Questions de société

"La réforme du décret de 1984 va permettre de reconnaître des nouvelles formes d'investissement", Simone Bonnefous (CPU) 04/02/09

Publié le par Bérenger Boulay

Pour Simone Bonnefous, vice-présidente de la Conférence des présidents d'université, "La réforme du décret de 1984 va permettre de reconnaître des nouvelles formes d'investissement". Un exemple?

"...une expérience innovante est menée à Grenoble enmédecine. En première année il n'y a plus de cours en amphi, les cours sont donnés sous forme de DVD aux étudiants, qui viennent ensuite enTD poser des questions à leurs professeurs après avoir travaillé lecours chez eux. La réforme va permettre de reconnaître des formesd'investissement qui ne pouvaient pas l'être."

Convaincant, non?

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LEMONDE.FR | 04.02.09 | 20h18  •  Mis à jour le 04.02.09 | 20h30:

"La réforme du décret de 1984 va permettre de reconnaître des nouvelles formes d'investissement"

 Entretien avec Simone Bonnefous, vice-présidente de la Conférence des présidents d'université. Propos recueillis par François Béguin

La modification du décret de 1984sur le statut des enseignants-chercheurs suscite un mécontentementcroissant chez nombre d'entre eux qui craignent l'arbitraire desprésidents d'université, une hausse des heures d'enseignement  etl'atteinte à leur indépendance. Simone Bonnefous, vice-présidente de laConférence des présidents d'université, explique pourquoi elle jugecette réforme positive. 

Vous avez proposé la semaine dernière la mise en place d'une "charte des bonnes pratiques". En quoi cette  charte est-elle de nature à rassurer les enseignants-chercheurs ?

Simone Bonnefous : Lesenseignants-chercheurs s'inquiètent que leurs situations ne soient pastraitées de façon équitable selon les disciplines et les universités.Avec ce projet de charte associant la présidence de la conférence desprésidents d'université, les différentes conférences disciplinaires etle Conseil national des universités (CNU), nous voulons montrer que lescontextes spécifiques à chaque discipline sont bien pris en compte.

Pensez-vous que cela peut suffire à rassurer les enseignants-chercheurs ?

Simone Bonnefous : Ce n'est pas cette charte à elleseule qui peut rassurer les enseignants-chercheurs mais un ensembled'évolutions. La proposition de la ministre, telle qu'elle étaitformulée avant Noël, pouvait inquiéter car elle pouvait sembler lier unalourdissement possible du temps d'enseignement, à une défaillance dansla qualité de la recherche. Cela a choqué parce que ça semblait direque l'enseignement, c'était ce qu'on faisait quand on ne savait pasfaire autre chose. C'était maladroit parce que tout l'effort de notreministre a été de revaloriser la fonction d'enseignant.

Les opposants à cette réforme parlent d'un risque d'"arbitraire" des décisions prises au niveau local. Que leur répondez-vous ?

Simone Bonnefous : Nous ne comprenons pas l'idéequ'il y aurait toujours de l'arbitraire au niveau local  et jamais auniveau national, que des comités nationaux seraient forcémentéquitables et des conseils élus localement forcément arbitraires. Parmoment, on est dans le fantasme. Dans une université, ce n'est pas leprésident qui décide seul de choses aussi importantes que les servicesou les promotions, ce sont des conseils. Les universités sont des lieuxextrêmement démocratiques avec énormément de conseils : les doyens sontélus, les présidents sont élus, les conseils sont élus. On passebeaucoup de temps à débattre et à se réunir. C'est un peu surprenant dedéfendre ce système électif et de ne pas lui faire confiance.

Des opposants au projet ont également critiqué les critères retenus pour évaluer les enseignants-chercheurs. 

Simone Bonnefous : La réforme prévoit que lesenseignants soient évalués tous les quatre ans sur l'ensemble de leursactivités. L'évaluation se ferait plus spécifiquement au niveaunational pour les activités de recherche et au niveau local, à unpremier niveau, pour l'ensemble des activités pédagogiques. Le rapportd'activités réalisé par l'enseignant-chercheur serait vu dans unpremier temps par les instances locales puis envoyé au niveau national.A la Conférence des présidents, nous pensons que nous sommes arrivésaujourd'hui à un équilibre satisfaisant entre le local et le national.

On a l'impression que depuis quelques jours la ministre laisse la Conférence des présidents d'université défendre ce projet...

Simone Bonnefous : L'adaptation du décret de 1984est une demande ancienne des présidents d'université car ce texte étaitun peu en retard sur les pratiques. Aujourd'hui, la réalité, c'est queles modalités d'accomplissement des services ne sont pas les mêmesselon la discipline, l'université, l'âge de l'enseignant-chercheur..Nous sommes plutôt satisfaits qu'une procédure permette de reconnaîtreces différences car on peut être un excellent enseignant-chercheur pasexclusivement sur la recherche, pas exclusivement sur l'enseignement.

Pouvez-vous nous donner des exemples de réalisations rendues possibles par cette réforme ?

Simone Bonnefous : Cela va nous permettre delégaliser ce qui  se pratiquait parfois illégalement. Aujourd'hui, onne compte dans le temps de service des enseignants que les heuresfaites  face des étudiants. Mais dans un certain nombre de filières, ily a des suivis de stage où les enseignants doivent se rendre sur leslieux de stage, discuter avec le maîtres de stage, etc. Tout cela vapouvoir être officiellement pris en compte, même si ce n'est évidemmentpas de la même façon qu'un cours magistral.

Autre exemple, une expérience innovante est menée à Grenoble enmédecine. En première année il n'y a plus de cours en amphi, les cours sont donnés sous forme de DVD aux étudiants,  qui viennent ensuite enTD poser des questions à leurs professeurs après avoir travaillé lecours chez eux. La réforme va permettre de reconnaître des formesd'investissement qui ne pouvaient pas l'être.

Pensez-vous que vous arriverez à répondre aux inquiétudesdes enseignants-chercheurs mécontents qui multiplient les appels à lagrève ?

Simone Bonnefous : On s'y emploie même s'il y ad'autres questions que celle du service qui  les inquiètent. Commetoujours, lorsqu'on a un mouvement de protestation, il est multiforme.Sur le décret de 1984, ce à quoi nous pouvons nous engager, nous lesprésidents d'université, c'est que la réforme soit faite dans l'interêtdes enseignants-chercheurs et pas au détriment de leur libertéd'enseigner et de chercher.

Propos recueillis par François Béguin