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Nouvelle parution
Méditations Littéraires, n° 1 :

Méditations Littéraires, n° 1 : "À la recherche des commencements"

Publié le par Université de Lausanne (Source : Revue Méditations Littéraires)

Méditations Littéraires, n°1

"A la recherche des commencements"

2021 – EAN13 : ISSN26589451.

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Le crépuscule de l’année 2020 voit l’aube d’une nouvelle revue de littérature générale et comparée, Méditations Littéraires. Revue internationale, plurilingue et interdisciplinaire, Méditations Littéraires entend offrir un espace d’expression ouvert à toutes les cultures et aux divers horizons du vaste champ des sciences humaines, avec un regard rivé plus particulièrement vers la littérature.

La question du sens comme celle de la valeur de nos pratiques, littéraires et scientifiques, appelle des appréciations esthétiques relatives à la manière dont la littérature et les sciences humaines configurent le monde et notre sensibilité aussi bien individuelle que collective. La valeur de nos pratiques revient, dans ce sens également le plus souvent, sur des interrogations cruciales pour tenter de déterminer le ou les commencements de tel ou tel acte créateur.

En tant que mise en forme du réel, la littérature s’est toujours posé la question de sa naissance, de ses débuts, de ce qui donne lieu à l’ébauche d’une œuvre. Savoir ce qui s’incarne grâce à la littérature et ce que cette dernière incarne en retour figure au premier rang des interrogations qui parcourent les sciences humaines. L’essor des études génétiques, l’attention portée aux manuscrits et aux brouillons invite à considérer le texte littéraire dès ses premiers germes et à prendre en compte la question de l’origine même des textes que nous lisons, analysons et étudions.

Ce premier numéro se propose de mettre en lumière la production d’une œuvre et de célébrer, par là-même, les genèses, les débuts, les commencements et autres balbutiements dans toute forme de représentation littéraire et artistique. La culture populaire de même que l’univers des mythes et des légendes demeurent pour ce créateur de mondes parallèles qu’est l’auteur un réservoir inépuisable où il s’abreuve, mêlant dans son chantier d’écriture mythes et réalités, paroles et mots écrits, mémoire et histoire… puisque tout parait nécessaire à la (re)naissance de son œuvre.

Ce numéro encourage également à travailler sur la réception d’une œuvre, sa lecture et sa critique en examinant « ce lien particulier et/ou mystérieux qui emporte le lecteur vers […] d’autres temps et d’autres dimensions » (S. Atoui-Labidi, 2017) et à revisiter le commencement des mythes, des rites, des contes… tout en les rattachant aux histoires écrites passées et présentes.

Avec les formules introductrices des contes « Il était une fois », « Kan ya ma kan »…, le commencement est annoncé et l’on est de suite transporté vers un univers autre. C’est ainsi qu’un dialogue fondé sur la parole constituante, fondatrice et créatrice se crée et instaure des liens entre les êtres et le monde. Ces amorces d’expériences, virtuelles certes, mais partagées, qui donnent libre cours à l’imagination sans pour autant nous soustraire à la réalité, constituent le dénominateur commun à toutes les œuvres fictionnelles : « Les actions, les émotions de ces êtres d'un nouveau genre [les personnages], c'est en nous qu'elles se produisent, qu’elles nous tiennent sous leur dépendance, tandis que nous tournons fiévreusement les pages du livre […] ; ainsi notre cœur change, dans la vie, et c'est la pire douleur ; mais nous ne la connaissons que dans la lecture, en imagination. » (J-L. Dufays (Dir), 1996, 93).

Il va sans dire que le début de toute chose est une alternance de sentiments et de sensations troubles et intenses qui déterminent, en dépit de leur caractère incertain, aussi bien nos réactions et nos décisions futures que nos goûts, nos préférences et nos choix, lesquels sont souvent tributaires d’un passé lointain.

Sommaire

Préface 04 Maurizio BASILI (Italie) L'inactualité toujours actuelle du mythe : l'exemple de Penthésilée dans les réécritures de Heinrich Von Kleist et Christa Wolf 07 Matthieu FOUNEAU (France) Ruptures et tempêtes, au commencement du récit utopique 20 Elodie GONTIER (France) Questionner la genèse de "La Répétition". Une esthétique kierkegaardienne multiple 30 Salsabil GOUIDER (Tunisie) La métaphore filée dans "Le Bol de punch" de Théophile Gautier 42 Hind LAHMAMI (Maroc) Le livre entre émergence et recommencement dans "Jacob Menahem et Mimoun, une épopée familiale" de Marcel Bénabou 52 Agnès LHERMITTE (France) Marcel Schwob : au commencement était l’imaginaire 62 Assia MARFOUQ et Abdelghani BRIJA (Maroc) L’expérience initiatique en Afrique dans "La Folie et la mort"de Ken Bugul et "La Petite Peule" de Mariama Barry entre traumatisme et quête des profondeurs 72 Carole MEDAWAR (Liban) "La Chanson d’Ève" ou la tentation de l’écriture poétique 82 Djaafar Fayçal MOUNES (Algérie) Au commencement l'ogre était bienveillant : une réécriture rétrospective des contes de fées dans la cinématographie moderne 96 Ayman Mousa MOUNIR MOHAMMAD (Égypte) Penser la fin de la révolution et le commencement de l'histoire chez Éric Vuillard : une lecture narrative 107 Seydi Djamil NIANE (Sénégal) Réalité muḥammadienne et récit de la création : analyse d’un mythe dans "al-Mawāhib al-laduniyya" d’Aḥmad al-Qasṭalānī (m.1517) 118 Rodolphe PEREZ (France) Dé-buter l’écriture : variations sur l’incipit chez Georges Bataille 126 Clarisse PINCHON (France) Val Plumwood et le crocodile : une expérience initiatique à l’origine d’une nouvelle conscience écologique de soi et du monde 138 Caroline RICHARD (France) Les Argonautes : récits d’un mythe fondateur 149

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Ce premier numéro de la Revue Méditations Littéraires - intitulé À la recherche des commencements - contient 14 articles inédits de contributeurs issus d’horizons très variés et qui, justement, interrogent cette question du "Commencement".

