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La perception et la représentation de la France et des Français dans le monde anglo-américain des XVIIe et XVIIIe siècles

La perception et la représentation de la France et des Français dans le monde anglo-américain des XVIIe et XVIIIe siècles

Publié le par Matthieu Vernet (Source : Pierre DEGOTT)

Appel à communications
Société d'Études Anglo-Américaines des XVIIe et XVIIIe Siècles
20 - 21 janvier 2012 (Paris)

La perception et la représentation de la France et des Français dans le monde anglo-américain des XVIIe et XVIIIe siècles

Ce colloque s'attachera à examiner le regard porté sur la France et les Français par le public anglo-américain des XVIIe et XVIIIe siècles. Il permettra une réflexion sur la perception d'une réalité étrangère, sur la notion de stéréotype ou d'« écran culturel », sur tous ces aprioris et systèmes appris ou pré-construits qui pré-structurent notre perception de l'autre et de l'étranger, aboutissant à ce que Husserl et Merleau-Ponty ont théorisé en évoquant la notion du jugement antéprédicatif. De la francophobie systématique à la francophilie fantasmée, amenées par une connaissance réelle issue de l'expérience et de l'observation ou bien au contraire véhiculées par la diffusion d'ouïe-dires ou de préjugés arbitraires, tous les jugements ou attitudes face à l'ennemi ou à l'ami français jalonnent et façonnent deux nations elles-mêmes en quête, à des degrés divers, d'une véritable identité nationale. Dans tous les cas, la réflexion permettra de vérifier ou d'infirmer le principe selon lequel : « esse est percipi » (« être, c'est être perçu »).
Dans le domaine anglais, les premiers mots qui viendront à l'esprit seront vraisemblablement ceux de « rivalité », d'« incompréhension » ou d'« étrangeté », tant les rapports entre les deux nations étaient tendus à une époque particulièrement complexe sur le plan politique, que l'historien John Robert Seeley n'hésita pas au XIXe siècle à appeler « la seconde Guerre de Cent Ans ». Pourtant, le conflit dépassait largement la simple rivalité commerciale ou stratégique, car il s'agissait bien plus d'une opposition entre deux systèmes, voire entre deux visions du monde que l'on pourra décliner par exemple selon les paradigmes suivants : la « tyrannie » française contre la « liberté » anglaise ; le catholicisme contre le protestantisme ; le théisme contre le déisme ; le mercantilisme contre le libre échange ; le cartésianisme contre l'empirisme, etc. Des deux côtés de la Manche, philosophes, religieux et politiques discutaient sans relâche des avantages et des inconvénients des deux systèmes, non sans contresens, aprioris ou malhonnêtetés d'une part ou de l'autre.
Dans le monde américain, les Français sont également vus comme ces voisins papistes et envahissants, alliés des nations indiennes, contre lesquels les colonies luttent tout au long du XVIIIe siècle. On pourra ainsi s'interroger sur les formes que prirent, dans les écrits puritains ou les premiers journaux des colonies, la défiance et l'hostilité envers les colons français d'Amérique du nord et leurs valeurs, ou supposées valeurs. Après la défaite française en Amérique du nord en 1763, et le soutien de la France aux colonies rebelles entre 1778 et 1781, la France et les Français ont-ils été immédiatement perçus différemment, et si oui par qui ?
Cependant, ce qu'on a appelé la deuxième « République des Lettres », laquelle évidemment n'exclut en rien l'univers américain, était également un centre d'influences mutuelles détaché des antagonismes politiques, religieux ou économiques, et les échanges multiples entre les nations, qu'ils fussent teintés de méfiance, de scepticisme, d'admiration ou de fascination, focalisent l'intérêt et l'attention du monde anglo-américain sur la culture de ce dérangeant « voisin » d'outre-Manche ou d'outre-Atlantique.
Dans le domaine américain, où peu de Fondateurs sont au final de réels francophiles (pas même peut-être Jefferson…), on pourra ainsi se demander quel rôle joua véritablement l'expérience française dans la carrière politique ultérieure des diplomates américains qui ont séjourné en France entre 1776 et 1789, sans parler de ceux qui leur succédèrent. Tout comme en Angleterre, la Révolution française joue un rôle majeur aux États-Unis après 1789, passionnant le pays, des gouvernants au peuple. La perception et la représentation de la France et des Français sont au coeur du débat politique national, à travers caricatures, toasts et articles de journaux, d'autant que les rues des villes américaines s'emplissent d'émigrés, de réfugiés de Saint-Domingue et autres boulangers ou maîtres de danse français, avant que les armées victorieuses de la Révolution n'impriment une image martiale, et menaçante, sur la psyché d'un pays attaché à la démocratie et au libre commerce. On pourra donc s'interroger sur les formes variées et toujours en évolution que prirent ces représentations de la France dans la jeune Amérique de la deuxième moitié du XVIIIe siècle, à travers correspondances privées, journaux et illustrations.
L'Angleterre avait, elle aussi, besoin de son ennemie intime, ne serait-ce que pour se poser en s'y opposant, et elle avait les yeux rivés sur tout ce qui était français : littérature, mode, cuisine, arts et métiers. Dès le XVIIe siècle, les Stuarts en exil, en particulier Charles II, s'étaient imprégnés de la culture et du goût français pendant leur séjour forcé, et ils les firent connaître à leur retour en Angleterre, parfois au grand dam du peuple et de la Cour. La présence à Londres de compositeurs français comme Robert Cambert et Louis Grabu alimentait le sentiment anti-catholique qui agitait la nation. Pendant les périodes de paix, les voyageurs britanniques visitaient volontiers la France et plusieurs laissèrent des témoignages écrits, pas toujours très bienveillants (Smollett, Sterne et Young, notamment). De leur côté, des Français se rendaient, eux aussi, en Grande-Bretagne, et certains s'y établirent définitivement. L'arrivée des Huguenots suite à la révocation de l'Édit de Nantes en 1685 fut accompagnée d'un afflux de talent et de savoir-faire à Londres, et l'expérience de tous ces Français, mais également certaines de leurs moeurs, évoquent une fois de plus l'éternel débat sur l'assimilation des immigrés. Fournier Street, dans le quartier de Spitalfields, aboutit à Brick Lane... Un siècle plus tard, et pour des raisons bien différentes, d'autres émigrés français trouvèrent refuge à Londres. Quelle que soit la période dont il s'agit, les écrivains, philosophes, artistes et artisans français de toute confession (ou absence de confession) étaient fort admirés outre-Manche. Même un francophobe comme William Hogarth reconnaissait à contrecoeur sa dette envers les peintres français. Philip(pe) Mercier lança les scènes de genre dites conversation pieces en Angleterre. Dans le domaine musical, Haendel n'hésita pas dans les années 1730 à modifier la structure de ses opéras italiens afin de faire la place belle aux danseurs venus de France, et les acteurs émigrés du Théâtre de la Foire jouèrent vraisemblablement un rôle dans le développement du ballad opera, ce produit généralement vu comme typiquement anglais. Dans les domaines artisanal et artistique, Jean Tijou, Louis Laguerre et bien d'autres firent carrière à Londres. Et pour ce qui concerne les sciences dites « dures », l'exemple spectaculaire de la première traversée de la Manche par la voie des airs, effectuée en ballon par le Dr. John Jeffries et Jean-Pierre Blanchard en 1785, prouve que la collaboration entre les nations rivales n'était pas impossible. La politique, la religion, les choix artistiques, les intérêts commerciaux et stratégiques pouvaient séparer les deux pays mais les hommes et femmes de bonne volonté arrivaient toujours à établir une entente cordiale.

