Essai
Nouvelle parution
La Muse lascive, Anthologie de la poésie érotique et pornographique française (1560 - 1660)

La Muse lascive, Anthologie de la poésie érotique et pornographique française (1560 - 1660)

Publié le par Bérenger Boulay (Source : Alexandre Piffault)


JEANNERET Michel

La Muse lascive, anthologie de la poésie érotique et pornographique française (1560-1660)

Paris, Corti, 2007, 384 pages
ISBN : 2714309429
22 Euros


Description de l'éditeur :

Un jour d'avril 1623, le poète Théophile de Viau est arrêté, jeté à la Conciergerie, puis condamné au bûcher. On lui reproche un sonnet obscène, «Phyllis, tout est foutu…». La syphilis et ses effets morbides, le plaisir solitaire, l'invocation divine mêlée à la luxure, la sodomie : le fringant jeune homme n'y était pas allé de main morte ! La justice civile et le pouvoir ecclésiastique se sont unis pour frapper fort et, par ce procès exemplaire, mettre fin à la vague de pornographie qui, depuis 1600, envahit les étals des libraires.
La poésie érotique avait prospéré au XVIe siècle, mais, hédoniste et joyeuse, elle ne cherchait pas le scandale. Faire l'amour, pour Ronsard et ses contemporains, c'est participer à la vie du cosmos et tenir son rôle dans le grand jeu de la sexualité universelle. L'attrait du nu, la volupté des corps inspirent des vers qui, sans honte, célèbrent le plaisir des sens. Si le ton monte, au tournant du siècle, et fait basculer Éros dans la provocation, c'est que la discipline religieuse et morale s'est renforcée – on est alors en pleine Contre-Réforme – et que les esprits libres répondent à l'intimidation par la bravade. Ouvertement avant le procès de Théophile, clandestinement après, des poètes sulfureux évoquent des figures louches et des pratiques interdites, explorent tous les registres de l'abjection et descendent dans l'enfer du sexe, sur un ton qui, tantôt drôle, tantôt lugubre, est toujours polémique.
À travers cent soixante-quinze poèmes d'auteurs le plus souvent mal connus, ou demeurés anonymes, cette anthologie, organisée par thèmes, entraîne le lecteur de l'épanouissement à la transgression, de l'érotisme à la pornographie.


Extrait

STANCES OÙ UNE DAME PARLE

J'ayme bien ces pourtraits au blanc d'une muraille,
Dont seulement l'object esmeut nos appetits,
Mais je ris de ces fous, o la grande canaille !
Qui les peignent si grands et les ont si petits.

Ils veulent, par l'object d'une feinte peinture,
Faire courre apres eux, mais ils en sont bien loing ;
Nos Cons ne suyvent pas de façon la nature :
Ils ne vont point au lievre, ils sont oyseaux de poing.

Quelque fain qui les presse en leur humeur gourmande,
L'oyseau n'est pas niais, il cognoist son gibier ;
Il faut qu'il voye un poing bien garny de viande,
Si l'on veut qu'il s'abbate et rende familier.

Les Cons et les autours ont ceste ressemblance
Qu'ils se paissent de cru, et au vif ils vont tous ;
Ensemble, leur nature a ceste difference
Que l'un fond sur la proye, et l'autre fond dessous.

Princesse de Conti