Essai
Nouvelle parution
La Muse sacrée, anthologie de la poésie spirituelle française (1570-1630)

La Muse sacrée, anthologie de la poésie spirituelle française (1570-1630)

Publié le par Bérenger Boulay


Michel Jeanneret, Terence Cave,
     La Muse sacrée, anthologie de la poésie spirituelle française (1570-1630)
   
José Corti, 2007.

384 pages
ISBN : 978-2-7143-0942-6
22 Euros


   
La période baroque fut aussi l’âge d’or de la poésie religieuse. Le bouleversement des réformes, protestante et catholique, a ébranlé les certitudes, soulevé les passions militantes et inspiré aux fidèles, de quelque bord qu’ils soient, une intense ferveur spirituelle. Si les vers sont parfois mobilisés comme armes offensives et vociférations partisanes, des centaines de poètes leur demandent plutôt d’accompagner le recueillement et la prière, d’exprimer la peur ou la joie qui jalonnent la vie du chrétien. C’est cette médiation intime sur l’homme pécheur et le Christ rédempteur, la hantise de la faute et la promesse de la Grâce qui donne au parcours reconstitué ici son allure dramatique.

Organisée par thèmes, cette anthologie se lit comme un grand récit, l’histoire de la rencontre, terrifiante ou exaltante, de la créature avec son Créateur. Trois parties suivent un cheminement qui conduit du comble de la misère, « L’homme déchu », à la communion mystique, « L’âme ravie », en passant par l’événement central de la Passion, où se rejoignent l’ignoble et le sublime, « Dieu sur terre ».

Les quelque cent quarante poèmes cités, choisis parmi des milliers, appartiennent tous à des auteurs mal connus et n’ont pas été réédités depuis quatre siècles. Leurs images flamboyantes et leur sens aigu du spectacle, la grâce de leurs rythmes, leur combat avec les mots pour dire l’indicible, tout cela situe l’acte de poésie au cœur d’une aventure existentielle.
 

Extrait:

L’ÂME FLÉTRIE


La vie est une fleur espineuse et poignante,
Belle au lever du jour, seiche en son occident,
C’est moins que de la neige en l’Esté plus ardent,
C’est une nef rompue au fort de la tourmente.

L’heur du monde n’est rien qu’une rouë inconstante
D’un labeur eternel montant et descendant :
Honneur, plaisir, profit les esprits desbordant,
Tout est vent, songe et nuë, et folie evidente.

Las ! c’est dont je me plains moy qui voy commencer
Ma teste à se mesler, et mes jours se passer,
Dont j’ay mis les plus beaux en ces vaines fumees :

Et le fruict que je cueille, et que je voy sortir
Des heures de ma vie, helas ! si mal semees,
C’est honte, ennuy, regret, dommage et repentir.

Philippe Desportes