Éric Thouvenel (études cinématographiques).