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La preuve en Histoire: Controverses

La preuve en Histoire: Controverses

Publié le par Bérenger Boulay (Source : Madalina Vartejanu-Joubert)

 

La preuve en Histoire : Controverses

Samedi 24 novembre 2007

Salle Fabri de Pieresc, INHA 2, rue Vivienne 75002 Paris 9h30-17h

9h30-10h Madalina Vartejanu-Joubert (Centre Gustave Glotz – UMR 8585) Introduction : L’Histoire comme discipline – de la question à la preuve L’introduction comportera trois parties. La première reprendra l’argumentaire de la journée d’études, les raisons historiographiques et pour ainsi dire, « conjoncturel-disciplinaires », qui l’ont inspirée. Plus particulièrement j’insisterai sur l’administration de la preuve comme fondement d’une discipline et sur les questions liées à l’adéquation entre la preuve et l’interrogation des sources. Dans la deuxième partie je ferai la projection d’un court extrait (10 min) du film Ce fut ou ce ne fut pas de Corneliu Porumboiu (le titre sur les écrans français : 12h08 à l’est de Bucarest ne préserve pas l’allusion shakespearienne du titre roumain) qui résume à lui seul la problématique de la preuve en histoire. Le film a reçu la Caméra d’Or à Cannes en 2006. Enfin, la troisième partie sera recentrée sur les contributions annoncées dans le programme, en soulignant l’écho théorique des principaux aspects traités.

I. Sceptiscismes

10h-10h20 Arnaud Sérandour (Ecole Pratique des Hautes Etudes de Paris) La Septante de Jérémie en question : incessant retour sur la preuve Je parlerai de la preuve administrée par P.-M. Bogaert qui, à la suite d’autres auteurs, a établi que le texte grec du livre de Jérémie est antérieur au texte massorétique. Il a apporté la preuve que le TM est en fait une réédition augmentée et réangencée du texte hébreu traduit par le texte grec. Bien que la preuve ait été faite, bien des auteurs n’en tiennent pas compte et développent d’autres hypothèses. On réfléchira sur le caractère particulier de ce fait d’histoire qui ne présente pas le caractère de « fait historique » au sens positif de cette notion. En étudiant les controverses et les contradictions apportées par les tenants d’autres hypothèses, on posera les questions épistémologiques qui restent pendantes : est-il nécessaire, voire fructueux de chercher à dirimer le débat dans les disciplines qui, telle la philologie, sont en grande partie fondées sur l’interprétation. Si oui, de quelle manière procéder ? Sinon, comment envisager l’avenir et la tâche de la philologie et, au-delà, des disciplines d’érudition.

10h20-10h40 Christophe Batsch (Université de Lille 3) Mésusage et nocivité des dispositifs de la preuve appliqués aux études historiques. L’exemple de 4QInstruction. La preuve et tout l’appareil des dispositifs de la preuve n’ont de sens et d’utilité que dans la quête de l’établissement de la vérité – classiquement dans la pratique de la justice, et sans doute aussi dans la philosophie ou la théologie (innombrables « preuves de l’existence de Dieu », par exemple). Ni l’histoire ni aucune autre science n’en ont donc l’usage, dans la mesure où leur but n’est pas la recherche de la vérité mais celle de la connaissance. Le grand texte des 4QInstruction découvert parmi les manuscrits de la mer Morte, offre un exemple frappant du mécanisme d’un de ces glissements de l’épistémé à l’aléthéia, qui constitue en fait une véritable rupture, camouflée sous les apparences d’un vocabulaire de sagesse.

10h40-11h Discussion

11h-11h10 Pause

II. Découpages

11h10-11h30 Ovidiu Cristea (Institut d’Histoire Universelle « Nicolae Iorga » de Bucarest) Le découpage de la preuve: les chroniques de la croisade de Nicopolis et les interprétations historiques.

11h30-11h50 Maurice Kriegel (Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales de Paris) Le hapax documentaire : retour sur le témoignage unique Une comparaison entre trois cas de témoignage unique, deux évoqués par Ginzburg dans son livre, Massada, et le cas d'une persécution contre les Juifs lors de la Peste Noire en Provence en 1348, et le troisième, des massacres à Madagascar en 1948 connus par, aussi, « un seul témoin ».

