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La sociologie bourdieusienne de la littérature (ENS Paris)

La sociologie bourdieusienne de la littérature (ENS Paris)

Publié le par Université de Lausanne (Source : Laélia Véron)

La sociologie B-bourdieusienne de la littérature

SLAC, 27 janvier, ENS Ulm

 

Programme de la séance (17h-20h, pauses comprises, séance ouverte à tou.te.s)

  • Jordi Brahamcha-Marin (université du Maine). « Lecture des Règles de l’art de Bourdieu »

Les Règles de l’art de Pierre Bourdieu (1992), est un ouvrage désormais classique, devenu incontournable, en sociologie de la littérature. Comme l’indique son sous-titre, il s’agit d’exposer les modalités de constitution, depuis le XIXe siècle, d’un « champ littéraire » autonome, et d’analyser différents états du champ. Nous résumerons et commenterons les principales thèses de Pierre Bourdieu. »

  • Amina Damerdji (Université Sorbonne nouvelle – Paris 3). « Le ministre et le poète » : la construction du champ littéraire cubain à partir de la Révolution (1959-1987)»

Cette intervention cherchera à répondre à la question suivante : quel fut l’impact de l’institutionnalisation de la Révolution cubaine sur l’espace littéraire ? J’analyserai d’abord la peau de chagrin coloniale dont hérite la Révolution en défendant l’idée qu’on ne peut pas parler de « champ », au sens où Bourdieu l’entend, pour cette période. Dans un second temps, j’envisagerai la structuration de cet espace littéraire par l’État révolutionnaire. Je présenterai le cas cubain comme une réhabilitation possible de la notion d’hétéronomie en questionnant le rapport entre la forte dépendance politique des écrivains et l’essor spectaculaire de la production littéraire. Pour finir j’interrogerai la centralité du genre poétique dans ce nouveau champ littéraire cubain. Je fournirai deux éléments de réponse : le rôle de l’émotion dans l’esthétique officielle et, en me servant des acquis de la poétique historique, la rivalité entre journalisme et littérature.

  • Lilas Bass (EHESS). « Ce que les écrivaines font au champ littéraire »

Cette présentation proposera de questionner l’agencement théorique entre « champ littéraire » et « genre social » à deux époques charnières durant lesquelles l’implication du genre semble avoir été prégnante dans la constitution ou la reconstitution d’une partie du champ littéraire : au XIXe siècle, tout d’abord, durant lequel l’entrée importante des femmes en littérature a donné des prises au champ littéraire pour se constituer à rebours d’une « écriture féminine » disqualifiée parce qu’intéressée et amateure ; et dans les années 1970, décennie durant laquelle l’importation des revendications féministes sont venues en partie bouleverser le champ littéraire à la faveur de la constitution d’un « sous-champ littéraire féminin ».

Le concept de « champ » tel que défini par Pierre Bourdieu permet d’appréhender le monde littéraire comme un espace conceptuellement clos, régi par des règles qui lui seraient propres, et en quête d’autonomie vis-à-vis des autres champs (principalement le champ du pouvoir et le champ économique). Au XIXe siècle, alors que le champ littéraire s’autonomise, il est confronté à l’entrée importante des femmes en littérature. Le cliché de la « femme auteure », bourgeoise, vénale et amateure, semble alors participer de l’autonomisation du champ bâti à rebours d’une pratique amateure et intéressée.

À partir des années 1970, l’importation de revendications féministes dans le champ littéraire vient remettre en cause l’autonomie d’un champ qui se restructure à la faveur de la création d’un « sous-champ littéraire féminin », entendu comme le lieu privilégié d’expression d’une esthétique qui serait « féminine » et/ou « féministe » et structuré en partie autour de lieux de production et de diffusion valorisant le féminin.

Par ailleurs, le concept de « genre » sera mobilisé en tant que « cadre d’analyse historique », c’est-à-dire au sens de Joan Scott, qui propose en 1988 de considérer le genre comme appareillage conceptuel pour saisir les ressorts de la construction historique et idéologique : penser le « genre » en tant que « structure contraignante », c’est s’outiller tant dans la perspective politique d’une revalorisation des minorités invisibilisées, que, plus globalement, dans le but de mettre au jour les fondements d’un système de domination qui se pérennise

Cette présentation s’appuiera principalement sur l’ouvrage proposé par Christine Planté en 1989 et qui rend compte de la catégorisation des femmes auteures du XIXe siècle. Cette lecture donnera lieu à une hypothèse en termes de champ et relative à sa constitution à contre-courant d’une pratique d’écriture « féminine » disqualifiée.
Le « sous-champ littéraire féminin et féministe » qui naît au début des années 1970 sera étudié à la lumière des travaux de Delphine Naudier d’une part et via le questionnement lié à l’importation de critères hétéronomes dans le champ littéraire à travers les travaux de Gisèle Sapiro d’autre part.