Maurizio Basili inaugure ce premier numéro de la revue et plonge le lecteur dans la mythologie grecque en proposant une lecture du mythe de Penthésilée, la reine des Amazones. Son objectif principal est d’analyser les réélaborations du mythe en question réalisées par Heinrich Von Kleist au début du XIXe siècle et Christa Wolf dans son ouvrage Kassandra de 1983. La contribution d’Elodie Gontier questionne la genèse de La Répétition de Kierkegaard et explique comment la répétition se démultiplie non seulement sur le mode interne de l’œuvre à travers un jeu pseudonymique et une critique parodique de la pensée hégélienne, mais également sur l'ensemble du corpus auctoral, formant un système d'échos. Toujours dans l’univers du XIXe siècle, Salsabil Gouider prend pour corpus Le Bol de punch de Théophile Gautier et fait découvrir les secrets de la genèse de ce conte grâce au pouvoir indéniable de la métaphore filée qui valorise la création, l’ornement, l’instruction et l’appréhension du traitement générique de l’œuvre. De son côté, Hind Lahmami se propose d’étudier les différentes étapes de la genèse du livre de Marcel Bénabou et, chemin faisant, expliquer la présence d’un incipit sans suite et ressortir, en définitive, les piliers de l’esthétique oulipienne bénabolienne. Agnès Lhermitte apporte, au travers de son texte, un éclairage sur Vies imaginaires de Marcel Schwob en analysant successivement, dans la perspective du commencement ainsi que de l’imaginaire programmatique, le rôle de l’onomastique, des contextes historiques, des hypotextes, des images et de la préface de l’œuvre en question. Loin de la littérature occidentale, Assia Marfouq et Abdelghani Brija proposent une lecture de deux œuvres de la littérature négro-africaine pour étudier le thème de l’initiation à travers les rites africains. L’article de Founeau Matthieu interroge les commencements possibles dans la littérature utopique : Robinson Crusoé de Defoe, Tournier et La Nouvelle Atlantide de Bacon. L’auteur précise comment la tempête, en tant que rupture inopinée et surprenante inaugure le récit utopique qui se prolonge vers la découverte d’un monde inédit, inattendu et novateur. La recherche menée par Carole Medawar porte sur un sujet aussi passionnant que délicat : éclairer les enjeux de la revisitation du paradis originel par l’entremise de la première femme, "mère des vivants", à partir de La Chanson d’Ève de Charles Van Lerberghe. La réflexion de Djaafar Fayçal Mounes conduit le lecteur au monde du septième art et s’interroge sur la problématique de la naissance du mal dans l’univers des contes de fées. Un corpus de deux films fait ainsi son objet d’étude : Oz le magnifique de Sam Raimi et Maléfique de Robert Scromberg. Mousa Mounir Mohammad Ayman préfère interroger le commencement dans La guerre des pauvres d'Éric Vuillard en étudiant, à partir d’une lecture narrative, deux grands thèmes : la fin de la révolution et le commencement de l'histoire. Hybridant mythe et religion, la contribution de Seydi Djamil Niane se veut une tentative d’analyse de la Réalité muḥammadienne comme mythe fondateur d’un récit de création dans la biographie du Prophète de l’Islam intitulée al-Mawāhib al-laduniyya d’Aḥmad al-Qasṭalānī. Rodolphe Perez propose d’apporter une analyse de l’écriture des incipit dans l’œuvre romanesque de Georges Bataille. Il mène ainsi une étude comparée des différents incipit de l’auteur dans la perspective de questionner la place du commencement romanesque et de ses variations au sein d’une même œuvre. Clarisse Pinchon explore, de son côté, The Eye of the Crocodile, une œuvre de l’écoféministe australienne Val Plumwood, à la croisée de la littérature et de la philosophie. Cette contribution tend à montrer que l’expérience "douloureuse" vécue par Plumwood est érigée en expérience initiatique, provoquant chez l’auteure l’avènement d’une nouvelle conscience écologique d’elle-même et du monde. La contribution de Caroline Richard clôt ce premier numéro en replongeant le lecteur, encore une fois, dans la mythologie grecque. Elle tente de déterminer comment le mythe des Argonautes est remanié afin de devenir un récit fondateur d’un ensemble socio-culturel en construction.

Ce premier numéro de la revue Méditations Littéraires se veut un espace ouvert à l'échange et au partage des idées, des approches critiques en rapport avec le thème proposé, en l’occurrence Le Commencement. Les présentes contributions sont le fruit d’un travail d’analyse intellectuel et scientifique d’enseignants-chercheurs, de chercheurs et de doctorants émanant de sphères culturelles multiples et différentes. La qualité de ces textes et la pluralité d’horizons culturels et scientifiques propulsent la revue vers sa seconde vie : un deuxième numéro qui, nous l’espérons, appellera des réflexions nombreuses idéalement approfondies.

Qu’il nous soit permis de remercier tous les contributeurs pour leurs efforts et pour la qualité de leurs contributions qui s'avèreront précieuses pour notre revue Méditations Littéraires. Nous remercions également tous les membres du comité scientifique pour leur implication à ce premier numéro et, aussi, pour leurs expertises efficaces et constructives, malgré les contraintes de temps.

Le comité de rédaction