Questions de société

"La réforme de la gouvernance des universités": Elie Cohen analyse les "réformes Pécresse" (06/07/09)

Publié le par Bérenger Boulay

La réforme de la gouvernance des universités. Un texte d'Elie Cohen.

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Sur le blog de Sylvestre Huet:

15/07/09 Elie Cohen analyse les "réformes Pécresse"

http://sciences.blogs.liberation.fr/home/2009/07/elie-cohen-analyse-les-r%C3%A9formes-p%C3%A9cresse-.html

Lors de la scéance du 6 juillet de l'Académie des sciences morales et politiques, l'économiste Elie Cohen a présenté une analyse des "réformes Pécresse" et de la crise qui a secoué le monde universitaire.

Elie Cohen est membre du Conseil d'analyse économique, directeur de recherche au CNRS (au CEVIPOF). A la fin de sa communication, il estime notamment que : «Entâchant d'imposer sa réforme, le gouvernement a ralenti voire paralysé,des évolutions à l'oeuvre de longue date. Il a discrédité l'autonomie,suscité la formation de coalitions inédites entre conservateurs etnovateurs, sans parvenir à remettre en cause les compromispolitico-syndicaux localistes».
Dans son introduction, il affirme que : «Onpourrait penser que l'étendue du mouvement des enseignants chercheursprocède de la conjonction d'éléments contingents, parmi lesquels laréforme du statut des enseignants chercheurs, qui modifie le décret du6 juin 1984, la masterisation des concours de recrutement, lamodulation des moyens budgétaires sur la base de critères deperformances, et la suppression de postes dans le cadre des nonremplacements des départs à la retraite, et le discours «pour uneStratégie Nationale de Recherche et d'Innovation» tenu par le PrésidentSarkozy le 22 janvier 2009. Le mouvement de protestation s'analyseraitalors comme une bouffée protestataire en réaction à une accumulation demesures perçues comme hostiles : le renoncement à l'essentiel de laréforme permettant un retour à la normale. 


Mais le retour périodique des irruptions universitaires neplaide guère pour ces explications, la question de l'autonomie résumebien tous les problèmes liés à la mutation du système d'enseignementsupérieur et de recherche. Comment envisager en effet l'instauration del'université autonome dans le paysage institutionnel français sanss'interroger sur les raisons qui ont fait de la question universitaireun élément central dans les débats économiques et politiques du moment? L'Université française a vu son statut bouleversé depuis une dizained'années. Loin d'être cantonnée à la seule production et distributiondes savoirs, elle apparaît désormais comme un facteur productif direct.La stratégie de Lisbonne, objectif majeur de l'UE pour faire entrerl'Europe dans l'économie de la connaissance est précisément basée surla priorité donnée à l'enseignement supérieur et à la Recherche. Or,dans la mesure où le mode d'organisation de l'Université – notammentles modes de gouvernance et les systèmes d'incitation qu'elle estcapable de mettre en place – détermine directement ses performances,celui-ci est devenu un sujet de réflexion majeur.»

Dansla suite de sa communication Elie Cohen développe une analyse de lasituation de l'Université française, ses relations avec le systèmes desGrandes Ecoles, les organismes de recherche, son financement, laréforme de la gouvernance (loi LRU).

L'intégralité du texte est ici.

A noter en particulier ceci :

«A cet égard, il est intéressant de noter que, malgré des systèmes très différenciés, l'ensemble des grands pays européens affronte aujourd'hui des problèmes similaires. Voilà vingt-cinq ans que le Royaume-Uni tente de développer un système d'enseignement professionnel supérieur à même de hisser le pays au rang des champions en gains de productivité. À l'inverse, l'Allemagne, dont le système dual a fait longtemps l'admiration des britanniques, redécouvre les vertus de la formation générale dispensée par les universités et tente de promouvoir des universités d'excellence. Quant à l'Italie, que menace une « fuite des cerveaux », elle a proclamé l'autonomie des universités sans parvenir semble-t-il à accorder les textes et les réalités. Au delà des modalités techniques de ces réformes, se pose donc une même question : comment concilier accès démocratique à la connaissance et production des compétences requises par l'économie à un coût budgétaire maîtrisé ?»

Et ceci :
«En accentuant certaines évolutions, l'autonomisation accrue des universités françaises a mis au jour bon nombre de failles. Ainsi, dans un système hypersélectif, le premier cycle devient le réceptacle de tous les échecs et, paradoxalement, le reflet de l'échec de l'ensemble du système universitaire. En outre, avec l'autonomie, les écarts entre les universités se creusent. La réforme Pécresse accuse ces réalités acceptées lorsqu'elles étaient tues.

Dans sa nature, cette réforme repose sur une conception française de l'autonomie peu comparable à celle à l'oeuvre dans les grandes universités étrangères. En France, la gouvernance des universités autonomes s'appuie sur la combinaison au sein d'une instance de gouvernance unique de deux pouvoirs - et de deux logiques - qui sont ailleurs dissociés : d'une part, un pouvoir gestionnaire, représenté ailleurs par le board of trustees, auquel est confiée la stratégie de gestion et de financement de l'université ; de l'autre, un Sénat académique, dont les compétences tiennent à la recherche, à l'enseignement, et au recrutement des nouveaux collègues.
La réforme Pécresse est fondée sur le renforcement des pouvoirs du Président à l'égard de ses collègues et sur l'ancrage territorial, à travers l'intégration au Conseil d'Administration de personnalités qualifiées. Cohabitent ainsi au sein de conseils d'administration resserrés des personnels académiques et non académiques de l'Université, désignés selon une logique politico-syndicale, et des représentants extérieurs, lesquels s'investissent peu dans ces instances dont le mode de constitution privilégie les experts. Le fait d'accorder au Président de plus larges pouvoirs, en lui permettant de désigner les comités voués à élire les nouveaux enseignants, mais aussi de moduler la charge de travail des professeurs, ou de les récompenser, l'éloigne de ses pairs. La communauté académique s'en trouve, sinon scindée, du moins plus morcelée qu'au temps où les doyens trouvaient un relais naturel chez leurs collègues et chez les responsables des anciens comités de sélection. Ainsi, loin de cimenter la communauté universitaire, une présidence forte détache le président de la chaîne des pouvoirs académiques.»