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La représentation des troubles mentaux depuis le XXe s. (APFUCC, Toronto)

La représentation des troubles mentaux depuis le XXe s. (APFUCC, Toronto)

Publié le par Marc Escola (Source : Rosanne Abdulla)

Selon Julia Kristeva, « Écrire sur la mélancolie n’aurait de sens, pour ceux que la mélancolie ravage, que si l’écrit venait de la mélancolie » (Soleil noir, 1987, p. 13). Ainsi, le trouble psychologique, qu’il s’agisse de névrose, de psychose, de trouble affectif, ou autre, serait mieux représenté par celui qui en souffre que par un ouvrage scientifique tel que le MDS (Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux) ou la CIM (Classification internationale des maladies). Néanmoins, nous voyons un intérêt fort pour ces thèmes dans les discours médical et populaire, surtout depuis le XXe siècle. Notamment, les écrits psychanalytiques d'Abraham (Manie et mélancolie, 1911), de Freud (Trois mécanismes et défense [1915], Deuil et mélancolie [1917]), de Lacan (Écrits, 1966), et de Kristeva (Soleil noir [1987], Les nouvelles maladies de l'âme [1993]) sur des sujets tels que la névrose d'angoisse, le refoulement, la psychose paranoïaque et le mélancolico-dépressif tentent tous de mettre le point sur des comportements dénommés « anormaux ». Cela dit, au début du XXIe siècle, nous nous arrêtons toujours sur l'impossibilité de délimiter précisément ce qui est considéré comme étant « normal ».

Cet atelier souhaite aborder la problématique de la présentation des troubles mentaux dans la littérature et dans la société depuis le XXe siècle. Qu'est-ce que la littérature peut apporter à la conceptualisation de la maladie en société ? Ayant souvent des indices subtils, ces « maladies » se trouvent parfois ignorées ou stigmatisées dans la société contemporaine, jusqu'au point où le sujet tombe muet ou s'isole complètement face à l’incompréhension ou tout simplement l’ignorance d’autrui. Dès lors, c'est la représentation artistique ou littéraire de ces états qui nous permet de mieux dévoiler le masque de la souffrance psychologique. L’acte de transposer le trouble mental facilite « le passage du privé au public » (Tisseron, La honte, 2014, p. 9) et rend visible ce qui reste typiquement caché. Cette binarité entre l’expérience intérieure et le monde extérieur est souvent reflétée par la rhétorique même de l’écriture, qui peut se montrer par une distance narrative ou un style décousu, voire incohérent, qui sera le reflet de la dissonance cognitive et des tensions contradictoires ressenties par l'individu. À travers son style narratif et l’esthétisation de la souffrance, le récit, que ce soit fictif, autofictif, ou autobiographique, démontre la nature du trouble et voit l'expression de ses symptômes.

Une telle littérature donne aussi une voix aux groupes marginalisés par le discours social, qui voit souvent des diagnostics « genrés » (associant une condition en particulier exclusivement aux femmes, par exemple) ou des stéréotypes culturels qui peuvent influer la perception de la personne affligée. En outre, alors que le public devient de plus en plus conscient de la présence des troubles mentaux, de nouvelles problématiques émergent autour du sujet des traitements et des médicaments associés. En ce qui concerne la guérison, nous observons surtout un changement récent vers l'approche biomédicale, qui soulève également des questions du « surdiagnostic » et de la « surmédicalisation ».

Nous souhaitons lancer des discussions plus particulières non seulement sur la représentation artistique ou littéraire des troubles mentaux, mais également sur la connotation négative du sujet dans la société contemporaine. Nous cherchons des propositions qui examinent le passage de telles souffrances à la littérature. Quels sont les avantages de certaines stratégies narratives (les monologues intérieurs, les techniques discursives, les retours en arrière, les métaphores spatiales, etc.) dans la transcription de cette thématique ? Que ce soit l'emploi du conditionnel chez le personnage déprimé, la répétition d'un langage dépréciatif ou un style minimaliste chez l'anorexique, ou des incohérences sur le plan temporel chez celui qui souffre d'Alzheimer, les indices littéraires sont souvent plus facilement identifiables que ceux qui existent dans le domaine public même. Des textes contemporains qui abordent les axes suivants, entre autres, pourront être explorés :

  • Troubles affectifs (dépression, suicide, folie, etc.)
  • Addictions et abus

  • Méthodes et défis autour du traitement et de la guérison

  • Angoisses (paranoïa, peurs et phobies)

  • Troubles alimentaires (anorexie, boulimie, la perception du corps)

  • La rencontre thérapeutique

  • Hallucinations, délusions, compulsions obsessives, etc.

  • Maladies dégénératives, Alzheimer et démence

 

Le colloque de l'APFUCC au Congrès des sciences humaines 2017 aura lieu à l'université Ryerson du 27 au 30 mai. Veuillez envoyer vos propositions pour cet atelier (250-300 mots) aux deux adresses suivants avant le 15 décembre 2016.

Rosanne Abdulla (Université de Waterloo) — rabdulla@uwaterloo.ca 
Karine Brière (Université de Toronto) — karine.briere@mail.utoronto.ca