Les communications présentées lors de ce colloque pourront ainsi aborder les champs disciplinaires suivants :
- le domaine historique et politique : la perception de la France et des Français dans les différents conflits et événements marquants de la période concernée (guerres, révolutions, changements institutionnels…) ;
- le domaine économique et commercial : la France et les Français vus dans le développement de stratégies, de rivalités, de quête de marchés... ;
- le domaine religieux, l'histoire des idées : la perception des Lumières françaises, l'influence et la vision des « Philosophes »... ;
- le domaine scientifique : l'attitude du monde anglo-américain face aux découvertes scientifiques émanant de la France (scepticisme, admiration ?) ;
- le domaine littéraire : la réaction du public anglo-américain devant la production littéraire française, ou la représentation de la France et des Français dans la littérature anglo-américaine ;
- domaine artistique : la perception du jardin à la française (rejet, envie...), de la musique, de la danse, de l'opéra, de la peinture françaises... ;
- vie quotidienne, moeurs : cuisine, confort, mode, sexualité, etc. ;
- voyages, immigration : le regard porté par le Britannique ou par l'Américain lors de ses déplacements en France, ou bien la perception du Français lors de ses propres voyages dans le monde anglo-américain.

Le comité scientifique donnera la priorité aux travaux novateurs (sources primaires, approches méthodologiques, etc.) plutôt qu'aux synthèses d'éléments déjà bien connus.

Calendrier :
- 15 mai 2011 : date limite de l'envoi (en .doc pour PC) des propositions (400 mots environ), accompagnées d'une bibliographie sélective et d'un CV bio-bibliographique à Guyonne Leduc (guyonne.leduc@univ-lille3.fr) ET à Pierre Degott (degott@univ-metz.fr)
30 juin 2011 : envoi de l'avis du comité scientifique qui sera constitué selon l'objet des propositions.