11h50-12h15 Discussion III. Le « fait » et la « lettre »

14h-14h20 Dan Dana (Ecole Pratique des Hautes Etudes de Paris) Preuve et malentendu : sur l’origine et la transmission du chamanisme en Grèce ancienne Je parlerai de la thèse popularisée par E. R. Dodds sur le « chamanisme grec », vu comme étant d’origine étrangère, plus précisément arrivé du Nord (Scythie). Vision particulière du passé grec et des régions « barbares », théorie du diffusionnisme, attentes et malentendus des modernes, généralisations abusives qui tiennent lieu de preuves ont fait passer cette théorie pour une certitude. Comment les maigres sources furent-elles réaménagées afin d’avancer la thèse d’une médiation venue du Nord, et quels furent les enjeux et les conséquences ?

14h20-14h40 Giuseppe Veltri (Université de Halle) Les arguments d’Ariel Toaff sur l'usage de la magie chez les Ashkénazim

14h40-15h Marc Aymes (Wissenschaftskolleg de Berlin ("Europe in the Middle East - The Middle East in Europe" Fellow 2007/08) / Zentrum Moderner Orient) Sera-ce lisible ? Archives, littéralité et littérarité Lire des archives ne va jamais de soi. Y déchiffrer la preuve d'événements censés avoir eu lieu, moins encore. Soit par exemple les réformes (ou Tanzîmât) appliquées ou tentées dans l'Empire ottoman au XIXe siècle : toujours s'oppose, à la positivité des décisions « sur le papier », l'incertitude de leur résultats sur le terrain. Variante en négatif de la dichotomie entre les lumières de « l'esprit » et l'aveuglement de « la lettre ». L'inconvénient est que l'on postule un irréductible espacement entre, disons, les « normes » et les « pratiques ». Alors que c'est précisément ce qui change sur le papier, dans la forme des archives comme sur leur fond, qui mérite une étude approfondie, et peut prendre valeur de preuve. Autrement dit, nous devons rendre compte de processus spécifiques d'écriture et de lecture. D'où la nécessité de déchiffrer les réformes « à la lettre », en étudiant les formules et formalités qui marquent leur empreinte sur le papier. Non sans noter que l'instauration de modèles standardisés n'exclut pas la reconduction d'une littérarité singulière : il faut aussi faire la part du dépaysement, des improvisations dont sont affectées les archives.

15h-15h20 Discussion

15h20-15h30 Pause

IV. Histoire et justice : interférences de la preuve

15h30-15h50 Laurentiu Vlad (Faculté des Sciences politiques, Université de Bucarest) Mémoire du communisme roumain : de la source historique à la preuve juridique : l’Institut pour l’Investigations des Crimes du Communisme en Roumanie. Notre intervention discutera la tension observable dans toutes les actions de l’IICR, entre d’une part, la tentation de donner naissance, de façon cohérente, à un nouveau territoire dans l’historiographie roumaine et, d’e l’autre, l’intention de fournir des preuves aux institutions habilités à instruire des procès à l’encontre des anciens détenteurs du pouvoir communiste. Le déficit de légitimation de l’IICR est donc double : d’une part, il ne détient pas une position d’autorité dans le champ de l’historiographie roumaine et, d’autre part, il se cherche une d’identité dans le champ politique. Cette situation conduit à l’ambigüité du statut de la source historique dans la démarche de l’IICR, ambigüité dont nous tenterons de dévoiler les conséquences intellectuelles.

15h50-16h10 Jean-Pierre Deschodt (ICES La Roche-sur-Yon) La surveillance administrative et le dispositif de preuve : le carnet B En procédant à de multiples sondages dans le fonds de Moscou et les centres d’archives départementales, nous constatons que les différents gouvernements dépensent une énergie particulière à ficher, à filtrer, à sanctionner les individus selon des critères d’ordre politique. Cette surveillance administrative, qu’attestent plusieurs centaines de pièces, étend son empire sur tous ceux qui sont susceptibles de menacer l’intégrité de l’Etat. Aussi, elle participe à une activité plus générale dont l'essence demeure la figure du suspect. Suspects français et étrangers qui divulguent aux puissances ennemies des renseignements concernant la Défense nationale. À côté de ces préoccupations liées à l'espionnage, le carnet B recense français et étrangers qui représentent au point de vue national, une menace pour l'ordre intérieur. Quelles sont les causes qui peuvent expliquer l’existence puis l’extension d’un tel système ? Les causes physiques ou naturelles suffisent-elles à comprendre l’étendue de la surveillance administrative ? Quelle part est à attribuer aux causes morales? 16h10-17h Dicussion